Chapitre 14

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Noé

Je n'ai pas eu le courage de m'extirper de la tente avant que Fanny ne soit réveillée ce matin. Son corps n'a pas quitté le miens de toute la nuit et ce serait mentir que d'affirmer qu'une petite étincelle en moi ne brille pas. Peut-être se sert-elle de notre étreinte comme point d'ancrage pour ne pas rebasculer dans l'horrible veille. Peut-être aime-t-elle tout simplement être dans mes bras ? Quelle que soit la raison, je suis là. Et je ne serais pas assez égoïste pour la laisser dériver et casser ce moment.

Ses paroles d'hier soir ne cessent de tourner en boucle dans mon esprit, elles m'ont hanté une bonne partie de la nuit et je sens leur poids comme ci moi aussi j'avais vécu tout ces évènements. Je me sens même coupable et accablé de ne pas avoir été surpris par ses révélations. Combien de fois ai-je surpris une main baladeuse non consentie au lycée ou à la fac ? Hier soir, j'ai agis pour toutes les fois où je n'ai rien fais, où pantelant, j'ai laissé faire.

Plus jamais cela. Que ce soit pour Fanny ou qui que ce soit.

Le nez de la petite blonde chatouille la base de mon cou et je ferme les yeux pour me retenir de lui caresser les cheveux. Elle a l'air si paisible, à dix milles lieus de tout ce qui lui ait arrivé. Qu'est ce qui m'arrive ? Je me surprends à détailler les reflets de sa chevelure et les nuances que prend celle ci avec les rayons de soleil filtrant par la moustiquaire.

Je bats des cils longuement en tentant de mettre de l'ordre dans mes pensées. Est ce que j'agis comme cela avec elle par instinct fraternel ? Après tout, c'est la petite soeur de mon meilleur ami, elle est plus jeune et... Personne ne couche avec sa soeur Noé. Une grimace déforme mes traits. Non, c'est certain que je n'agis pas comme un grand frère. J'ai peur de dépasser les limites du politiquement correct. A quoi dois-je me cantonner ? Ai-je bien fais de rentrer dans ce petit jeu ? Et le pire, est-ce que je n'aurais pas du me taire hier soir en lui avouant que j'étais jaloux ?

Et encore, le mot est un putain d'euphémisme. J'ai cru que j'allais planter mes doigts dans les globes oculaires de ce mec juste pour le punir d'oser la regarder. Bordel, ça ne tourne vraiment pas rond chez moi.

Je déglutis difficilement, tout est si paradoxal, je n'arrive pas à me resonner lorsqu'elle plonge ses yeux dans les miens. Elle fait briller une flamme que je ne soupçonnais même pas. Fanny, c'est l'excitation, l'euphorie des relations d'étés, la nouveauté, les règles brisées qui ne reviendront qu'à la rentrée.

Quand est ce que je suis devenu aussi adulte pour mettre tout ceci en sourdine ? Le nombre de femmes qui ont partagé mon lit en vacances ne se compte même pas sur les doigts des mains. On s'est aimé le temps d'une nuit, parfois plus, nos corps ont dansé à en perdre haleine. Et voilà.

Avec Fanny, j'ai une certaine retenue et si je tente de me persuader que c'est uniquement à cause de son âge et de son lien fraternel avec mon meilleur pote, je sens une autre barrière en moi, comme un soupçon de...peur ?

- Est ce que tu vas me caresser les cheveux et embrasser mon front ?

La voix de Fanny encore emprunte de sommeil me fait presque sursauter. J'esquisse un sourire en desserrant ma prise autour d'elle. Elle s'écarte au même instant de moi décollant sa peau de la mienne et laissant un immense vide.

- Non. Je la rassure doucement.

Je la regarde dégager son visage en glissant une mèche de cheveux derrière son oreille.

- Tant mieux. Elle chuchote.

Quelque chose a changé, ses yeux ne sont plus espiègles, elle fuit même mon regard.

Je fronce les sourcils mais je n'ai pas le temps de l'interroger, que déjà elle s'extirpe de la tente.

Je reste comme un con a me creuser la cervelle pour une nana qui n'est même pas la mienne.

Summertime Sadness (New Adult)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant