Orphelinat des Pinsons, 30 mars 2020 :: 20h01
[ pdv Alizée ]
Tchac, tchac, tchac...
Le bruit incessant de la hache s'abattant sur les pins résonnait dans mes oreilles, dont les bouts étaient bleuis par le froid. J'étais là, debout, à regarder Ethan, un autre pensionnaire de l'orphelinat, martyriser ces pauvres arbres.
Il eu beau m'avoir longuement expliqué que ce bois était vital pour se chauffer et faire à manger, je continuais à m'apitoyer sur le sort des vieux conifères.
Je devais faire une drôle de tête car, quand il tourna la tête pour prendre un sécateur, il sourit et lança :
« — Tu n'as pas besoin de faire cette tête, ce n'est qu'un arbre... ! Tu sais quoi ? Retourne à la case (c'est le nom qu'on donnait à l'orphelinat) avec le petit bois, tu seras plus utile qu'ici... »
Je hocha légèrement la tête en guise d'approbation et repartis, le paquet de brindilles dans mes mains gelées.
Une fois arrivée, je pris soin de retirer mes chaussures pleines de neige pour ne pas me faire réprimander et je rentra.
Quand je ferma la porte derrière moi, la première chose que je vis fut un groupe de groufs (un équivalent de police des montagnes) qui discutait avec Mme Rasscoff, notre gouvernante.
Je n'étais pas au bout de mes surprises ; quand j'arriva, chargée du peu de bois, je ferma les yeux, m'attendant à une lourde réprimande accompagnée de nombreuses corvées supplémentaires, et au lieu de ça, l'imposante maitresse lâcha simplement :
« — Mets ça dans la cuisine, Alizée, s'il te plait. »
Bouche bée devant l'indifférence de ma maitresse, j'obéis immédiatement et couru à la cuisine avant de rejoindre Sasha, ma sœur jumelle dans le salon.
« — Salut Sash !
— Oh salut Aly, je t'attendais... »
Puis elle se pencha vers mon oreille me dit à voix basse : « Pendant que t'étais dehors, des groufs ont amenés une fille, elle est... Étrange... »
Puis elle se releva et m'indiqua le fond de la salle d'un signe de tête.
Je me retourna et vis que tous les enfants présents dévisageaient une jeune fille aux cheveux noirs de jais, plongée dans un livre.
Quand elle leva la tête, tout le monde se retourna et continua à parler faisant mine de n'avoir rien vu.
Mon regard, quant-à-lui, resta scotché sur la fille.
Elle parcouru la salle des yeux jusqu'à qu'ils tombent sur moi.
Nos regards se croisèrent et je su à cet instant qu'elle était différente. Les autres la regardaient de travers non pas parce qu'elle avait une verrue sur le nez mais parce qu'elle n'était pas comme eux.
Dans ses yeux, un élan d'audace et d'irritation, brillait. Et dans l'espace d'une seconde, je cru voir un éclair de curiosité passer sur son visage avant qu'elle ne baisse la tête sur son livre.
Quand je me retourna, je vis ma sœur me dévisager.
« — Quoi ? Elle parait cool, tu ne veux pas qu'on aille faire connaissance avec elle ? »
Sans même attendre de réponse de sa part, je me leva et me dirigea vers l'inconnue, d'un pas beaucoup plus assuré qu'à l'intérieur.
Dès qu'elle me vit arriver, elle leva la tête de son livre, me lança un regard et dit sèchement :
« — Quoi ? »
J'ignora sa question et me lança dans un discours improvisé.
« — Salut ! Je te souhaite la bienvenue à la case ! Je m'appelle Alizée mais on m'appelle Aly, et toi c'est quoi ton nom ? »
Légèrement déboussolée que je lui adresse la parole aussi brusquement, elle répondit plus hésitante :
« — Euh, j'm'appelle Charlie... »
Je souris, comme pour lui montrer qu'elle pouvait avoir confiance en moi.
« — Waw j'adore ce prénom ! »
Puis, je m'assis en face d'elle avant de continuer : « Sinon, j'ai une question, pourquoi est-ce qu'on t'a amené ici que maintenant ? »
Je regretta immédiatement mes paroles en voyant son visage se durcir. J'essaya de me rattraper, en vain.
« — Enfin je... oublie ce que j'ai dit, désolé... »
Elle me fixa longuement, ses yeux plongés dans les miens, avant de répondre.
« — Nan t'inquiète, ce n'est pas grave. En fait, je n'ai pas connu mes parents, j'ai été adoptée par une famille... »
Elle ouvrit la bouche pour continuer mais la referma quelques secondes après comme si elle en avait trop dit.
Décidée à me rattraper, je repris plus doucement.
« — Tu veux que je te fasse visiter ?
— Hum, pourquoi pas... »
Je voyais qu'elle n'était pas très enthousiaste à l'idée mais je me leva quand même.
« — Alors, comme tu as surement pu le remarquer, là on est dans la salle commune, c'est-à-dire que tout le monde peut se réunir là quand il a fini ses responsabilités. Là-bas, dis-je en montrant le fond du couloir du doigt, c'est les chambres, à gauche les filles et à droite les garçons. »
Je pris la main de Charlie et l'emmena vers un autre couloir.
« — Là, c'est la cuisine, et là, dis-je en montrant une autre porte, c'est la salle de bain des filles puis ici, celle des garçons. Là, la salle de réception ou on mange, et au fond là-bas, la porte qui mène à l'écurie, mais elle est interdite d'accès car les chevaux ne sont pas très bien dressés alors ils sont un peu dangereux tu vois. »
Je finis mon explication, essoufflé et souriant à mon interlocutrice en tordant mes doigts, signe que j'étais stressé.
« — Hum, c'est cool...
— Oui, mais ici il y a aussi plein de règles comme le couvre-feu, les corvées, pour ça on a un tableau là-bas, et les règles de vie. Ah et aussi, il ne faut surtout pas essayer de s'échapper sinon Mme Rasscoff envoie les chiens nous poursuivre dans la montagne ! La dernière personne qui à essayer de s'enfuir c'était Emy, elle était très téméraire et n'aimait pas trop la façon dont Mme Rasscoff nous traitait alors elle est partie une nuit en laissant un message pas très gentil...
— Que lui est-il arrivé ? demanda la nouvelle arrivante avec une curiosité non dissimulée.
— Eh bien, des chasseurs ont retrouvé certains de ses membres... »
Contrairement aux autres personnes à qui j'ai dû raconter cette histoire, le visage de Charlie ne se teinta pas de dégoût mais de colère.
« — Et vous restez là, après ça ? s'exclama-t-elle énervée.
— Bah oui du coup... répondis-je timidement. »
Décidément, cette fille est un peu perchée, pensais-je dans mon for intérieur.
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ELLES | ᶰᵒᵘᵛᵉˡˡᵉ
Historia CortaElles étaient prisonnières. Elles n'avaient plus de moyens. Elles étaient dominées. Mais il n'a fallu que d'une rencontre. Que d'un regard. un regard sur ELLE. ELLE était la lumière. La lumière qui les a guidé. Guidé vers l'espoir. L'espoir d'un nou...