Scène

5 1 0
                                    

-Seokjin ?

J'étais surpris, pour ne pas dire abasourdie. J'ai pensé qu'il ne voudrait plus jamais me parler après m'avoir quitté aussi sèchement à l'hôpital ce matin.

Le soleil fatigué descendait de l'horizon et plongeait le couloir dans une ambiance orangée et sinistre, ses rayons éclairant mon danseur qui, avec des yeux reflétant peine et incompréhension, me regardait l'air perdu.

Des voix venues d'outre tombe, sans doute des tréfonds de son esprit décharné l'ont comme menacé de faire un pas vers moi. J'ai pris les devant avant d'en faire deux en sa direction, pour voir s' il prêtait attention aux voix dans sa tête.

Toc toc toc, le bruit de bec d'un oiseau contre le crâne d'un cadavre en putréfaction.

Toc toc toc a fait le bruit de ses phalanges graciles et osseuses contre le bois écaillé de ma porte d'entrée.

Un même bruit pour un même esprit emprisonné dans un cycle perpétuel de mutation transhumaniste, transformant l'homme en son instrument de musique.

Des touches de piano vont bientôt lui pousser au bout des doigts ai-je pensé en esquissant un sourire, mes articulations en contact avec les siennes, blanchâtre et glacé.

Elles étaient plusieurs, les voix dans sa tête.

Une grésillante, semblable au son d'un tourne disque qui fonctionnait mal. Quand le vinyle sautait et qu'on entendait les paroles qu'une fois sur deux.

Une autre maigrelette ressemblant fortement à un sac d'os qu'on secoue, les ossements s'entrechoquent alors dans une mélodie funéraire.

La dernière, plus sombre, plus présente que les autres. C'est celle qui vous murmurait à l'oreille pendant que vous vous regardiez dans le miroir. Une voix vaut mieux qu'un regard de dégoût quelquefois.

Les adultes ont souvent ce genre de voix dans la tête.

Celle qui vous chuchote que votre rêve d'aventure est impossible et que vous feriez mieux de rester bien assis sur votre chaise de bureau a tapé le même mot pour la millième fois de la journée.

Celle qui vous donne des sueurs froides, qui vous empoisonnent, qui vous enferment.

Il se battait contre elles, je le voyais.

J'ai approché mes lèvres du creux de son oreille, son souffle tremblant s'écrasant contre mon cou découvert.

-Je les entends aussi… déclarais-je dans un soupir.

Je l'ai sentit se détendre et fondre entre mes bras, ses ongles s'enfonçant dans le tissu de ma chemise pour se soutenir.

Mon danseur s'est laissé porté comme une feuille morte jusqu'à mon appartement et j'ai souri en le voyant me regarder par-dessus mon épaule, sans rien dire.
Il est resté tout aussi silencieux sur le canapé mais un verre d'eau lui a délié la langue

-Je suis venu pour m'excuser…

-T'excuser ? Ai-je répondu sans comprendre.

Jin hocha lentement la tête, ses mains triturant les cordons de mon sweat à capuche pour se détendre. Ce petit geste ne le rendait que plus humain. Il paraissait presque fragile, comme ça, dans mes bras. Comme un oisillon tombé du nid. Le petit oiseau a posé ses yeux noirs sur moi, me défiant de m'enfuir si j'en avais le courage, comme si ces excuse avait l'effet d'une épée écorchant ma gorge.

-Je suis venu pour...Te dire que j'étais désolé de m'être enfui comme un voleur, de l'hôpital, ce matin…

-Ooh ça ! Ce n'est rien Jin, je comprends pourquoi tu as pu réagir comme ça…

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Oct 12, 2022 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Fer et Absinthe [Namjin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant