1- Niveau supérieur

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Des bras me secouaient, me sortant ainsi de ma rêverie. Tim me regardait d'un air exaspéré. Mon buste était affalé sur la table de la cuisine, et je réfléchissais à tout et à n'importe quoi, afin d'échapper à la réalité.

— Bouge-toi Floriane, c'est l'heure ! me dit-il en basculant ma chaise sur le côté.

Je tombai à la renverse, chutant de ma place. Il m'exaspérait quand il se prenait pour mon père, il ne pouvait pas garder son statut de frère et fermer sa bouche au lieu de me dire tout le temps quoi faire ? Quel connard. Je ne pouvais pas avoir un gentil frère jumeau bien docile ? Ce n'était pas à lui de contrôler ma vie. C'était mes choix, ma vie, pas les siens. Il ne pouvait jamais s'empêcher d'émettre des réflexions à chaque fois que je faisais quelque chose. Et pourtant, il fallait qu'on ait tous les deux le même caractère. Un caractère de merde, il fallait se l'avouer. Toujours à vouloir répondre et avoir le dernier mot. C'est pourquoi en me relevant, je lui assenai un violent coup de pied dans le tibia. Je vis sa bouche se crisper de douleur, mais avant qu'il ne puisse riposter, une voix stridente nous sermonna :

— Vous ne pouvez pas arrêter juste un instant tous les deux ? Pour une fois ? s'exclama notre mère depuis l'entrée de la cuisine. Elle tenait dans ses bras une longue robe sirène, d'un bleu marine. Jolie. Mais dommage que ce fut à cette occasion que je dus la porter. Cette occasion. Correction : « cet événement » Cet affreux événement auquel je n'avais pas d'autre choix que de participer. Mais je devais le faire, pour ma famille, pour eux.

— Tu attends quoi pour l'essayer ? me pressa ma mère, la robe toujours dans ses bras.

Je ne bougeai pas. J'étais encore sous le choc, c'était bien aujourd'hui. Je ne méritais pas cette robe, elle ne devrait pas être utilisée pour ça. Elle avait ruiné toutes les faibles économies de ma mère. Et me voilà qui culpabilisais à nouveau. Mais on n'avait pas le choix. Une robe expansive était exigée pour l'ouverture. Assez ironique étant donné que, nous les jeunes femmes du Niveau 2, n'avions que très peu de revenus. C'était le principe des Niveaux, répartir la population en 4 Niveaux, 4 Niveaux selon les professions et les statuts, et donc les rémunérations.

— Je n'y arriverais pas sans me contenir, maman, lui disais-je tout bas, pendant qu'elle me donnait la robe.

Comme la population des Niveaux 1 et 2, je vouais une immense haine contre eux, et l'idée d'entrer dans leur mode de vie m'était insupportable. Quand la grande porte de la villa s'ouvrira, il n'y aura aucun retour en arrière.

La robe entre mes mains, je partis l'essayer.

La chambre, que nous partagions mon frère et moi, était simplement dotée d'une armoire, d'une petite table, nous servant de bureau, une chaise l'accompagnant, et de deux matelas posés sur la moquette. Non, nous ne vivions pas dans la misère, juste avec le strict minimum. C'était bien pire au Niveau 1. Ici, au Niveau 2, nous sommes considérés comme des habitants « simples ». Tel est l'adjectif utilisé par les connards du Niveau 4, et même parfois ceux du Niveau 3.

Rien que de penser à eux m'énervai, et j'enfilai la robe avec brutalité. Le contact doux de la robe ne m'empêchait pas de me calmer, cette robe, c'était encore une fois une preuve de soumission envers eux, on se soumettait encore une fois à leurs désirs. Si cela ne tenait qu'à moi, j'y serai allée en jean – t-shirt. Simple. Efficace. Pas besoin d'extravagance le premier jour. On va juste toutes se tenir la main, sourire pour les caméras, et entrer dans cette putain de villa. Quoique, ce serait ironique d'y aller dans cette tenue. Ce serait du jamais-vu. L'idée était tentante, mais la robe ne pouvait être remboursée. Et puis il ne faudrait pas que je me fasse remarquer, surtout dès le premier jour. Ça ruinerait tout le plan. Ma participation devra se faire discrète, afin de ne pas attirer l'attention des uns et des autres. Le moment venu, ça frappera très fort.

NIVEAU 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant