Chapitre 1 - Fuir

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Bien sûr, les cris et le bruit des lames qui s'entrechoquent m'avaient sortie de mon sommeil. Mais c'est le hurlement d'horreur de ma mère qui m'avait fait quitter la chaleur de mon lit, les mêmes hurlements qui m'avaient ensuite menée jusqu'à la porte de ma chambre. En l'ouvrant, je me précipitai vers la chambre de mes parents. C'est alors que le bras d'un garde s'enroula autour de mon ventre, m'arrêtant dans ma course. Je lui hurlai de me lâcher mais il n'en fit rien, me suppliant de retourner dans ma chambre.

-Ma mère ? Où est-elle ?

J'obtins ma réponse sur son visage désolé. Impossible.

-Maman ! appelai-je, refusant de croire ce que je savais déjà.

-Retournez dans votre chambre ! Vous ne pouvez pas rester là !

Mon corps se débattait tandis que mes pensées n'étaient plus claires. Il fallait que je la rejoigne.

Mais c'est alors que je le vis. Mon père chancelant, haletant à l'autre bout du couloir. Il faisait face à un garde. Non... Son armure n'était pas la même que celle des gardes de Nehel'Orq. Je continuai de lutter contre le garde qui refusait de me laisser passer. En plissant le yeux pour voir l'intru contre le quel mon père se battait, je reconnus sans aucun mal le blason qui ornait son armure : ce soleil d'or, symbole de la Couronne.

Et, alors, tout ce désordre prit sens.

Le secret de mon existence n'en était plus un : la Couronne était venue me chercher. Mon cœur rata un battement. Je poussai violemment le garde qui me retenait afin de me soustraire à sa poigne. Je courrai en direction de mon père, dans l'espoir qu'il n'échappe au sort que ma mère venait de subir, malgré les protestations du garde qui se mit à courir également. Les traits de mon père étaient crispés de colère. Ou de douleur. Je l'ignorais.

Il était debout, avec toute la volonté du monde de se battre pour protéger sa fille. Mais rien ne m'avait protégée de la vision de cette lame plantée bien trop vivement dans sa poitrine, et retirée avec une lenteur malsaine, avant qu'il ne s'effondre. Je me figeai un instant, terrorisée.

Dans un fragment de secondes, de nouveaux gardes arrivèrent à leur tour du couloir où se trouvait la chambre de mon frère, l'air grave. Certains d'entre eux reprirent contenance assez vite et se jetèrent sur l'assaillant de mon père, le repoussant à coups d'épée, tandis que d'autres repoussaient le groupe ennemi qui progressait en notre direction. Dans ce chaos qui m'échappait, je me jetai finalement sur mon père, comme s'il n'était pas déjà trop tard. Je posai mes mains tremblantes sur sa plaie béante, comme si je pouvais arrêter tout ce sang.

-Papa ! Hurlai-je.

Ses yeux semblaient déjà se perdre sur les peintures du plafond.

-Papa... Regarde moi... murmurai-je, affolée.

Trop tard. Son regard s'était éteint avant même qu'il n'ait pu me voir. J'aurais tout donné pour avoir un dernier mot de sa part, ne serait-ce qu'un au revoir. Mais il n'en fit rien. Il était déjà parti, les yeux grands ouverts. Je posai mes mains ensanglantées sur son visage pour le secouer, le réveiller, refusant l'inéluctable. Et mon cœur me fit souffrir si fort. Tellement fort. Il se serra avec une violence qui me déchira. Les larmes étaient montées sans que je puisse les tarir. Je vis alors la nuée de gardes se former devant moi, pour me protéger à leur tour. Mais je me sentais déjà morte à l'intérieur.

Et soudain, cette phrase dans le groupuscule ennemi.

« Les traîtres sont tous morts. Il ne reste plus qu'elle. »

J'avais de nouveau hurlé. Tous. Le rappel était déchirant. J'avais le corps de mon père dans les mains, mais je me rappelai le visage du garde lorsque je lui avais demandé où était ma mère. Tous. Mon père était mort. Ainsi que ma mère. Tous. Et une nouvelle image : le groupe de gardes provenant de la chambre d'Emralt. Mon frère aussi, avait été sauvagement assassiné. Tous morts.

Seditio : Le Premier SouffleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant