Prologue

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Mon histoire commence à Madrid, le 18 mars 2007, à 15h35 précisément. Alors que je sortais de mon lycée Pablo Neruda, accompagnée de ma meilleure amie Alicia, après deux heures intenses de philosophie, j'ai traversé ce fameux feu tricolore à l'angle du bar El Paso et du parc municipal El Cielo. Le petit bonhomme était vert, alors j'ai continué à avancer sans me poser de questions, absorbée dans le débat mené avec Alicia pour savoir si oui ou non, il y avait une vie après la mort. J'ai bien failli avoir ma réponse. Elle s'est arrêtée, pas moi. Elle a crié mon nom, j'ai voulu me retourner pour voir son visage mais tout ce que j'ai vu, c'est cette moto noire foncer droit sur moi, à si vive allure qu'aucun réflexe n'aurait pu me tirer d'affaire, je le savais, il était trop tard. Alors j'ai retenu mon souffle et le temps s'est arrêté. Vous voulez savoir la dernière pensée qui m'ai alors venue à l'esprit ? Seulement ces deux mots « pas maintenant », rien de plus, rien de moins. J'étais beaucoup trop jeune pour mourir. J'avais mon examen de fin d'année à passer, mon permis aussi. Je voulais découvrir le monde et rencontrer des gens. Mais surtout, je voulais connaître l'amour, le vrai, celui qui fait rêver. Bref, j'étais une jeune lycéenne de 17 ans qui n'avait rien vu rien fait et qui avait passé les quinze dernières années de sa vie sur les bancs de l'école. Mourir maintenant était trop absurde pour être vrai. Ensuite, le "trou noir" classique pour tous ceux qui ont déjà perdu au moins une fois connaissance dans leur vie. Pour moi, c'était la première fois. Trois jours dans le coma. Trois jours d'enfer pour ma famille, mes amis et ce jeune motard inconscient qui risquait la prison pour avoir grillé un feu rouge et renversé une piétonne ; elle aussi pas très maligne d'avoir traverser sans regarder à sa droite auparavant, comme le lui avait pourtant si bien appris ses parents. Pour moi, c'est comme si ces trois jours n'avaient jamais existé et qu'il ne s'était déroulé qu'à peine une ou deux heures entre l'impact et mon réveil. Réveil bien difficile. À ce moment précis, je crois que j'aurai préféré ne pas me réveiller ; ou du moins attendre encore quelques jours le temps que la douleur ne se dissipe un peu. J'ai ouvert mes yeux embrumés et j'ai alors ressentie cette vive douleur me transpercer de la tête aux pieds. J'avais soif. Tellement soif. Puis j'ai essayé de me redresser sur mon lit, impossible de bouger. Tous mes membres étaient engourdis et j'étais plâtré à la hanche, au bras droit, et à la tête. Alors j'ai essayé de parler mais aucun mot ne sortait de ma bouche. Réaction post-traumatique sans doute. Je suis donc restée sur mon lit, à écouter ma respiration et à tenter de me souvenir de quelque chose. La moto noire est alors réapparue et un frisson a couru le long de ma colonne vertébrale. C'était bon signe, je n'allais pas devoir marcher en fauteuil roulant pour le reste de mes jours. Cette seule idée m'a provoqué un second frisson. Puis j'ai entendu des pas se diriger vers ma chambre. Une infirmière est entrée. Elle m'a vu, elle était surprise, rien de plus normal. Puis elle a fait son travail, elle m'a posé tout un tas de questions d'ordre médical, m'a servi un grand vers d'eau, un pur bonheur pour moi, puis s'est précipité de prévenir le médecin. Il m'a examiné, rassuré, expliqué ce qu'il y avait à expliquer. Puis ils sont tous les deux sortis, me laissant me reposer. Mais après trois jours passés à dormir, c'est la dernière chose que je désirais ! Au moins, je serai seule pour réfléchir à ce qui venait de se passer. Car ces quinze minutes passées en compagnie de ce médecin et de cette infirmière dans cette petite chambre d'hôpital ont été les plus étranges de ma vie. Je n'étais plus la même. Oh je sais ce que vous pensez, c'est normal de se sentir différent après un tel accident, de se sentir un peu changé, un peu bizarre. Mais moi c'était bien plus que cela, je m'étais réveillée avec "un truc en plus" chez moi, et je comptais bien découvrir ce que c'était. J'avais l'impression d'être dans une autre dimension. Je vous explique. Tous les gestes et paroles de ces deux personnes, je les avais prémédités. Quoi qu'ils fassent ou décident de faire, j'avais une longueur d'avance sur eux. J'étais capable de répondre à une question avant même qu'on me la pose. Avant, j'aurai rêvé avoir un tel pouvoir, talent, don, appelez cela comme vous le voulez. Mais là, cela me faisait vraiment flipper. Je n'avais qu'une idée en tête, tester ce pouvoir sur un maximum de personnes. Alors même que j'étais coincée dans ce lit avec ces horribles perfusions piquées dans mes veines, je ne m'étais jamais sentie aussi forte. Désormais, j'étais une sorte de super héroïne, et ça c'était vraiment cool. Ma peur a alors cédée sa place à une joie indescriptible et un sourire s'est dessiné sur mes lèvres. J'avais une vie nouvelle.

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