IV. Je regarde ton âme

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Je l'avais croisé deux ou trois fois auparavant. Mes yeux ne s'étaient jamais vraiment posés sur lui, sûrement pas comme ce jour-là. Ce jour là mes yeux ont regardé son âme, profondément.
Je l'ai recroisé dans un club dansant, je l'ai trouvé beau et j'étais dans ma période où les histoires d'un soir me divertissaient. Je lui ai demandé s'il se souvenait de moi. Il a rigolé. Ses yeux à lui s'étaient déjà posés sur moi les deux ou trois fois auparavant, sans qu'il n'ose m'approcher comme je l'ai fait ce jour-là. L'alcool me rendant gaie, je m'amusais de le draguer, il s'amusait de paraître insensible à mon charme. Sous la lumière du réverbère de la rue face au club, assis sur un rebord de béton en hauteur, je ne pensais qu'à passer mes doigts dans ses longs cheveux blonds. Ils étaient coiffés d'un chignon sous une casquette kaki, dont la visière assombrissait le bleu clair de ses yeux. J'ai un faible pour les cheveux longs, les blonds et les yeux bleus. Que rêver de mieux pour finir la nuit en beauté.
On a parlé, longtemps. Je restais avec lui pendant qu'il fumait son joint, puis l'accompagnais danser, puis au fumoir du club pour une clope, puis au bar. Après quelques heures, il doit rentrer, j'espère qu'il va me proposer de rentrer avec lui. Il n'en fait rien. J'attends un peu et finalement, je me précipite de donner le ticket de vestiaire à mon meilleur ami. Je cours dehors pour le rattraper, pathétique. Cliché, film Américain, je m'y croyais. Il était toujours devant. J'aime croire qu'il m'attendait, mais je n'en sais rien. Je m'invite chez lui, il accepte. On marche une dizaine de minutes, je rigole beaucoup, il a très froid, il a toujours très froid. Nous sommes le 1er Novembre.

En arrivant je découvre un appartement ou 3 personnes vivent, dont lui, une colocation. Une dizaine de personnes attablées dans la cuisine, buvant des bières et enchaînant quelques rails de cocaïnes me saluent vaguement. On me dévisage un peu, je me sens comme la conquête du soir du fuck boy. Mais ça ne me fait rien, le statut de fuck girl ne me fait pas honte. On me propose une bière, je m'assois parmi eux. Il parle à tout le monde, une ou deux personnes s'essayent à faire connaissance poliment avec moi, on parle de trucs inintéressants. mais moi je veux juste parler avec lui, rire encore, j'adorais déjà ça. Puis on va dans sa chambre, qui est en fait le salon. Je m'en fout également. On parle encore, on se fait interrompre sans cesse par la colloc, par une de ses amis amie, par quelqu'un de la cuisine qui sous l'effet de la cocaïne a très envie de discuter. Tout le monde était adorable. Ça nous amuse. Après un petit moment, on nous laisse tranquille, on devient plus intime. Tout ce dont on se parle est si intéressant. Mais par-dessus tout je rigole, je n'avais pas rigolé comme ça depuis si longtemps et ça fait un bien fou. Je tombe raide dingue de son humour.

Puis j'ai regardé son âme, et il a regardé la mienne. On adorait se dire ça, "Je regarde ton âme". On ne se connaissait pas, mais nos yeux plongés dans ceux de l'autre, silencieusement, pendant de longues minutes, on avait l'impression de lire nos histoires. C'était naturel. On s'est embrassés, là, allongé dans ce canapé convertible cassé. On l'a appelé le paquebot. Je ne lui ai pas fait l'amour ce soir-là. L'euphorie m'avait fait oublier que j'avais mes règles, ce n'est qu'un détail, mais je n'avais surtout pas envie d'être surprise en plein ébat par un colloc bavard. On s'est endormis, serrés fort l'un contre l'autre sur le paquebot, plusieurs fois. On s'est réveillés plusieurs fois aussi. On papotait, on rigolait puis on se rendormait. En une nuit on s'est raconté l'histoire de nos vies, et c'était si facile. L'après-midi du lendemain arrive et moi je n'arrive toujours pas à partir tant j'appréhende que ce moment s'achève. Il ne m'encourage pas à partir, mais n'insiste pas non plus. C'est à 17:00 heures que j'ai réussi à me lever et rassembler mes affaires, et je ne sais pas quoi dire. En nous levant, on croise encore 2 personnes dans la cuisine qui ne voulaient pas non plus que leur soirée s'achève. On discute, c'est sympathique, ils s'en vont. Je m'apprête à faire de même mais je veux en savoir plus, ce mec m'intrigue. Mais qu'est-ce que j'ai peur de ce que je vais trouver.

- Qu'est-ce qu'on se dit, alors ? dis-je, du palier devant la porte de l'appartement.
- On se dit à très bientôt ?

Il me sourit, j'acquiesce, je suis ravie, je descends les escaliers et marche vers chez moi.
J'ai peur.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 13, 2022 ⏰

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Titre de l'histoire Où les histoires vivent. Découvrez maintenant