Chap. 3

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Plusieurs mois avaient passé, depuis le réveil de la créature. Ezarel et son peuple n'avait cessé de se rendre aux frontières des royaumes voisins, mais comme il l'avait craint, on ne lui accorda pas asile. Lorsqu'il avait envoyé les missives, il s'était déjà douté que l'on serait indifférent à leur sort. Mais maintenant que les rois et reines des autres pays avaient à leurs portes tous ces miséreux, il ne put que les trouver cruels d'ainsi les chasser.

Heureusement, parmi les paysans qu'il avait emmenés avec lui, beaucoup avaient des talents qui s'avérèrent très efficaces. Certains chassaient parfaitement, si bien que l'on pouvait s'offrir au moins un ragoût par jour. Certes, ce n'était pas ce qu'il y avait de plus gouleyant, mais l'essentiel après tout était que cela les maintienne en vie. D'autres furent assez doués pour prédire la météo, et l'on pouvait dresser le camp bien avant d'essuyer des averses cinglantes. C'était sans compter ceux qui soignaient, savaient coudre ou différencier les plantes comestibles des toxiques. Concrètement, le roi n'avait rien à blâmer chez ces bonnes gens. Il se demandait même comment on avait pu ignorer si longtemps le potentiel de chacun. La vie de nomade n'était pas de tout repos, mais avec de si bons alliés, elle n'était pas aussi terrible qu'elle aurait pu l'être.

D'autant qu'ils se rendaient parfois dans de petits villages dispersés dans leurs terres. Des lieux lointains, où vivaient quelques rares gens qui leur ouvraient volontiers la porte. On leur apprit que le roi Dolan avait été évincé, et personne n'en fut ému. On leur raconta aussi ce qu'il était advenu du reste d'Hodeval. Chaque fois, les réactions étaient partagées. Ezarel ne montrait jamais rien de ce qu'il pensait, mais il constatait silencieusement que la créature qui leur avait arraché leur foyer suscitait autant la peur que la fascination chez ses sujets. Oh bien entendu, ils étaient loin de l'admirer et de la vénérer. Néanmoins, son allure si incroyable, presque divine, ne pouvait laisser personne indifférent.

Plusieurs fois, le jeune roi avait hésité à faire demi-tour. A se rendre dans son domaine désormais détruit, calciné, mais il s'y était résigné à chaque fois. Le monstre de la montagne les laisserait-il revenir ? Il supposa que non. Toujours était-il que depuis ce jour fatidique, il semblait s'en être retourné dans son cratère pour ne plus le quitter.

Une attitude qu'il trouva particulièrement singulière, d'autant plus avec les échos qu'il avait perçus au fil de ses pérégrinations. Il avait appris aux frontières que Hodeval n'avait pas été la seule victime de pareille attaque. Partout sur le continent, des créatures semblables s'étaient éveillées, mais elles avaient des différences notables cependant.

Ainsi, il sut que le royaume d'Enkarmath, qui longeait le versant ouest du Mont Salfyr, n'avait pas survécu à l'assaut d'une bête qui crachait un liquide capable de dissoudre tout ce qu'il touchait. Tout au sud, à proximité de la Chaîne d'Oscuria, une autre était capable de faire jaillir du sol des lames d'oscurite – un métal noir parsemé de reflets bleutés – si transperçantes qu'elles avaient complètement déformé le paysage ; les villages qui avaient été pris dans la roche reluisante ne ressemblaient plus qu'à des forteresses de stalactites minérales. Enfin, partout où l'on contait de tels récits, on utilisait pour désigner ces porteurs de mort l'appellation « Dieu-Dragon ».

Mais pourquoi de tels monstres, capables de prouesses si effrayantes, se contentaient-ils de saccager les villages alentours pour ensuite s'en retourner dans leur nid ?

Plus que de ces attaques terrifiantes, on parlait avant toutes choses de celles et ceux qui semblaient tous désignés pour en être responsables. Si de telles créatures avaient vécu sous les différents reliefs du monde, on aurait été au courant de leur existence bien plus tôt. Il était donc évident de supposer que la disparition des vespina et des valtiri, presque deux ans plus tôt, avait un lien sordide avec cette histoire.

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