IV.

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-J'ai pas envie d'y aller, rouspéta Tom.

Devant lui, Alexandre fermait sa chemise bleu nuit, étrangement accordée aux yeux de son meilleur ami.

-Tu aimes les soirées chez Antoine d'habitude non ? s'étonna t'il en venant s'asseoir à ses côtés.

-Oui. Mais là j'avais envie d'être juste avec toi.

Les joues d'Alexandre prirent une jolie teinte rosée. Tom les embrassa avec douceur, collant son bras vêtu d'une chemise bleu ciel au sien.

-Moi aussi, j'avais envie d'être juste avec toi, mais le spectacle de Noël approche et on ne peut pas se permettre d'être absents lors des réunions.

La bouche de Tom s'égara dans son cou.

-Promets moi de rester avec moi ce soir.

-Evidemment, comment pourrait-il en être autrement ?

L'un comme l'autre aurait pu prononcer cette phrase et la réponse aurait été la même. 

Une heure plus tard, Tom se garait devant chez Antoine et comme promis, ils ne se quittèrent pas de la soirée. Tom la trouvait d'ailleurs horriblement longue. L'ambiance entre Luca et Victor, deux de leurs amis mais également délégués de la MDL (maison des lycéens) était des plus tendue et il avait l'impression que son ami était ailleurs. Il le voyait souvent jeter des coups d'œil à Charles et Mia qui s'embrassaient sur le canapé en face d'eux. Il voulut lui demander à quoi il pensait, mais en voyant son expression fermée, il sut qu'il ne tirerait rien de lui.

-Je vais aux toilettes. 

Tom sursauta, mais déjà, Alexandre se dégageait de son étreinte, traversait le salon et disparaissait dans le couloir. Le brun sentit son cœur se serrer, il détestait quand son ami se refermait ainsi, loin de lui. Ça arrivait parfois, sans qu'il ne sache pourquoi, jamais plus que quelques minutes, quelques heures. Son regard se voilait, se faisait lointain, mélancolique et lorsqu'il revenait, il lui assurait que tout allait bien, l'étreignait de toute ses forces et parlait d'autre chose. Tom termina son verre cul sec et se leva pour s'en servir un autre. Une nouvelle fois, il le but en quelques secondes. L'alcool lui brûla la gorge, mais la douleur n'était rien comparée à celle qui l'étouffait. Qu'est ce qui pouvait bien le préoccuper au point qu'il se tienne loin de lui ? Il ne pouvait qu'espérer que leur proximité ne protège Alexandre d'évènements trop graves mais même cette idée ne parvint pas à le rassurer. Les démons intérieurs étaient parfois bien plus forts, bien plus dévastateurs que les épreuves soumises par la vie.

Enfermé dans la salle de bain, Alex se passait de l'eau sur le visage pour tenter de se rafraichir et de mettre de l'ordre dans ses pensées. Quelques gouttes ruisselèrent sur sa gorge, le faisant frissonner.  En fait, il se passait de l'eau sur chaque zone que Tom avait touché ou embrassé au cours de la soirée. Il voulait dissiper à tout prix la douloureuse brûlure que ses lèvres laissaient sans cesse sur sa peau. C'était horrible. Il était accro à ce contact privilégié mais plus le temps passait, plus il était incapable de s'en passer et plus ça devenait douloureux de le cacher. Depuis quelques mois, ou peut-être depuis toujours, il ressentait quelque chose de particulier pour Tom. Quelque chose qui n'avait rien à voir avec l'amitié qu'il avait eu (avait) pour Charles. Pourquoi le voir embrasser Mia ne lui faisait rien ? Tout au plus, cela l'agaçait, car leur ami avait rompu leur pacte, mais finalement cela n'avait plus tellement d'importance. Il avait Tom et il valait tous les amis du monde. Il valait plus que ça même. Tom c'était la moitié de son cœur, la moitié de son âme. C'était toute sa vie. Et si jusqu'à maintenant ça ne lui avait jamais posé aucun souci, aujourd'hui cet amour dévorant le tuait à petit feu et il ignorait comment s'en sortir. Il ignorait si c'était normal d'être aussi attaché à quelqu'un avec qui il ne vivait pas une relation amoureuse et en observant les relations amicales qui se jouaient autour de lui, il comprit que tout ceci ne l'était probablement pas. Lorsqu'il était avec Tom, il se moquait éperdument de savoir où était la frontière entre ce qui était acceptable par la société, par les autres et ce qu'ils désiraient vraiment, eux. Mais lorsqu'il se retrouvait seul, ou qu'il laissait son esprit réfléchir à tout cela, alors il se sentait perdu. Il aimait les contacts que lui offrait perpétuellement Tom, pire, il se prenait à en espérer, à en désirer plus. C'était peut-être ça qui l'effrayait le plus. Tout c'était toujours fait si naturellement entre eux. Tom avait toujours serré sa main dans la tienne mais petit à petit, ils s'enlaçaient de plus en plus souvent. Les bisous sur la joue pour se dire bonne nuit devinrent de tendres baisers quotidiens sur le front, les pommettes, les joues et parfois même, sur cet espace tendre qui frôlait l'interdit, la commissure des lèvres. A cela s'ajoutèrent les nuits passés ensemble, les étreintes toujours plus spontanées et plus sincères, les regards toujours plus complices. Où était la limite ? Où était la limite à ces démonstrations d'affection, d'amour ? Son cœur battait à tout rompre et il pressa sa main contre son torse dans l'espoir de l'apaiser. En vain. Dépité et toujours aussi anxieux, il s'assit sur le rebord de la baignoire détaillant la salle de bain de son ami pour tenter de se changer les idées. Pourquoi avait-il l'impression que leur relation était anormale ? Pourquoi personne n'avait de relation comme la leur ? Pourquoi se sentait-il incapable de vivre sans Tom ? Pourquoi la simple idée de moins le voir le mettait dans un tel état ? Et surtout pourquoi se sentait-il si honteux de ressentir tout cela ? Sa gorge lui faisait mal, si mal. Il avait envie de pleurer, mais il n'y arrivait pas. Non. Cela ne servirait à rien, et Tom le verrait, s'inquièterait, le pousserait à parler et la situation ne ferait qu'empirer.

-Alex ? Alex t'es là ? Je sais que tu es là, ouvre-moi. Je déteste quand t'es loin tu le sais...

Alexandre sursauta, comme si la voix de son ami l'avait brûlé et se redressa. Il jeta un rapide coup d'œil à son reflet, s'assurant que son visage était toujours le même et que rien ne pourrait inquiéter son ami. Il déverrouilla la porte et reçut (plutôt brutalement) le corps de Tom dans ses bras.

-Eh Tom qu'est ce qui se passe ? T'as bu ? Combien de verres t'as bu? Regarde-moi.

Inquiet, il le fit asseoir sur la cuvette des toilettes et fouilla dans le premier placard qui s'ouvrait sous ses doigts affairés. Il trouva un gant de toilette et l'humidifia avec de l'eau fraîche avant de s'agenouiller devant lui. Avec des gestes doux et lents, il le passa sur le beau visage fatigué et chiffonné par la tristesse.

-Pourquoi t'as bu autant ? Qu'est ce qui se passe ? 

Sa main retomba et il chercha son regard, pour se rassurer bien sûr mais également pour le forcer à lui avouer ce qui se passait dans sa tête.

-T'es parti...T'es distant et putain je déteste ça. Tu le sais pourtant non ? Que je suis incapable de vivre sans toi. Et tu...Tu me fais des cachotteries, bégaya t'il le regard rempli de reproches. Tu te barres avec tes yeux pleins de tristesse et moi je suis là comme un con à me demander ce qui t'arrive et pourquoi je ne suis pas foutu d'être à tes côtés ! 

Il haussa la voix sur la fin, plantant finalement son regard dans le sien.

-J'ai besoin de toi Alex et si tu me laisses, si tu me caches des choses importantes, je..  

Il ne termina pas sa phrase. Alexandre avait très bien compris, comme toujours. Il appuya son front contre le sien, ses mains encadrant son visage rendu frais par l'eau à peine évaporée.

-Je ne te cache rien, je te le promets et tu sais. Tom regarde-moi. Tu sais combien je t'aime et tu sais que j'ai tout autant besoin de toi. Si ce n'est plus...avoua-t-il à voix basse.

-Alors arrête de t'éloigner.

-C'est promis. Tout va bien je te le promets. Viens, on y retourne, mais s'il te plaît, arrête de boire. On va devoir dormir ici sinon. 

Tom se redressa et attira Alexandre contre lui. Il savait qu'il venait de faire une crise, que c'était le petit garçon terrifié par l'abandon en lui qui venait de parler, mais il n'avait pas pu s'en empêcher. Alex lui avait bien trop manqué et il n'avait cessé de se torturer l'esprit durant sa courte absence. Il fut soulagé de sentir qu'il se détendait contre lui et il cessa de penser pour simplement se laisser aller dans cette merveilleuse étreinte. Le corps fin de son ami s'emboitait parfaitement dans le sien, comme si là avait toujours été sa place. Il enfouit son nez dans ses cheveux pour y respirer son odeur délicate et ô combien plus agréable que l'odeur d'alcool qui se dégageait de son haleine et de sa chemise. Quand ils s'éloignèrent, son regard accrocha sa bouche tendre, aux lèvres ourlées. Ce n'était pas la première fois qu'il avait envie de l'embrasser, mais jusque-là, il ne l'avait jamais désiré aussi fort. Pourquoi ce soir ? Peut-être parce qu'il avait bu et qu'avec autant d'alcool dans le sang, il n'avait plus aucune excuse pour se voiler la face. Il était amoureux d'Alexandre, il l'avait toujours été et lui cacher devenait de plus en plus difficile.

L'amour au bout de tes doigtsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant