Le cœur d'un boss

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Du sang gicla du bout de son scalpel et repeignit le mur de son sinistre rouge bordeaux. L'auteur de cet acte abominable ne cilla pas. Son air sombre n'affichait aucune expression, pas une once de regret.

Il passa un mouchoir blanc sur sa lame souillée par le sang. Le mouchoir voleta quelques instants, dans l'espoir de n'atteindre pas la flaque de sang, avant de finir inexorablement imprégné de rouge. Les chaussures de l'homme debout face à l'horreur trempèrent dans le liquide synonyme de mort.

Il ne broncha pas sentant le regard scrutateur de ses hommes dans son dos. Flancher pour le parrain de la mafia serait signifier être faible et ne pas mériter sa place. S'il ne voulait pas finir comme le cadavre avachi dans son propre sang, il devrait continuer de porter ce masque d'indifférence.

Ce même masque s'était ancré à sa peau lui faisant oublier parfois son véritable visage. Ses émotions s'effaçaient comme une erreur que l'on raye. Il en oubliait presque le visage de celui qu'il aimait même après toutes ses années. Sous ce masque, il n'était plus Mori Ōgai mais le parrain respecté et craint de la mafia portuaire.

Il tourna les talons et marcha lentement les bras dans le dos. Toute sa posture reflétait parfaitement l'image qu'il souhaitait renvoyée de lui. Il s'était glissé méticuleusement, tel un médecin entaillant la chair de son patient, dans la peau du boss de la plus puissante organisation criminelle de la ville.

Il passa entre ses hommes la tête levée fièrement, conscient de l'influence qu'il possédait. Il n'eut qu'à esquisser un geste pour que les hommes bougèrent comme un seul être pour s'occuper du corps froid.

Une fois qu'il fut dans son bureau, il attendit d'être sûr d'être seul et de ne pas être dérangé dans les minutes qui suivraient. Il s'effondra sur son fauteuil.

Il chercha désespérément de l'air pour remplir ses poumons meurtris par l'angoisse qui grandissait en lui. La culpabilité plantait ses cros aiguisés dans son estomac, aidée par le dégoût qui menaçait de le faire renvoyer tout ce qu'il avait avalé.

Des perles salées creusèrent des fleuves de tristesse et de douleur sur ses joues. Son cœur saignait, transpercé par ses mauvaises actions alliant scalpel affûtés et paroles manipulatrices.

Il se détestait. Il détestait tout ce qui le définissait. Il était médecin alors pourquoi arrachait-il des vies au lieu d'en sauver ? Il ne comprennait plus lui-même. Il s'était laissé emporté par ses désirs de grandeur n'hésitant pas à se servir d'enfants innocents pour y parvenir.

Il avait manipulé, brisé, blessé, torturé, tué pour arriver à ce titre qui l'écœurait désormais. Sa folie avait atténué toutes formes de culpabilité ou de regrets jusqu'au jour où il l'avait affronté.

Il se rappelait des bruits du métal contre le verre, de la lame contre la seringue, du loup contre l'enfant.

Il se rappelait de la douleur lancissante qui l'avait assailli quand l'épée du gris avait laissé une profonde plaie sur son torse.

Il se rappelait des cheveux argentés du patron de l'agence volant au rythme de ses mouvements effectués à la perfection, les rendant impossibles à discerner.

Il se rappelait de son regard glacial qui l'avait gelé sur place, le même regard qui avait été un jour porteur d'un amour beau et sincère.

Il se rappelait avoir été incapable d'apercevoir Fukuzawa. Il n'avait vu qu'un ennemi de plus à abattre froidement d'un coup de scalpel sur la gorge.

Aurait-il pu seulement continuer de vivre s'il avait tué cet homme si cher à ses yeux, cet homme qui réveillait sa part d'humanité derrière son apparence de monstre ?

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 06, 2022 ⏰

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Recueil de one shot sur Bungo Stray Dogs Où les histoires vivent. Découvrez maintenant