1. [INFILTRATiON]

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Cinq mois plus tôt.

Ce sera bientôt le deuxième anniversaire de sa mort. Le 22, pour être précise. 

Mon père n'était pas le type le plus clean qui soit, je le reconnais volontiers. Je me doutais assez qu'il finirait plus tôt que les autres papas, et je me doutais assez que ce serait ainsi. 

Ça ne m'empêche pas d'aller me venger. 

Ne serait-ce que pour la forme. C'était odieux de le laisser baigner dans son propre sang, dans cette cuisine pourrie aux carrelage fissuré, avec rien d'autre que la carte de visite de l'exécuteur. Comme une saloperie d'émoticône pleurant de rire. 

La carte était blanche, mais tâchée du sang de papa. J'ai lu les trois lettres des mois durant. Je la gardais avec moi, je la ressortais ponctuellement, plusieurs fois par jours, et je relisais encore. Le sang était devenu brunâtre à force. Mais les lettres, les lettres étaient toujours intactes, noires et brillantes, dans cette typographie gothique atroce. 

M.A.C 

Je ne sais pas qui, de Monte Cristo ou moi, a élaboré la meilleure vengeance. D'accord, la sienne était sur 20 ans, mais la mienne a de quoi se défendre aussi. 

Parce qu'il en fallait de la détermination pour quitter mon école d'art, intégrer une école de police, passer le concours, l'obtenir, rejoindre l'équipe des stup, et les convaincre, 19 mois plus tard, de me mettre sur l'enquête autour du réseau de MAC. Le tout, sans révéler l'identité de mon père. 

Sans aucune prétention : bien joué, moi.

Quand il faut cogner, on cogne, Eléa. C'est ce que disait mon père. 

Gagner la confiance de mon chef, ça aussi, c'était une épreuve. Henry est un type bourru, à l'embonpoint chaleureux, mais au visage sévère. Et pour le citer lors de mon arrivée au poste, il ne me "sent pas". Il a de l'instinct. 

Il a fallut que je patiente des mois entiers avant de me rapprocher de l'enquête. Il faut dire que pour les services de renseignements, et les stup, MAC est un gros dossier. Le plus important, en réalité. 

Ils ont longtemps hésité : un seul type à la tête du réseau entier, ou un sobriquet pour le réseau en lui-même ? Les années d'écoute et de filature leur ont donné la réponse. 

MAC, c'est un homme, de chair et de sang, comme l'était mon père. 

Le "petit" détail qui ralentit toute tentative pour démanteler le trafique, c'est que personne ne connait son visage. Ni sa voix. C'est un marionnettiste ; on ne connait que ses poupées. Et encore. Pas toutes. 

Depuis que j'ai été acceptée dans l'enquête, j'ai épluché tout ce qu'on avait sur eux. Des conversations qui confirment qu'il s'agit d'un seul homme "IL t'attend." "IL a donné l'ordre." aux photographies de certaines têtes principales ; j'ai tout appris par coeur. 

On a repéré six membres très actifs, qu'on pourrait qualifier de tentacules : la tête de MAC au-dessus, et ses six bras répugnants dans nos rues. Mathilda Coum, Travis Rigan, dit "le serpent", Jeremy Storn "le mulot", et Myke Perrera. Les plus importants du réseau. Enfin, de ceux que nous avons photographiés. Parce que deux autres noms reviennent souvent, sans que nous n'ayons jamais pu les voir ; comme pour MAC. Ce sont les ombres de l'ombre : Jay et Don.  

Une première infiltration a été orchestrée il y a un an, qui s'est soldée par la mort de deux agents. Elle avait duré trois mois. Elle nous a permis de dresser les portraits détaillés des quatre premiers, les "têtes à abattre" en d'autres termes, mais rien sur les deux fantômes restants. 

INSIDE MAC [SOUS CONTRAT D'EDITION CHEZ BI]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant