Introduction

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Des prés et de l'herbe à perte de vue, pas une montagne découpant le ciel; le bleu de ce dernier et le camaïeu de vert de la terre paraissaient se mêler. Du moins c'est ce qui semblait se passer aux yeux non-initiés de Tharia.

Tharia, fille d'un prince nain et d'une humaine, n'avait jamais connu d'autres visions que celle de la montagne. Des terres arides souvenirs d'un certain dragon. La Désolation; voilà ce que Tharia d'Erebor avait toujours connu.

Et depuis qu'elle avait entamé son voyage, rien ne lui semblait plus étranger que le monde dans lequel elle vivait.

La jeune femme avait été nommée émissaire du royaume d'Erebor par son oncle, le roi Fili. Il l'avait envoyée mener à bien sa première mission dans l'Ouest, chez les maîtres des chevaux.

Bien sûr son père avait ardemment protesté, jamais le prince Kili ne laisserait sa petite fille quitter les confins de la Montagne Solitaire. Erwen, sa femme, l'avait raisonné tant bien que mal et avait finalement réussi à obtenir son aval, à la condition que Tharia soit accompagnée.

Et c'était donc aux frontières du Rohan, sur les berges de l'Anduin qu'elle se trouvait.

Depuis le début de son périple, la jeune femme avait vu bien des paysages. Des eaux glaciales du lac d'Esgaroth, de la sombre et profonde forêt de Grand'Peur, en passant par les rapides d'Emyn Muil. Elle se serait presque senti comme marchant dans les pas de son père, de son grand-oncle Thorin et de la compagnie. A la recherche d'un passé dérobé, d'une montagne perdue aux griffes d'un dragon couvant ses richesses.

La personne qui avait été chargée de l'accompagner était un vieux nain du nom de Fenrir, en qui le roi avait toute confiance. Il avait aidé la princesse durant toute la traversée, déplorant son incapacité à monter à cheval. Perchée derrière son garde, Tharia ne souhaitait rien de plus que de marcher.

Jamais à Erebor n'avait-elle vu de champs d'une telle couleur. Les herbes hautes que foulaient les chevaux du Rohan étaient d'or; roussies par les chauds rayons du soleil et bruissant sous la brise fraîche venant de l'ouest et des Montagnes Brumeuses. L'odeur qui s'en dégageait était celle du foin fraîchement coupé et, étrangement, de la fumée.

Du haut de sa monture, Tharia se sentit envahie d'un indescriptible sentiment de liberté; les terres du Rohan semblaient s'étendre aux confins du monde.

Loin, très loin à l'ouest se détachait du ciel un étrange édifice que la princesse peinait à identifier. Fenrir lui expliqua alors qu'à l'extrémité du Rohan se rejoignaient les Montagnes Blanches et les Montagnes Brumeuses; toutes deux plongeant dans la mer émeraude qu'était la trouée du Rohan.

Et là-bas, dans une cuvette aux pieds des montagnes, avait élu domicile un grand magicien: un Istari.

Ce lieu portait le nom d'Isengard et l'immense tour blanche déchirant les nuages était Orthanc.

Tharia fut cependant mise en garde concernant le mage blanc.

Sous aucun prétexte ne devait-elle lui faire confiance; là-bas dans l'est, les corbeaux de la Montagne Solitaire avaient entendu d'étranges rumeurs ayant pour sujet ce Saruman.

Ajoutant à cela la venue d'un des neufs cavaliers noirs aux portes du Roi sous la Montagne, il était fort probable qu'une terrible alliance ait vu le jour.

En bref, prudence était de rigueur.

Le voyage depuis les chutes du Rauros jusqu'aux halles dorées de Meduseld à Edoras se devait d'être prompt.

Depuis que le Mal avait regagné l'Est; des orques, plus féroces que ceux parcourant les terres du Mordor, avaient été aperçus rôdant dans les prés, longeant la terrible forêt de Fangorn.

Il ne fallait pas s'attarder ici trop longtemps, le Rohan n'était plus aussi sûr qu'il ne l'avait été.

C'est également pour cela que quelques jours après et cinquante lieues parcourues, Tharia ne fut pas surprise de voir au loin une colonne de soldats Rohirrims lancés à plein galop.

A leur vue, la princesse se sentit d'un coup plus rassurée.

Leurs chevaux majestueux battaient la terre sous leurs sabots, la crinière volant dans le vent.

Ce n'est pas à Erebor que Tharia aurait pu assister à un tel spectacle. Muette, ébahie par l'aura de pure force et d'élégance qui se dégageait des soldats, tout son corps fut parcouru de frissons d'excitation.

Le Rohan avait vraiment quelque chose d'exceptionnel si il était à l'image de la puissance de ses chevaux.

L'armée Rohirrim ne sembla d'ailleurs pas les remarquer; les chevaux filaient droit vers l'Estfolde, en direction de la frontière avec le Gondor.

Les soldats avançaient avec tant de détermination et à une telle allure sous le soleil de plomb qu'ils semblaient presque briller de vert et d'argent. De longues boucles blondes s'échappaient de sous leurs heaumes dorés.

Il flottait autour d'eux un tel sérieux, s'apparentant presque à de l'assurance, que la princesse aurait définitivement considéré comme venant de leur sens du devoir.

Fenrir allait rappeler la jeune femme à l'ordre dans l'espoir de la sortir de cette sorte de transe dans laquelle le spectacle Rohirrim l'avait plongée; lorsqu'elle tourna soudainement la tête dans la direction opposée.

Un éclair lumineux était apparu dans le coin de sa vision, saisissant instantanément son regard.

_Dîtes Fenrir, de quoi s'agit-il ? Là-haut sur la colline ? avait-elle alors demandé.

Le vieux nain la regarda puis se mit à fixer la ville se trouvant à quelques mille six-cent pieds de leur position.

_Là bas princesse, se trouve Edoras. Notre destination. Et l'étincelle à son sommet est Meduseld aux toits dorés. Il s'agit de la demeure de Théoden Roi. En réalité, vous l'aurez compris princesse, le toit du palais n'est pas réellement fait d'or. Mais l'on raconte que tant que le soleil brillera sur Meduseld, son toit de paille continuera à scintiller.

Subjuguée, Tharia resta sans voix. Toute sa vie, elle avait côtoyé les plus grandes richesses d'Erebor. Tout là-bas transpirait l'opulence : des pierres merveilleuses aussi brillantes que les étoiles, aux rubis, diamants et autres joyaux du trésor du dragon. Mais jamais, nul part pas même dans la salle du trône, n'avait-elle vu chose plus chatoyante que l'éclat du Rohan au soleil couchant.

Elle savait qu'à la nuit tombée la vallée s'éteindrait peu à peu, mais la jeune femme pouvait être sûre d'une chose, elle garderait en elle cette impression de chaleur qui l'avait plus tôt habitée.

Et quand enfin le jour sera descendu derrière les montagnes, elle et son acolyte auront atteint la cité d'Edoras.

Into the Horselords' landOù les histoires vivent. Découvrez maintenant