1. Bienvenu à Liège

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Elisa 2

Je regarde le paysage défilé à travers la fenêtre du train, en tapotant nerveusement mes doigts sur l'album photo que mamie m'a donné. Je n'arrives pas à croire que dans quelques heures à peine, je vais enfin la rencontrer.

Ma mère m'a eu très jeune, elle a donc préféré me confier à ma grand-mère plutôt que d'assumer ses responsabilités. Mamie étant très rancunière, elle n'a jamais voulu me révéler la moindre information sur celle qui m'a donné la vie – pas même son nom.

Mamie m'a donné la meilleure éducation qui soit, dans l'optique de réparer tout ce qui a échoué avec ma mère. Malheureusement pour elle, je n'ai jamais réussi à être la parfaite petite poupée qu'elle attendait. D'autant plus que, comme la plupart de la population, j'ai très mal vécu mon adolescence. Je faisais énormément la fête avec des gens peu fréquentables et des substances illicites. J'ai difficilement obtenu mon diplôme de secondaire, sans le moindre projet d'avenir. En aillant assez de me voir « foutre ma vie en l'air » ; le 29 septembre – le jour de mon anniversaire – mamie m'a donné le nom de ma génitrice, ainsi que son métier et la ville où elle se trouve. Elle se nomme Eve Lapomme, elle habite à Liège, la ville du crime. Celle-ci y possède un bar, intitulé : le Quatorzone. J'ai aussitôt sauté dans le premier train pour la retrouver.

* * *

Dès mon arrivée à la gare, j'indique l'adresse dans mon téléphone et suis les indications du GPS.

Une vingtaine de minutes plus tard, j'arrive enfin devant la façade de briques. Je sens mon rythme cardiaque s'accélérer. Je sers l'album photo contre moi, comme le plus précieux des trésors. J'inspire un bon coup, attrape la poignée et pousse la porte.

Surgit alors, une femme d'une trentaine d'année en uniforme scolaire japonais. Pas de doute, c'est elle. J'ai attendu ce moment depuis si longtemps que je n'arrive pas à croire qu'il est réellement en train de se passer.

– Tu t'appelles Elisa ?

Ses mots brisent mes pensées en mille morceaux.

– Non je...

– Toutes mes serveuses s'appellent Elisa. A partir de maintenant, oublie ton ancien nom.

Je m'apprête à répliquer lorsqu'elle m'interrompt :

– Où caches-tu tes magazines X ?

– Dans la doublure de ma vielle veste mais je...

– Parfait, dit-elle en passant un bracelet en quartz rose autour de mon poignet.

Dès que celui-ci est posé, il se met à scintiller. Je le regarde, perplexe. Avant que je n'aille le temps de me poser la moindre question, elle me pousse dans les vestiaires en m'ordonnant de la rejoindre au sous-sol, une fois changée. N'osant pas protester, j'obéi en silence. Ma détermination vient de partir en fumée. C'est peut-être mieux ainsi, comme ça j'apprendrai à mieux la connaitre avant de lui révéler être sa fille. Au moins, avoir été engagée prouve qu'elle me fait confiance... Bien qu'elle ne m'aille pas demander mon CV ou une quelconque compétence... Mais c'est déjà ça de gagné.

* * *

Dans les vestiaires, une fille qui semble avoir mon âge, en uniforme de serveuse est assise sur une chaise, le nez plongé dans un roman. Ses longs cheveux sont attachés en un chignon parfaitement plaqué et ses yeux en amendes sont cachés par une grosse paire de lunettes ovales.

– Elisa, je suppose, je dis.

Elle émet un bruit de panique avant de se tourner vers moi.

Elisas 1: L'homme au bandeau vertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant