OFF [En cours d'écriture]

Chapitre 4 - Scarlet (Version 1)

     Le fauteuil de Lana se déplaçait plus vite qu'à son habitude, prenant une série de couloirs et d'escaliers faiblement éclairés, se frayant fluidement un chemin à travers les piles d'objets entassés et survolant ceux qui s'étalaient sur le sol. Scarlet, derrière elle, tâchait de ne pas se prendre les pieds dans le désordre si caractéristique des sous-sols de la grande maison. Peinant à suivre le rythme, elle se faisait peu à peu distancer par son amie. Elles passèrent devant la porte par laquelle l'assassine était entrée une heure auparavant et arrivèrent en vue d'un ascenseur en mauvais état. La jeune ingénieure s'y engouffra sans ralentir, et le battant coulissa pour se clore derrière elle. Cependant, avant que la cabine ne se ferme complètement, le pied de Scarlet s'interposa dans l'ouverture, suivi par son bras qui repoussa bruyamment la porte et la maintint ouverte. La jeune femme ouvrit la bouche, mais Lana la devança :

- Tu vas abîmer mon ascenseur, lâcha-t-elle d'une voix plate, cynique.

     Le visage déjà fermé de la criminelle se tordit d'une grimace et elle explosa.

- Un homme innocent va mourir et tout ce dont se préoccupe Mademoiselle Svetlana est le fonctionnement de son ascenseur ?! Tu te rends compte de ce que tu fais ?

     Elle avait la voix tremblante.

- Holà, du calme princesse ! railla l'autre. L'essence même de notre job est de tuer des gens, et quand une révolution est en jeu, on ne peut pas se permettre de se préoccuper de l'innocence des gens. Et à vrai dire, tu aurais dû le tuer quand tu l'as croisé, je ne me sentirai pas responsable de sa mort.

- Mais là c'est différent, Lana ! On ne parle pas d'un préfet ou d'un membre du Conseil municipal qui dirige la ville, on parle d'un pauvre agent d'entretien qui s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment !

     Lana laissa échapper une petite exclamation, puis rétorqua en posant ses mains sur les épaules de sa compagne :

- Scarlet. Quand bien même ce qu'il nous dit serait vrai, ce type travaille à la mairie. C'est le pire endroit de la ville, le nid de la corruption et des coups bas. Personne y ayant accès n'est innocent.

     Elle marqua une courte pause et reprit d'une voix mielleuse :

- Comment est-ce que tu crois qu'il s'est fait cette méchante brûlure ?

- ...

- L'innocence n'existe pas, souffla-t-elle. On a des alliés et des ennemis. C'est tout.

     L'ingénieure s'écarta et Scarlet laissa la porte se refermer. L'ascenseur monta et l'assassine se retrouva seule. Elle s'adossa contre le mur avant de s'écrouler et de plonger le visage dans ses mains. La moiteur de ses paumes contre son front était inconfortable, et sa gorge se noua. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux, mais savait qu'elles n'iraient pas plus loin. Elle devait encore tuer. La première fois, elle en avait été dévastée. La sensation d'avoir pris la vie d'un être vivant lui était insoutenable, et elle n'avait jamais dormi comme avant. La sensation s'était amenuisée avec le temps et l'expérience, et Scarlet partait en mission parfois plusieurs fois par semaine désormais. Cependant, elle n'avait jamais agi que dans le feu de l'action, surgissant à un moment calculé pour abattre une cible anonyme ; exécuter Saul de sang-froid serait bien plus éprouvant encore.

     La jeune femme fouilla dans sa veste et sortit un poignard de sa poche intérieure. Ses yeux fuirent la vue de l'arme et détaillèrent le couloir obscur. La maison de son amie, dans laquelle elles habitaient toutes les deux avec leur robot Edgar, était suffisamment propre et bien rangée dans les espaces de vie au rez-de-chaussée. En revanche, le sous-sol figurait de lieu de travail et d'innovations mécaniques et informatiques pour Lana, qui répandait ses outils et morceaux d'engins désassemblés jusque sur les murs, où des sacs remplis pendaient à des clous spartiates. Cette partie de l'habitation n'était accessible que par les égouts et l'ascenseur. Les premiers n'étant pas surveillés et le deuxième non déclaré, la ville n'était pas au courant de l'existence du repère de l'ingénieure, sans quoi elle aurait été arrêtée.