Chapitre 4 - La Vierge

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Une putain. Voilà ce que j'étais devenue. Mais pas n'importe quelle putain. J'étais La Vierge. J'avais été vendue comme du bétail. La tenancière, Mary, n'avait pas hésité une seule seconde quant à l'idée de dépenser une fortune pour m'avoir. Il n'y avait même pas eu de réelles négociations. Elle s'était contenté de me poser quelques questions, au sujet des rapports entre un homme et une femme. Et mon incapacité à répondre, ainsi que ma gêne et mes bonnes manières lui avaient assuré que j'étais bien la vierge qu'on lui promettait. Et les deux monstres qui m'avaient conduite ici s'en étaient allé sans plus de cérémonies, obnubilés par leur butin.

Je m'étais présentée comme étant Erin. Et rien de plus. Mary ne s'était pas intéressée à davantage que mon nom. Une aubaine, car je n'avais réfléchi à aucun autre mensonge.

J'avais été lavée et affublée d'une robe légère décolletée. Malgré l'hiver, Mary avait jugé bon de me fournir une robe fluide aux épaules dénudées. Celle-ci était également surplombée d'un corset supposé rehausser ma poitrine. Assez pour qu'elle soit remarquable, mais pas trop afin de conserver la pudeur d'une vierge. Elle avait également rassemblé mes cheveux bruns un chignon bas, même si des mèches s'en échappaient toujours. Et ce, tous les soirs depuis quatre jours désormais.

Mary espérait voir les hommes se disputer ma virginité. Et ils le faisaient. Seulement, selon elle, aucun n'en avait les moyens. Elle fondait ses ambitions sur le bouche à oreille des hommes enivrés. Quant à moi, je priais pour qu'aucun de ces hommes n'aient jamais les moyens.

Je les voyais faire. Agripper les hanches des autres filles pour les asseoir sur leurs genoux. Passer leurs mains poisseuses sous les jupons de ces mêmes filles. L'idée même de leur apparence malpropre, imprégnée par les effluves d'alcool, collée au corps des jeunes filles me soulevait le cœur. Beaucoup de ces filles semblaient plus jeunes que moi de quelques années.

Mon unique rôle pour le moment consistait à déambuler entre les tables des buveurs, un pichet dans chaque main, et remplir les gobelets bien plus vite qu'ils ne se vidaient.

« Les hommes ivres sont déraisonnables. Ils dépenseraient une fortune pour s'entendre dire qu'ils ont la plus grande. Ou que ces quelques minutes au cours desquelles ils t'ont maladroitement baisée étaient les meilleures de ta vie. Fais les boire. Puis dis-leur ce qu'ils veulent entendre. »

Ce conseil de Mary m'avait fait froid dans le dos. L'idée que, dans un avenir proche, ces rustres feraient de moi ce qu'ils voulaient me nouait l'estomac. Et devoir les en féliciter ? C'était répugnant. A chaque minute qui s'écoulait, je priais pour que ce jour ne vienne jamais.

Depuis désormais quatre soirs que j'étais ici, je dormais à l'étage, dans un dortoir avec les autres filles. Nous étions une dizaine, tandis que d'autres occupaient d'autres chambres. Même si la plupart étaient jeunes, il y avait des filles de tout âge. Moi qui avais pourtant toujours été isolée du reste du monde et cachée dans un immense palais... j'avais perdu tout espoir d'intimité et passai mes journées et mes soirées exposée dans un boui-boui.

Le premier soir, j'avais attendu que tout le monde s'endorme pour tenter de m'enfuir. Malheureusement, deux hommes robustes montaient la garde devant les dortoirs chaque soir. J'avais d'ailleurs supposé que certaines filles ne dormaient pas et que ces harpies m'avaient délibérément laissée tenter de fuir, sachant pertinemment que c'était peine perdue.

Après une « légère correction », comme ils l'avaient appelée, ils m'avaient raccompagnée dans mon lit de force, sous le regard des autres filles. Le reste de la nuit, j'avais pleuré en silence. J'étais seule, honteuse, blessée, brisée.

Le lendemain, les contusions m'avaient dissuadée de vouloir partir à nouveau. Je n'avais aucune maîtrise de mon pouvoir, j'ignorai comment l'utiliser, et il se contentait toujours de surgir par surprise, dans un moment de colère. Il m'était impossible de rivaliser avec ces hommes. Mes quelques aptitudes demeuraient maigres en comparaison de ces deux monstres qui rôdaient dans les couloirs.

Seditio : Le Premier SouffleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant