Chapitre 3 - Saul (Version 1)

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      L'ombre s'était arrêtée à quelques pas en face de Saul, menaçante. Seul le vide s'étendait au dos du jeune homme, et l'échelle qu'il avait empruntée pour escalader le bâtiment se trouvait du côté opposé de l'immeuble sur lequel il se tenait. Il ne disposait donc d'aucune échappatoire. Ses yeux détaillèrent par réflexe la silhouette qui lui barrait la route. Les vêtements noirs amples qui la recouvraient, allant des bottes souples aux gants fins, rendaient difficile l'identification de la personne qui se cachait en-dessous. Le seul détail notable résidait dans les cheveux bruns qui émergeaient de la capuche tels des mauvaises herbes entre les pavés. Sa posture tendue contrastait avec la décontraction feinte de Saul. Celui-ci, les bras ballants, réfléchissait à toute vitesse comment se sortir de la situation dangereuse dans laquelle il se trouvait. Au vu de la vitesse de son adversaire, ainsi que de ses propres capacités physiques, toute altercation ou tentative de fuite semblaient parfaitement illusoire. Les deux silhouettes se faisaient face tandis que l'agitation diminuait dans les rues. Le silence s'installa, s'allongea.

      Saul se décida à ouvrir la discussion, qui semblait s'annoncer son moyen de survie le plus prometteur.

- Vous courez incroyablement vite, je dois avouer que je suis très impressionné ! lança-t-il d'un air sincère.

     Son compliment sembla déstabiliser l'autre, qui parut hésiter.

- Pour être sur les toits à un moment pareil, j'imagine que vous n'êtes nul autre que l'assassin du préfet, non ? continua-t-il.

     Sans lui laisser le temps de répondre, il enchaîna sur un ton anodin :

- Auquel cas, ça semble logique que vous vouliez vous débarrasser de tout témoin. Ce qui explique par ailleurs votre présence en face de moi, mais à vrai dire je suis un simple agent d'entretien à la mairie, je ne risque pas de vous faire grand-chose. Et je n'ai rien à gagner à vous dénoncer.

     C'était un mensonge. La délation était chose commune au sein de Zadnitsa, mais était fortement encouragée dans la zone aristocratique. Donner quelques information sur un hors-la-loi recherché ne lui vaudrait sans doute pas une promotion, mais il se ferait bien voir du conseil de la ville, dont le père de Claire faisait partie. Le cœur battant la chamade, il faillit ajouter encore quelque chose, mais une voix féminine ne lui en laissa pas l'occasion :

- À la mairie ? Tu y as accès ?

     Le ton était piqué d'agressivité mêlée de curiosité, les syllabes crachées. Pris de cours, l'employé hésita. L'assassine manifestait visiblement de l'intérêt à l'idée d'entrer dans la mairie. Il devait en tirer avantage pour essayer de sauver sa peau, mais comment s'y prendre ? Devait-il lui servir de complice ? Ou bien simplement essayer de la convaincre de continuer son chemin ? Coupant court à son indécision, son opposante se jeta subitement sur lui et le prit par le col en portant une lame contre son cou.

- Tu as accès à la mairie ? répéta-t-elle d'une voix glaciale.

- Je... Oui, j'y entre tous les matins à huit heure... Je peux essayer de... De vous aider à vous y introduire, s'empressa-t-il de balbutier, zyeutant l'arme qui était appuyée contre sa gorge.

     La hors-la-loi le lâcha alors et s'écarta de quelques pas.

- Pourquoi est-ce que tu m'aiderais ?

     Saul se redressa et leva les yeux vers le visage qu'il devinait sous la capuche. Pourquoi pas ? s'interrogea-t-il malgré lui en guise de réponse. Après avoir repris son souffle, il écarta les bras, désignant leur environnement.

- Regarde autour de nous, grimaça-t-il, s'adaptant au tutoiement. Les gens ici vivent dans l'opulence la plus totale mais se plaignent quand la viande qu'ils dégustent au restaurant a un peu tiédi. À côté de ça, les habitants des districts se contentent de pilules nutritives insipides et désagréable à avaler. Le gouvernement fait tout pour toujours plus avantager les aristocrates, il leur fournit tout ce dont ils peuvent avoir besoin dans leur petite vie tranquille. Le maire est âgé de plusieurs centaines d'années grâce aux soins médicaux auxquels il est le seul à avoir accès ! Alors, vas-y, tue les préfets, renverse le gouvernement ! Je ne t'en empêcherai pas.

OFF [En cours d'écriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant