Chapitre 1 Partie 1: point de vue de Suga

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« Jimin ! Baisse ce store et ferme la porte à clé.

- Je ne te savais pas aussi entreprenant mon amour... Me chuchotait-il.

- Arrête tes conneries et active-toi. Nous avons peu de temps avant que la grande horloge ne sonne l'heure du couvre-feu.

- Tu as raison, c'est plus intéressant quand l'adrénaline vient se mêler à la partie.

- Sale gosse. Ai-je murmuré avant d'être plongé dans le noir. »

Il riait doucement pour alléger l'atmosphère ce qui m'amenait à penser qu'il devait être bien plus angoissé que moi. Le risque que je lui faisais prendre était grand. L'écran de mon ordinateur éclairait maintenant faiblement l'unique pièce dans laquelle nous habitions. Elle était simple, épurée et agréable. Mais plus important, elle était construite sur un modèle similaire aux autres habitats du pays ; c'est-à-dire sans ouverture sur l'extérieur de sorte que l'on ne puisse pas prendre la fuite. Si tenté que quelqu'un ait l'envie de se voir supprimer. Jimin s'agitait avec une sorte de radio fabriquée par ses soins. Nous n'étions pas à notre premier coup d'essai. Il prit panique quand celle-ci se mit en marche brusquement en nous laissant entendre des grésillements bien trop forts. Je me précipitais pour brancher dans un de ses ports un câble relié à l'ordinateur et le bruit cessa. Des gouttes de sueurs perlaient sur son front. Son regard était empreint de craintes. Des informations commençaient à défiler sur l'écran, je quittai alors ses yeux pour m'affairer avec les données nouvellement collectées. Il branchait des écouteurs sur son petit appareil et m'en tendait un. La pièce était plongée dans le silence le plus total. Nous contrôlions jusqu'à nos respirations pour tenter discerner clairement les paroles et l'identité des voix qui parvenaient jusqu'à nos oreilles.

« Je pensais vous avoir explicitement commandé de veiller à ce qu'ils se taisent tous. N'ai-je pas été assez clair ? Je vous le rappelle, je ne veux pas les surprendre à user de la parole. Peut-être avez-vous besoin d'une petite correction pour mieux obéir ? »

On pouvait entendre le bruit d'un objet se fracasser au sol.

«  Nous veillons à cela, monsieur.

- Vous y veillez ? Alors, comment se fait-il que cette femme vous ait aboyé dessus quand vous avez assuré la surveillance de la ville ce soir ? Emmenez la moi ! Vociféra-t-il.

- Bien, monsieur. 

- Vous êtes bien chanceux que je sois clément. A la prochaine tentative de désobéissance, un de vous deux y passera.

- Pardonnez-nous, monsieur. »

Une porte claqua. Jimin et moi restions immobiles durant plusieurs secondes, redoutant la suite des évènements. Des pas semblaient se rapprocher.

La grande horloge sonnait. Je jetai au sol nos écouteurs et éteignis précipitamment l'ordinateur. Je rangeai son appareil sous une latte du parquet. Je discernais un léger raffut à travers les murs, les derniers habitants de la ville devaient sans aucun doute se presser chez eux. Je secouais mon colocataire dans l'espoir qu'il reprenne ses esprits. Il ne sourcilla pas. Ce n'était clairement pas dans les situations critiques que je pouvais compter sur lui. Il était tétanisé de peur comme tous les jours à cette même heure. Je le tirai alors avec empressement jusqu'à son lit. Nous n'avions plus le temps. Je me hissais dans le lit du haut et feins de dormir. La porte fut entre ouverte, mon cœur battait encore bien trop vite. Je perçus à travers mes paupières closes la lumière provenant du couloir avant que l'obscurité regagne la pièce. Quelques minutes passèrent avant que mes muscles ne se détendent. Chaque soir, les Forces, une troupe obtempérant aux consignes du leader, effectuaient un tour de la ville. Elles vérifiaient que le règlement avait bien été respecté, à savoir qu'au signal chacun était chez lui prêt à rejoindre le pays des rêves. Seul endroit à ce jour où nous pouvions réellement vivre impunément. Ne sachant pas sur quel foyer elles allaient s'arrêter, nous étions tous dans l'appréhension que notre porte ne soit ouverte.  

Vivre avec un individu n'était autorisé qu'entre membres d'une même famille ou conjoints pour que les Forces aient le contrôle de la population jusque dans leurs propres maisons afin d'éviter les réunions de rebellions. Les passages entre habitats étaient donc très surveillés et limités mais, nous avions réussi à corrompre le système il y a quelques années de cela. A l'époque mes parents avaient accueilli Jimin au sein de notre maison car ce n'était encore qu'un enfant de douze ans ne possédant plus de parents pour une raison qui m'était inconnu. Il semblait tellement vulnérable et effrayé. Mon père était l'un des membres élites des Forces, ainsi il avait été plus aisé d'avoir accès à certaines informations du gouvernement. Seuls les hommes étaient autorisés à en faire partie. Modifier l'identité de Jimin avait donc été la première fraude commise par ma famille pour ce dernier.

Je descendais lentement du lit superposé pour récupérer sa petite machine. Il était toujours allongé. Je m'assis à ses côtés pour enfoncer un écouteur dans son oreille et remis en marche l'appareil. Les voix étaient très claires, une quatrième personne se trouvait maintenant dans la pièce. Son timbre trahissait une certaine inquiétude malgré son impudence.

 « Lâchez-moi, bande de brute ! Vous n'avez pas honte de vous plier devant lui ? 

- La voici, monsieur.

- Vous ! C'est vous qui êtes le responsable !

- Mademoiselle, je vous offre l'opportunité de vous repentir en ne prononçant plus aucun mot.

- Me taire ? Vous avez déjà réussi à plonger le pays dans le mutisme, n'est-ce pas assez ? Cessez ce gouvernement du silence ! Vous avez privé l'Homme de sa faculté à communiquer et à s'exprimer ! Est-ce que les mots vous font si peur ? Vous pensez sûrement pouvoir gouverner si personne ne peut contredire votre autorité. Mais, je suis là et je ne suis pas seule ! »

Je posai ma main sur l'épaule de Jimin, nous étions une minorité d'individu à oser braver les interdits. L'union serait sans aucun doute l'essence même de notre force. Elle poursuivit sa tirade avec une confiance telle que j'en fus troublé.

« Je ne cesserais plus de faire entendre ma voix ! Vivante ou morte. C'est une promesse que je vous fais.

- Assez ! »

Uun bruit sourd nous fit sursauter. Elle n'aurait plus jamais l'occasion de contester quoi que ce soit à présent. Je pouvais sentir les battements du cœur de Jimin. Nous nous fixions pétrifiés.

« Nettoyez.

- Bien monsieur. »

Je stoppai brutalement l'appareil. Je n'imaginais pas qu'ils puissent réellement en arriver jusqu'à ôter de ses propres mains la vie des personnes qui faisaient de l'ombre au pouvoir. Mon sentiment d'aversion envers ce système et plus précisément le dirigeant ne cessait de croître. Cette répugnance aurait fini par pourrir mes entrailles si je n'avais pas pris part au combat.

 « Suga ? M'interpella Jimin d'une voix tremblante. »

Je me retournais pour faire face à son visage livide et lui mimai de parler moins fort. Le jeu des regards et la gestuelle étaient d'une grande importance. Notre sens de l'observation et l'attention que nous nous portions les uns envers les autres s'en voyaient renforcés.

« Et si on se faisait prendre, qu'adviendrait-il de nous ? Tu penses qu'ils nous feraient subir le même sort qu'à cette femme ? Me souffla-t-il.

- Pour le moment tachons seulement de reunir tous les renseignements possibles. Tu l'as bien entendu; nous ne sommes pas seuls et nous serons plus rusés que les Forces. Fais-moi confiance.

- Assure-moi seulement que l'on restera en vie. »

Je n'étais pas certain de disposer de l'assurance qu'il me poussait à exprimer. Mais jamais je n'aurais toléré qu'on puisse lui porter atteinte, de n'importe quelles façons que ce soit.

 « J'en fais le serment. »

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⏰ Dernière mise à jour : May 24, 2016 ⏰

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