Dans les bois

Chapitre douze

‹‹ -La forêt est son terrain de jeu. Ici, c'est lui qui gagnera. On doit absolument sortir de cette foutue forêt, lâche Charly en me prenant la main avant de m'entraîner suivi par les gars

-Tu crois qu'il va nous suivre ? demandais-je

-J'en suis certain.

Charly nous conduit jusqu'au terrain de football. On a une vue assez large puisque à par une petite tribune, rien ne l'entoure.

-La balle ne lui a rien fait, nous apprends Donovan

-Tu es sûr de l'avoir touché ? demande mon petit ami

-Je confirme qu'il l'a touché, rétorque Ezra

Il a forcément un point faible. Je réfléchis aux légendes que j'ai lu au sujet de la forêt de Pine Hill.

Alors qu'un cri strident se fait entendre, me glaçant le sang, un souvenir me parvient.

-Retenez le, le plus possible ! criais-je en courant jusqu'au magasin de l'autre côté de la rue

-Maeve ! s'écrie Charly. Merde, il arrive !

Ce sont les dernières paroles du brun que j'ai entendu. La suite étant couverte par un mélange de cris, de coup de feu, et de mes propres pensées. Je refuse de me retourner. Si je le fais, je serais incapable de continuer. J'entre par la fenêtre brisée en espérant trouver ce que je cherche. La boutique a été pillée, certainement suite au départ de tous les habitants. Je me rappelle des barrières entourant la ville qu'on a déplacé. C'est presque étonnant que ce ne soit pas surveillé.

-Concentre toi, murmurais-je en chassant mes pensées

Je n'ai besoin que de deux choses. Deux petites choses. Je n'en trouve qu'une des deux, presque miraculeusement.

-Fais chier.

Je ressors en l'emportant avec moi. Face à moi, les gars se battent tant bien que mal avec cette créature qui m'a longtemps fascinée. Mais aujourd'hui, je ne veux plus en avoir peur. Je jette un regard circulaire.

-Maeve sert toi de ton cerveau bon sang, pensais-je en courant vers le bureau de tabac

J'attrape un briquet, déchire un morceau de mon T-shirt et le trempe dans la bouteille après l'avoir imbibé. Le cœur battant, je rejoins le terrain. Donovan est à terre, Ezra est en sang et Charly semble tout aussi mal en point. Je monte sur la tribune sous leurs regards inquiets.

- C'est pas le moment de me mater bande de crétins. Barrez vous, pensais-je

L'attention de la créature se reporte vers moi. Il me regarde avec un semblant de sourire et se mets à accourir à quatre pattes. C'est vraiment un mélange entre un cerf et un humain. Je puise dans la rage que j'ai emmagasiné et je compte les secondes avant son arrivée. Dans un cri, j'allume le tissus et le lance sur l'homme qui saute vers moi. Dans la même seconde, je me retrouve projetée sur le côté, dans les bras d'Ezra. Le souffle de l'explosion m'a rendu à moitié sourde. Je vois Ezra me parler, mais je ne comprends pas. On se tourne vers la créature qui semble disparaître dans ce feu sans fin.

Je ne sais plus depuis combien de temps je suis assise là. Ezra est parti chercher la voiture, les gars sont vraiment dans un sale état. Mais je suis incapable de me lever. Je regarde ce tas de cendres au pied de la tribune. Il y a une demi heure, c'était une créature venue des enfers.

-Et le diable disparaît dans les flammes de l'enfer, murmurais-je

Le moteur de la voiture s'approche, Ezra se gare à côté des garçons. Je me lève enfin et l'aide à les installer à l'arrière. Dans un silence presque religieux, on se dirige vers l'appartement d'Ezra à deux heures d'ici. Les filles nous rejoignent directement là-bas puisque Emilia vit à côté de chez lui.

-Comment tu as su ? me demande Ezra

-Pour ?

-Sa faiblesse.

- Il y a six cents ans, la forêt de Pine Hill a été totalement détruite dans un incendie. Seul quelques arbres ont été protégés, autour de la grotte des Enfers. Elle a été appelée ainsi parce que la légende disait que le démon s'y était réfugiée. Cette année là, aucune disparition n'a été signalée la nuit des trois cents ans. Mais trois siècles après, ça a été deux disparitions. Une femme et une jeune fille. Les habitants de Pine Hill aurait arpenté les bois et condamné la grotte en y mettant le feu avant de faire écrouler l'entrée.

-Et tu as fais le lien entre lui et le feu.

-C'était ma seule chance de vous sauver.

Je pose ma tête sur la vitre et m'endors, épuisée.

La main d'Ezra me réveille. On est garé devant son appartement. Je tourne instinctivement la tête vers la banquette arrière qui est vide.

-Ils sont à l'hôpital. Appel anonyme. Ils se seraient fait tabasser après un règlement de compte. Donovan s'est réveillé, ils vont bien. Charly passe des radios, mais ça ira. Toi, tu dois aller prendre un douche et dormir.

-Va aussi à l'hôpital Ezra. Je suis presque sûre que tu as un traumatisme crânien.

-J'y vais tout de suite. Promis.

Je lui souris et lui embrasse la joue avant de quitter la voiture. Émilia et Philomène m'accueille en pleurant.

-C'est finis, alors ?

-Oui, pour au moins trois siècles.

-Tu penses qu'il reviendra ?

-Les démons reviennent toujours.

Je souris aux filles et on monte dans l'immeuble pendant que Ezra s'éloigne en voiture.

Après une bonne douche, je me suis écroulée sur le lit d'Ezra. Ce sont les douces caresses de Charly qui me réveille.

-Salut ma guerrière.

-Comment tu va mon estropié ?

-Plutôt bien. J'ai juste une épaule éclatée, un bon traumatisme crânien, deux côtes fêlées. Toi, tu va bien, alors ça m'importe peu mon état de santé. Ezra nous a dit que tu as été héroïque.

-J'ai fais ce que j'avais à faire.

-Maeve ?

-Ouais ?

-Je t'aime.

Je souris simplement.

-Je t'aime aussi, Charly. ››