Day 6 : Archons AU

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Un vent léger soufflait sur la plaine, faisant doucement onduler l'herbe d'un vert joyeux. Les rayons du soleil qui se levait tout juste réchauffaient lentement l'air encore frais de la nuit qui venait de s'achever, et la lune venait de s'effacer dans le bleu azur de la voûte céleste.

La journée s'annonçait magnifique.

Kazuha regrettait de ne pas pouvoir y assister.

Allongé sur un tapis verdoyant, à l'ombre d'un arbre, il sentait la vie s'échapper de lui petit à petit.

Il ne sentait déjà plus ses membres, et il avait l'impression qu'on lui injectait de la glace dans les veines. Kazuha cligna des yeux, et sa vision redevint un peu plus nette, même s'il ne savait pas combien de temps il pourrait la maintenir ainsi.

Il contempla une nouvelle fois le visage crispé par le chagrin de Heizou, qui l'agrippait par les épaules alors que sa tête était posée sur ses cuisses. La position allongée donnait à Kazuha l'irrésistible envie de s'endormir, et il aurait déjà cédé à cette impulsion si la voix implorante de son amant ne l'avait pas supplié à maintes reprises de rester avec lui. Même s'il l'entendait de moins en moins clairement, l'Archon sur le déclin ne voulait pas perdre une miette de ce qu'il disait.

Heizou retenait ses larmes du mieux qu'il pouvait. Cela faisait déjà plusieurs décennies que Kazuha luttait contre la corrosion qui le rongeait, comme elle rongeait tous les dieux une fois leur tour venu. Les dernières années avaient été de plus en plus compliquées, et l'état de l'Archon anémo avait empiré, atteignant un point critique. Heizou avait compris qu'il ne pourrait plus rien faire lorsque Kazuha avait commencé à disparaître sous ses doigts. Il lui caressa le visage d'une main tremblante, s'efforçant de ne pas regarder son bras droit, qui avait déjà presque entièrement disparu.

" Kazuha, écoute-moi, ça.. ça va aller. Je vais trouver quelque chose. On peut s'en sortir, d'accord ?"

Sa voix étranglée avait des accents d'hystérie, et Kazuha tiqua. Il ne voulait pas que Heizou soit triste, surtout pas à cause de lui. Cependant, il n'arrivait pas à articuler correctement, et seul un faible soupir s'échappa lorsqu'il tenta de parler.

Ses pensées lui semblaient de plus en plus brumeuses, ralenties. Cependant, l'une d'entre elles le brûlait avec la force du métal en fusion. Clignant des yeux une nouvelle fois, il leva une main aux prix d'efforts intenses.

Heizou l'enveloppa aussitôt dans la sienne.

" Non, repose-toi, je t'en prie..."

Kazuha lui adressa, du mieux qu'il put, un sourire et ouvrit lentement sa main, laissant glisser dans celle de Heizou un petit objet qui ressemblait à une pièce d'échecs.

Celui-ci écarquilla les yeux en découvrant le Gnosis logé dans sa paume. Il regarda Kazuha, incrédule. Ce dernier parvint enfin à émettre un simple mot, qui lui coûta bien trop en énergie.

" Héritier...

- Moi ...? Murmura Heizou. Non, tu.. tu devrais le garder, tu vas encore en avoir... en avoir besoin."

Kazuha secoua lentement la tête.

" Le... tien."

Une larme coula sur la joue de Heizou, et le plus jeune des deux dieux enserra l'autre dans son étreinte, le berçant doucement. Il savait que Kazuha acceptait déjà sa disparition, mais lui n'y parvenait pas. Ils avaient passé des millénaires côte à côte, et il ne s'imaginait pas vivre sans lui. Il s'agrippa au mourant avec plus de force, sentant le Gnosis écorcher sa paume crispée.

" Mon... peuple. Prends soin...

- Chut... s'il te plaît, arrête... Tu vas survivre, d'accord ? Tu-tu prendras soin d'eux toi-même..

- Promet..

- Non... Kazuha, stop... Tu te fatigues.

- Promet... S'il te plaît.."

Heizou éclata en sanglots.

" Je te promets tout ce que tu veux, mais reste avec moi !"

Sa voix se brisa sur la fin de sa phrase.

" Je... T'aime. Vis.. pour moi..."

Heizou lui répondit, mais Kazuha ne l'entendait plus. Son corps s'allégeait, et il ne sentait plus l'étreinte désespérée de Heizou, ni sa chaleur pourtant si réconfortante contre ce froid qui le mordait de l'intérieur. Tout lui semblait flou, et il ne chercha pas à s'accrocher. Il savait que ce serait inutile, que rien ne pouvait l'arracher aux bras que la Mort enroulait déjà autour de lui, remplaçant ceux de celui qu'il avait désigné comme son successeur.

Heizou sentit Kazuha s'éloigner de lui aussi clairement que s'il s'était physiquement écarté de lui.

" Non.." murmura-t-il.

Il avait l'impression qu'on lui comprimait tellement la poitrine qu'il ne pourrait plus jamais respirer comme avant. Son souffle se faisait erratique au travers de ses larmes, et il eut l'impression d'être poignardé lorsqu'il sentit la corrosion finalement avoir le dessus sur l'ancien dieu, qui fut réduit à néant dans ses bras.

Heizou laissa échapper un plainte sourde de douleur, plié en deux comme s'il pouvait faire réapparaître son amant simplement par la force de son refus.

Les larmes coulaient sur son visage, et la seule relique que Kazuha avait laissée derrière lui, la seule trace qu'il avait jamais existé et foulé le sol de Teyvat, se mit à briller d'une lueur vive entre les doigts de l'endeuillé.

Ce dernier n'y prêta même pas attention. Il resta prostré, replié sur sa peine comme sur une blessure encore en sang. Nul ne sait combien de temps le nouvel Archon resta au pied de cet arbre, à pleurer la mort de son amant.

Le chagrin le déchirait. Une part de lui lui hurlait de tout faire pour rejoindre Kazuha, quitte à se donner lui-même la mort, tandis que l'autre avait douloureusement conscience du souhait de ce dernier, qui avait placé sa confiance en lui une ultime fois. Ce dilemme failli lui faire perdre l'esprit, mais il se rappela de la promesse qu'il avait faite. Il n'avait pas le droit de la rompre, pas le droit d'être aussi égoïste.

Lorsqu'il se redressa finalement, ce fut uniquement pour murmurer une dernière promesse, qu'il priait pour que le vent apporte à son défunt amour, où qu'il puisse se trouver à présent.

" Je te retrouverai. Un jour, je te le jure, je te rejoindrai."

Il se leva, les membres engourdis par la fatigue du deuil qu'il portait déjà, et se mit en marche, ne prenant pas la peine d'essuyer ses joues trempées.

Il avait un peuple à prévenir de la mort de son dieu. 

Le détective et le fugitif courant sous le vent // Heikazu Week 2022Où les histoires vivent. Découvrez maintenant