Prologue - 22 juin 1998

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En cette belle nuit du mois de juin, la lune pleine et ronde éclairait les bois de sa lueur blanchâtre leur donnant une apparence presque surnaturelle. Tout était silencieux et les animaux nocturnes vaquaient à leurs occupations préférées. Un chouette hulula du haut d'un grand chêne, maître incontesté des lieux depuis bientôt plus de cent ans, ajoutant un peu plus à l'ambiance lugubre des lieux.

Un craquement sourd vint tout à coup perturber la tranquillité des lieux et la chouette prit son envol silencieusement pour partir à la recherche d'une quelconque proie dans un endroit plus calme et plus sûr, loin d'un éventuel prédateur.

Les craquements se firent en effet plus nombreux, rythmant le bruit d'une course folle à travers les bois. Une jeune fille essoufflée s'arrêta un court instant contre le tronc de l'arbre imposant, tout en jetant derrière elle un regard affolé. Elle guettait le moindre bruit de pas lui signalant l'arrivée d'un potentiel agresseur.

Elle sembla percevoir quelque chose car soudain, elle s'élança à nouveau droit devant elle. Les branches des arbustes et buissons lui griffaient les avant-bras et le visage, mais elle ne s'en préoccupait pas, trop effrayée pour ralentir sa course. Elle courait vers son salut, qui lui apparut bientôt au détour d'un chemin de terre : une minuscule cabane de chasseurs perdue au milieu d'une clairière bien trop sombre.

Un immense soulagement se peignit sur son visage quand elle se jeta sur la porte qui s'ouvrit avec fracas. Ses yeux s'habituèrent rapidement à l'obscurité du lieu et eurent tôt fait de s'apercevoir que le sauveur tant attendu n'était pas au rendez-vous. Des larmes s'écoulèrent le long de ses joues : il ne l'avait pas attendue. C'est vrai qu'elle avait plus de deux heures de retard, mais elle n'aurait jamais cru qu'il abandonnerait si vite. Elle, elle l'aurait attendu... toute sa vie s'il l'avait fallu !

Une ombre se profila dans l'entrée. Le nouveau visiteur était lui aussi essoufflé par sa course dans les bois. La jeune femme eut un sursaut d'espoir : il était là, il était venu pour elle, elle était sauvée ! Mais ses espoirs furent rapidement réduits à néant quand un rayon de lune éclaira le visage du nouveau venu. Un long cri d'angoisse s'échappa de ses lèvres et la panique s'empara de tout son corps.

- Non, ne crie pas, lui enjoignit l'homme en s'approchant d'elle. Je t'en supplie. Je te jure que je ne voulais pas... je n'aurais pas dû... je suis désolé... Mais je ne veux pas que tu t'en ailles, tu comprends ? Je t'aime !

- Ne t'approche pas de moi !, lui hurla-t-elle en réponse.

Elle avait peur, peur de ce qu'il pourrait à nouveau lui faire. Elle recula jusqu'à toucher le mur du fond et tâtonna à la recherche d'une arme pour se défendre.

L'homme continuait de s'approcher, lentement, en lui parlant doucement comme pour la rassurer... Mais elle savait de quoi il était capable !

- Je sais que je t'ai fait du mal. Pardonne-moi. Je... Ça ne se reproduira plus, je te le promets. Ce que je veux, c'est prendre soin de toi, t'aimer... Je ne supporte pas qu'un autre te touche, je veux que tu sois à moi... rien qu'à moi... Parce que je t'aime !

Alors qu'il n'était plus qu'à un mètre d'elle, sa main rencontra une planche de bois oubliée dans un coin. Elle s'en empara et, d'un geste désespéré, le frappa du plus fort qu'elle le put. Son agresseur s'écroula à ses pieds, frappé au-dessus à la tempe. A la lumière de l'astre céleste, elle put voir que du sang s'écoulait du haut de son crâne. Elle porta une main à sa bouche pour étouffer le cri de terreur qui lui vint alors. Il ne bougeait plus...

Paniquée, elle sortit de la cabane en tremblant, puis s'avança sur le chemin. Elle se mit à courir de plus en plus vite, fuyant à toutes jambes, rejoignant la seule personne vers laquelle son instinct de survie la poussait.

Elle courut et courut encore. En peu de temps, elle atteignit la ville, endormie à cette heure tardive. Elle se força à ralentir quand elle croisa un groupe de fêtards qui sortait d'un bar animé. Echevelée, les vêtements déchirés çà et là, elle devait ressembler à une clocharde. Il valait mieux éviter d'attirer un peu plus l'attention sur elle.

D'un pas rapide, elle finit par atteindre la marina et se dirigea directement vers l'emplacement 23. Arrivée sur place elle se figea.

Le bateau n'était plus là !

Cela l'acheva définitivement. Ses jambes lâchèrent et elle tomba à genou. Recroquevillée sur elle-même, elle laissa les larmes couler abondamment, s'abandonnant au désespoir. Son seul moyen de s'en sortir avait disparu. Il était parti... sans elle. Peut-être n'était-il même jamais venu à leur rendez-vous.

Il l'avait abandonnée ; il l'avait trahie...

Quand une main se posa sur son épaule, elle ne put retenir le cri de terreur qui s'échappa de ses lèvres.

Le poids du silenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant