Chapitre 18

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Fanny

- Fab... ?

Mon grand frère frotte vigoureusement une assiette de la paille de son éponge tandis que je le regarde faire distraitement, assise sur un des seuls rebords propre des bacs à vaisselle.

Mon frère bien trop concentré sur sa tâche m'écoute a peine.
Je fais claquer mes doigts sous son nez pour attirer son attention.

Il repose précautionneusement la vaisselle avant de passer un bras sur son front.

Bien que nous soyons le soir, la chaleur ne nous épargne pas. Pas la moindre brise pour nous rafraîchir, je regrette presque les clims si froides qu'elles vous glacent le sang.

- Hum ? Il marmonne.

J'ai besoin de toute son attention, alors je lui retire l'éponge des mains non sans une grimace de dégoût.
Je n'ai pas l'habitude de faire ce que je vais faire.
Mais à cet instant, mon coeur crève de pensées et il est le seul à qui je puisse me confier.

-Tu crois... je commence peu assurée ayant perdue soudain toute mon assurance. Tu crois qu'on aurais été moins cassé si nos parents nous avaient élevé normalement ?

C'est sorti tout seul comme un relent acide qui vous pique la gorge.

Il fronce les sourcils et cligne des yeux, totalement déstabilisés par ma question.
Nous n'avons pas l'habitude de parler de nos traumas, c'est con, parce qu'on a les mêmes, nous seuls pouvons nous comprendre et cette affreuse pudeur nous empêche en temps normal de se libérer.
Mais ce soir, je sens que j'en ai besoin, je sens que cela devient nécessaire de mettre les pieds dans le plat.
C'est presque une question de vie ou de mort pour ma santé mentale.
Parce qu'au delà du luxe, nous n'avons clairement pas eu une enfance de rêve.

- Qu'est ce que tu veux dire ? Il chuchote comme si notre conversation devait être interdite.

Il détourne les yeux, incapable de soutenir mon regard perçant.

- Fab regarde moi, bordel, je m'énerve agacée et blessée par cette distance entre nous. C'est pas normal notre attitude, on a passé le plus clair de notre vie à nous ignorer et il a fallu que tu frôles la mort pour que nous fassions un pas vers l'autre. Ça se passe comme ça dans les autres familles ?

Fabio pousse un profond soupir avant d'essuyer ses mains sur son short et de s'adosser au bac.

- J'en sais rien, il confesse.

Je fixe le bout de mes chaussures, lasse.

- C'est pas normal que nous soyons autant fracassé. Je veux dire, je me perds dans le superficiel et le sexe, c'est ma seule thérapie et toi...

- Et moi... je suis gay ? Il tente.

J'ouvre immédiatement de grands yeux et agripper le rebords du bac pour m'empêcher de chanceler.

- Quoi !? Je m'étouffe. Absolument pas. Ça n'a rien d'une tare au contraire ! Pourquoi tu dis ça ?

Il se mord la lèvre inférieur mal à l'aise.

- Papa et maman le penseraient, il déclare, c'est pour ça que je ne leur dis pas. Je le pensais aussi au départ, il m'a fallu un moment pour briser mes standards de normalité. Et je pensais que toi aussi tu te disais ça à mon propos.

Ses paroles me frappent en pleins cœur et je jugerais l'entendre se fendre dans un murmure atroce.

- Fab...

Ma gorge se noue et je suis surprise de sentir mes yeux me piquer.
Bordel on est vraiment brisé.
Oui c'est sympas d'avoir tout le fric que l'on désire. De claquer des doigts et d'obtenir le moindre de nos souhaits.
Mais si l'argent contribue au bonheur, il n'y fait pas tout.
Et j'aurais donné cher pour avoir des parents qui me prennent dans leur bras.
Au lieu de ça, nous n'avons eu qu'ignorance et dédain lorsque nous échouions dans les tâches de la vie.
Trimballés de Nanny en Nanny, nos parents ne servaient que de pompe à fric et de juge.
Mon frère et moi avons toujours été en compétition sur celui qui réussirait le mieux dans la vie. Tentant en vain de gratter le moindre compliment de nos géniteurs, notre haine mutuelle est née à cause de cela.

Summertime Sadness (New Adult)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant