Le sommet est une place transatlantique

Chapitre 3 - Vedi

Assis sur une confortable chaise, le visiteur attendait patiemment dans une pièce encombrée de livres. Sur chaque mur se dressait une immense bibliothèque remplie d'ouvrages anciens. La pénombre dominait le bureau, comme si l'aura des livres empêchait la lumière de percer les larges fenêtres. Ça, et peut-être aussi les dizaines de gardes amassés devant le bureau pour essayer de voir ce curieux visiteur qui avait osé se présenter.

Un unique et vif rayon de soleil fondait dans la pièce surchargée. Il tombait sur les genoux d'une vieille femme, assise dans un élégant fauteuil en bois massif. Entre ses longs doigts fins, elle tenait un porte-cigarette qu'elle amena à ses lèvres, et souffla une volute de fumée qui s'envola vers le plafond. L'épaisse brume de fumée piégée dans les poutres alourdissait encore plus le bureau du Boss Trublet.

Malgré son grand âge, le visiteur savait qu'il ne pouvait contrarier cette femme sans souffrir de conséquences dramatiques. Sous son air de vieille grand-mère, elle dégageait une terrible impression de puissance. Son autre main reposait sur le pommeau sculpté de sa canne. Le visiteur savait qu'à la moindre entorse, le Boss n'aurait qu'à esquisser un geste avec cette canne pour que toute la garnison à l'extérieur se jette sur lui.

Il avait eu du courage de se présenter sans rendez-vous devant le Boss Trublet. Et elle appréciait l'audace. Mais savait-il seulement faire la différence entre l'audace et l'inconscience ?

« Alors comme ça tu souhaiterais voir mes invités, dit-elle, rompant le silence. Sais-tu que je ne laisse pas entrer n'importe qui dans cette tour ?

— C'est pourquoi je vous demande l'autorisation Boss, répondit poliment le visiteur. Mais sachez cependant que je n'ai pas fait tout ce chemin pour rien, et que j'irais voir ce qui se cache dans cette tour quoiqu'il advienne, affirma-t-il immédiatement.

— Tout ça juste pour une intuition ? ria le Boss. Il y a longtemps que je n'avais pas rencontré de jeunes magiciens aussi téméraires !

— Vous n'avez pas idée de ce qui est enfermé dans cette tour, Boss, argumenta le visiteur.

— Oh que si je le sais, rétorqua Boss Trublet. Pourquoi imagines-tu que c'est moi qui en ai la garde ? »

Elle s'était légèrement redressée dans son fauteuil. Derrière lui, le visiteur sentait que les gardes s'étaient agités. Il resta digne face au boss. Peut être était-il allé trop loin, mais il était si proche de son but, de comprendre ce qui avait causé la rupture du continuum magic-quantique. Et si il devait se dresser contre une garnison, alors qu'il en soit ainsi.

Il se tenait prêt. Les yeux perçants du Boss l'analysaient de haut en bas. Après un instant qui lui avait sembler une éternité, la vieille femme rompa le silence :

« Je vois dans tes yeux que tu sais à quoi t'attendre en franchissant cette porte, dit le Boss contre toute attentes. Tu peux entrer dans la tour. »

Elle fit un geste en direction d'un garde, lui signifiant que le visiteur avait l'autorisation d'entrer. Ce dernier fut si surpris qu'il en resta sans voix.

« Si j'interdis l'accès aux gens, c'est avant tout pour leur propre sécurité, dit simplement le Boss.

— Merci Boss, réussit-il à bégayer.»

Le visiteur se leva, et quitta le bureau du boss. Sur le pas de la porte, il se tourna et demanda :

« Vous n'avez pas peur pour votre jolie tour, Boss ?

— Ma tour ne craint rien, répondit-elle en riant. Préoccupe-toi plutôt de ce qu'il pourrait t'arriver à toi, jeune étranger. »

Il sourit et referma la porte du bureau. Les gardes avaient repris leurs places dans la cour, au pied de la tour de la Cité du Livre. La vieille bâtisse dominait par sa hauteur, et le visiteur sentit un poids peser lui dès l'instant où il avait levé les yeux vers le sommet.

« Ils savent déjà que j'arrive, se dit-il. »

Son destin était désormais scellé. Il se dirigea vers la lourde porte en bois et la poussa. Les gardes s'étaient écarté sur son passage et se tenaient éloignés. Et pour cause, au moment où il franchit le seuil, il ressentit immédiatement les auras des magiciens. C'était bien pire que ce à quoi il s'attendait, comment n'avait-il pas pu sentir cette puissance depuis l'extérieur ?

Le visiteur fut pris d'un vertige par cette déferlante de magie qui était venue à lui, mais aussi parce que cette puissance remettait tout en perspective. Il avait sous-estimé la capacité de la tour à retenir les auras. Et s'il avait pu suivre cette piste malgré la protection, que pouvait-il bien l'attendre à son sommet ?

Mais il était trop tard pour reculer. Et il gravit les premières marches de l'escalier. À chaque palier l'aura devenait plus intense, plus lourde. Son genou le faisait atrocement souffrir. Il devait pourtant continuer, il devait voir ce qu'il y avait là-haut. L'ascension était si pénible, qu'il cru plusieurs fois que son genoux ne s'écroule sur lui-même.

Et au moment où il pensait qu'il ne pourrait en supporter davantage, il fit face à une porte blanche, derrière laquelle s'élevaient quelques murmures.

À cet instant, il ressentit un immense soulagement. L'aura Magic était toujours présente, mais elle avait desserré son étau meurtrier. Le Boss Trublet avait raison, n'importe qui ne pouvait pas entrer dans cette tour sans risquer de sérieuses séquelles, peut être même la mort. Comment la tour pouvait-elle tenir debout ? Cette aura avait réussit à détruire le Bazouges-la-Pérouze Arena, alors que les stades de Magic étaient pourtant construit avec une technologie brevetée pour résister aux auras Magic les plus puissantes, mais aussi des normes anti-sismique depuis le tsunami de 2004.

Mais cette épreuve, le visiteur l'avait passé. À partir de l'instant où il avait décidé d'entreprendre son voyage, le visiteur savait qu'il allait être confronté à des forces extraordinaires. Et désormais, il était face à elles. Dans un mélange d'excitation et d'appréhension, il tendit le bras et toqua trois fois.

Les murmures s'éteignirent en un instant. Un silence assourdissant enveloppa l'espace pendant quelques secondes qui parurent durer des heures, jusqu'à l'ouverture de la porte.

Un homme, aux yeux brillants et à la barbe fournie, se tenait juste derrière.

« Bienvenue, déclara-t-il. »