Comment pourrais je voir ?

6 0 0
                                    


Comment pourrais-je voir à travers la buée de mes lunettes ? Plus je cours, plus ma respiration s'accélère et ma vue se brouille au fur et à mesure que la buée gagne du terrain sur les verres de ma monture. J'ai toujours détesté courir. C'est une des choses les plus désagréables que je subis quotidiennement. Mon amour ne me fait plus marcher mais courir. Courir dans tous les sens du termes, interprétez le comme bon peut vous sembler. Ce qui est sûr c'est que dans l'instant présent, il me fait courir à la plage.

Alors que mon souffle brûle violemment ma gorge, mon cerveau a lui, comme cessé de fonctionner. Il ne sait plus réfléchir à la raison qui m'a mené à cette plage. Il ne sait plus réfléchir à la raison pour laquelle mes jambes me font galoper à cette allure. Il ne sait plus remettre en cause la raison pour laquelle je m'inflige cette brûlure. 

 Si mon cerveau est aveugle, alors comment pourrais-je voir ?

Alors qu'un point de coté commence à me ronger le bas ventre, elle me saute aux yeux. La raison me saute aux yeux, c'était elle. La raison était cette lumière. Cette belle lumière dont je suis éperdument tombé amoureux. La seule lumière pour laquelle je me suis mis à faire le beau. Ma peau se languis de ressentir à nouveau sa chaleur réconfortante dont elle me prive lorsque mon cerveau retrouve la vue. 

 C'est pour elle que je cours. 

 C'est pour elle que je torture mon corps et mon esprit. 

 C'est pour sa douce chaleur. 

 C'est pour cette exquise sensation de brûlure lorsque que mon espace personnel devient le sien. 

 C'est pour le froid polaire dans lequel elle me laisse quand je reprends mes esprits. 

 Alors je cours. Je cours parce qu'il me tarde de faire le beau devant elle à nouveau. Il me faudrait alors crever les yeux de mon cerveau, perforer le tronc de ma raison. Alors là, et seulement là, je pourrais faire le beau comme il se doit et recevoir ma dose de lumière. Je l'aime et elle sait ce qui est juste. 

 Comment pourrais-je voir sans l'éclairage de ma seule lumière ? 

 Sans elle je me retrouve alors plongé dans l'obscurité des plus totales. C'est elle qui me mange de l'intérieur. C'est elle qui perfore mon âme et assassine mon esprit. Mais il est vrai qu'elle a toujours représenté comme un confort pour moi. Un confort des plus désagréables dans lequel j'ai toujours pu me réfugier lorsque ma lumière me punissait. Alors je me blottissais contre cette torture réconfortante, comme pour prouver à ma lumière que je supporterai toujours la manière dont elle me brûle. 

 Comment pourrais-je voir l'obscurité sans ma lumière ? 

Je suis fatigué de courir, je suis fatigué de panser les innombrables brûlures de mon corps. Mais rien ne pourra jamais remplacer la douceur de cette lumière. Rien ne pourra remplacer sa manière de caresser ma peau carbonisée. Alors je cours. Alors je ferai le beau. Alors je la supplierai de me brûler. Alors elle caressera ma peau jusqu'à ce qu'elle soit aduste. Comment pourrais-je voir sans elle ? Je ne cesserai jamais de revenir vers ma lumière, même si elle finit par calciner mon corps tout en entier. J'ai besoin d'elle, de plus, il me plaît de faire le beau devant une si belle chose. Sa beauté inspirante est la raison de ma course. Sa chaleur réconfortante est la raison de ma peau consumée. Son existence est la raison de l'obscurité. Sa rareté est la raison de la consumation de mon esprit. Elle est la seule distraction pour mon âme qui se meurt, je ne partirais jamais pour quelques brûlures. Enfin, je l'aperçois au loin. Plutôt, j'aperçois son immonde carcasse. C'est ma lumière, c'est elle. Je suis prêt à me consumer. J'ai fait le deuil de mon esprit futile, de mon âme dégoûtante et de mon cerveau écœurant, maintenant, mon amour, serre moi fort une dernière fois. Comment pourrais-je voir si l'amour rend aveugle ?

Comment pourrais je voir ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant