Recueil de nouvelles

DAVID

J'ai toujours beaucoup aimé visiter toutes sortes de musées et m'éterniser devant les statues , avec la frustration de ne pouvoir ni les toucher , ni leur parler . Juste les regarder , ni plus ni moins , car les gens autour seront affligées du moindre commentaire .

Les statues sont devenues comme une sinistre passion remplie de privation , c'est une chose que j'aime admirer . C'est tout . Mais ce que j'aimerai faire plus , franchir ce cap qui sépare ses figures de pierre de ma personne , pouvoir en serrer une dans mes bras , pouvoir changer leur expression . Alors une certaine excitation s'empare de moi quand j'ai l'incroyable occasion d'aller dans un quelconque musée , et de passer devant ces êtres de marbres immobiles .

Mais je me sens étrangement impuissante , du fait qu'ils mesurent des dizaines de têtes de plus que moi , et que je ne puisse rien faire d'autre que les scruter de haut en bas .

Cela me rappelle une histoire récente , une idylle digne d'être racontée .

Comme beaucoup , je me suis entichée d'un jeune homme , car nous fûmes proches , et notre proximité ne cessait de s'accroitre . Au départ , il était un ami de bon goût , avec qui , ces longues heures devenaient de doux et amusants souvenirs .

Et ayant eu des antécédents particuliers , comme je le dis si bien , avec l'un de ses semblables , il fut le premier à m'aider , me soutenir , me faire remonter la pente .

Et comme s'il n'en fût pas assez , je suis tombée amoureuse , à mon plus grand regret , car me connaissant mieux que quiconque , je savais déjà la finalité de cette « relation à sens unique » . Enfin ...

Nous étions disposés d'une manière qui m'aidait fort bien , en amphithéâtre. Donc nous discutions toujours de tout et de rien , de ses goûts , des miens ,de ce que nous pensions des autres , de ce que nous eûmes mangé la veille . Puis nous riions car d'après lui , j'étais douée d'un humour exceptionnel et d'un rire communicatif, un rire cristallin . Un rire qu'il aimait bien.

Nous nous complimentions , beaucoup même , et sur ce point là , il était plus adroit que moi , qui bégayais à en perdre la voix et qui lui faisait des éloges maladroites et plutôt bancales qu'il ne savait guère comment prendre . Mais peu importe car nous en riions tant par la suite .

Il est adorable , Dio , car oui , c'est ainsi qu'il se nomme , malgré son manque cruel de prestance , son style banal et son don à toujours être décoiffé . Les autres filles ne le trouvant guère plaisant , je n'avais absolument pas à m'inquiéter de la moindre concurrence , ci ce n'était que ma maladive timidité qui m'empêchait de lui adresser la parole par moments . Quoique quand nous fûmes à côté , nous n'étions jamais là à nous taire , au contraire , on était plutôt réprimandés dû à notre fâcheuse tendance à trop discuter .

Ça , c'était ce que j'aurais tendance à appeler le  "bon vieux temps" , qui pourtant ne remonte qu'à trois mois de cela .

Les vacances , les grandes vacances sempiternelles dont même un enfant pressé ne verrait point la fin . Personnellement, je les ai passées à me morfondre et à prier le bon Dieu pour qu'elles passent vite mais que tout de même , elles m'apportent le repos dont j'ai besoin . J'avais à mon chevet un calendrier et j'y cochais les jours , ces longs amas de vingt-quatre heures , avant de revoir mon bien-aimé .

Alors à la reprise que je craignais tant , la fin tant attendue s'immisça , nous ne nous parlions plus , mais nous regardions seulement , lui avec bienveillance , moi avec un amour inconditionnel ; ce que j'aurai aimé qu'à ce moment , il puisse lire ce que je me disais , lire ce qu'énonçaient mes yeux , cela m'aurait facilité la tâche d'une manière . Mais allons bon .

Au plus , on se souriait , et je sais mieux que personne , car je le vois avec mes yeux , que son sourire illumine son visage et en fait émaner une telle brillance , qu'il peut attendrir le cœur obduré de n'importe qui et le remplir d'alacrité , à ne plus savoir qu'en faire .