03-Roman en or

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Nous avions pris le chemin vers la station de bus la plus proche. Nous marchions dedans la brise de la nuit. Il faisait si froid qu'on avait l'impression qu'il neigeait.. À un moment, j'ai du mettre mes mains dans les poches de mon sweat. Et pourtant, je ne pensais pas à la laine qui me réchauffait durant mon profond sommeil le soir. J'étais finalement lassée de la routine si imparfaite de mes jours.

- J'imagine madame Paris te chercher partout.

Il interrompit si brièvement le silence qu'on comparait ses dits à un murmure, un claquement de doigt dans une salle de théâtre vide. C'était époustouflant, magique et spécial...
Tout ce qu'il faisait m'épatait, même ses tours de magie bidons.

- Elle ne manquera pas de piquer sa crise.

J'ajoutais en culpabilisant étrangement. Elle parlait peut-être aussi fort qu'un homme sauvage. Elle me maudissait toutes les fois dont l'occasion se présentait. Mais par dessus tout, elle m'aimait. J'étais sa bouffée d'air frais lorsque papa voyageait et qu'on se partageait une glace devant la télé. C'était lors de ces rares fois que j'avais appris à la connaître. Avais-je le droit de partir loin d'elle ?

Max passa son bras sur mon épaule.

- Tu sais que tu peux toujours rentrer n'est-ce pas ?

On attendait patiemment le bus qui n'arrivait pas. Ou du moins, j'avais l'impression qu'il ne venait pas, qu'il prenait tout son temps avant d'envisager de nous prendre.

- J'étouffe là-bas et tu le sais mieux que quiconque.

- Morgane.. Paris Morgane! Tu étouffes partout tu sais, chérie?

Je ratais un battement de coeur. De retour à l'école, je me souviens le lendemain. J'ai raconté à Laïla les évènements de la veille. Et toute la classe savait désormais que j'avais un petit ami. Un beau gosse de seize ans que j'avais croisé en plein soir, assis sur le trottoir d'un quartier paumé, une bouteille d'alcool à la main. Et j'aimais, contre toute attente, ce type là!

- Je.. je peux te demander quelque chose, Max ?

Il se prénommait Maxim et avait sept ans de plus que moi. Il fréquentait des malveillants drogués de sa rue. À un si jeune âge, il buvait autant que mon grand-père. L'école buissonnière reflétait son passe temps favori.. et contre toute attente, j'aimais ce type là!

Nos yeux s'embrassèrent littéralement.. Les arbres fusionnaient avec la pénombre de la nuit. La lune épousait de ses rayons, chaque coins de rue. Il y avait un silence total. Quelques rares employés de dernières heures qui rentreraient sûrement à leur logement. Certains SDF somnolaient longtemps sur les trottoirs tandis que des gens parcouraient encore les bars. Et Max debout à côté de moi, dont le regard tendre m'infligeait une sorte de courant électrique à travers mon corps. Et moi, debout près d'un Max pressé de savoir ce dont je lui dirai dans quelques secondes.

Un mot ou deux.. Un geste affectueux ou bien je marmonne une phrase de ma mère. Je chiffonne mes habits déjà froissés. Ou bien sauvagement, j'attrape son col et lie nos lèvres dans un baiser éternel..

Ici ! Dans l'arrêt de bus.. Au milieu des mendiants et des employés. Au milieu des bars et des boîtes de nuit..
On pourrait même se marier d'ailleurs.
On s'aime depuis trop longtemps sans s'avouer quoi que ce soit.. Sans se dire finalement qu'on en a marre de vivre loin de l'autre. L'âge ne compte pas..et maman finirait par s'y faire!

Mais..
Le bus arrive et on s'y engouffre! Et rien de toutes mes illusions ne se réalisent.

- Morgane, tu voulais me dire quoi exactement ?

...À quinze ans !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant