Chapitre neuf

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Après l'incendie dans notre maison, on a quitté Pine Hill. On vit maintenant à l'autre bout du pays, une ville nommée Rockland. C'est différent de la petite ville où j'ai grandis, et je n'y trouve pas vraiment ma place. Mes amis me manquent et je tombe peu à peu dans une sévère dépression. Alors que je broie du noir en silence, Charly m'appelle en vidéo.

‹‹ -Salut Mae.

-Salut Charly.

Un long silence. C'est ce qui rythme ma vie ces dernières semaines.

-Je viens demain, déclare le brun sans préambule. Je quitte Pine Hill.

-Mais tu va faire comment ?

-Aucune idée. Tu as un canapé ?

Il me décroche un petit sourire, le premier depuis longtemps.

-Tu es toujours le bienvenu, Cha.

-Alors voilà. Demain je prends le train de neuf heures et je viens vivre à Rockland.

-Charly ?

-Ouais ?

-T'es complètement barge.

-Je sais.

Un nouveau silence. J'ai finis par m'habituer à eux. J'allume une cigarette et m'assois sur le rebord de ma fenêtre.

-Tu es sûre que tu va bien, Mae ? On s'inquiète tous pour toi.

-Je vais comme je peux. Un jour après l'autre est devenu une heure à la fois, dis-je froidement

-Je t'aime Mae.

-C'est faux. Tu aimais la Maeve d'avant.

Sans lui laisser le temps de rétorquer, je raccroche et ignore l'appel suivant. Il laisse un message sur mon répondeur, je l'écouterai plus tard. Les yeux fixés sur la lune, j'attends que le jour daigne se lever dans quelques heures. Ce n'est qu'à ce moment là que j'arriverai à dormir. Au lever du jour.

Il est dix-sept heures quand mon père se gare dans l'allée. Lui et ma mère ont rigolé quand je leur ai expliqué l'idée folle de Charly. Mais je penses qu'ils ont aussi vu la possibilité qu'il m'aide à aller mieux. Alors c'est avec grand plaisir qu'ils l'ont accueillis. Je reste assise sur le rebord de la fenêtre, j'attends qu'il vienne me rejoindre. J'entends mon père lui faire visiter la maison, pièce après pièce. Puis ils déposent les valises de Charly dans la chambre d'amis à côté de la mienne.

-Et là, c'est celle de Maeve, soupire mon père en regardant le bazar

-Je rangerais demain papa.

-Tu me dis ça tous les jours ma fille.

-Garde espoir. Ça finira bien par arriver.

Il soupire une deuxième fois et redescends. Mon regard se pose sur Charly.

Ce silence. Ce foutu silence.

-Je suis content de te voir.

-On va vraiment se dire des banalités absurdes, Cha ?

-Non. Toi, tu va prendre un bon bain. Pendant que je range tout ça. Ensuite on sortira tous les deux prendre l'air et manger un truc. Puis...

-Non. Je préfère rester là.

-Maeve, bouge.

Charly s'est approché et a déposé ses mains sur mes genoux. Il est doux mais autoritaire. Je sais qu'il a raison. Je sais qu'il fait ça pour moi. J'acquiesce et le regarde fouiller dans mes placards. Puis il me tends des sous-vêtements, un t-shirt, un léger pull et un jean.

-Aucun problème à fouiner dans mes sous-vêtements, ricanais-je

-On s'est déjà vu à poils Mae. C'est pas tes strings qui vont me choquer.

-Hé, protestais-je en lui envoyant un oreiller à la figure

Je regarde une dernière fois Charly, trop occupé à se demander par où commencer. Puis je disparais dans la salle de bain. Pendant que la baignoire se remplit, je me regarde dans le miroir. J'ai une mine affreuse, des cernes sous les yeux et les joues creusées.

-Je me déteste, murmurais-je

La Maeve d'avant se sentait bien dans sa peau. Jolie, à l'aise, confiante. Je me demande où elle est passée.

Une heure après, je m'habille et sèche légèrement les cheveux. Il fait doux pour un mois de mai. Alors je ne prends pas la peine de les sécher complètement. Quand je reviens dans la chambre, je retrouve Charly en train de se battre avec les draps.

-Un coup de main ?

-Ouais. Sinon je jette tout par la fenêtre.

On change mes draps puis Charly se laisse tomber sur le lit.

-Désolée que tu ai dû tout ranger Cha. J'aurai pu t'aider.

-Non, c'est moi qui doit t'aider Mae. J'aurai dû venir avant. J'aurai dû être là depuis le début. Mais toute cette histoire m'a complètement retourné. Les filles vivent recluses, plus personne n'ose vraiment sortir. La légende a dépassé la fiction, même si tout le monde pense à un fanatique. Merci de m'avoir permis d'en sortir, Mae. Je devenais fou.

-Je suis devenue folle, moi aussi.

-Non parce que ça va aller. D'accord ? commence mon meilleur ami en me prenant les mains. Déjà on va aller faire un tour. On va discuter. Tu va me montrer le meilleur restaurant de pizza du coin. Et on va kiffer.

-Cha ?

-Ouais ?

-Je t'aime.

-Je...

Sans trop savoir pourquoi, j'embrasse délicatement Charly. Surprise de ma propre réaction, je me recule mais il me tire vers lui et m'embrasse à son tour. A cet instant ma mère entre dans la chambre.

-Oh, pardon. Je voulais demander à Charly si il avait besoin d'une couverture en plus mais visiblement la chambre d'ami ne servira pas.

Je suis rouge de honte. Elle déblatère sans s'arrêter et mon meilleur ami se contente de rigoler. Quand elle a enfin fini son discours, elle quitte la chambre.

-Tu peux être sûr qu'elle va tout raconter à mon père en inventant des trucs.

-J'adore tes parents Mae.

Un silence. Mais celui-là m'apaise. Les mains de Charly sont posées à l'arrière de mes cuisses, les miennes sur sa nuque.

-On peut parler de ça, Mae ?

-Je ne sais même pas si ça, comme tu dis, c'est quelque chose.

-Alors on en parlera plus tard. ››

Il se lève, m'embrasse la joue, et on sort de la maison en silence.

Dans les boisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant