Chapitre 18

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L'alerte fut vite donnée quand le garde attitré pour la protection de Lyla ne la vit pas revenir. Les appartements d'Anne Michèle furent inspectés mais la reine de La Bravis et Lyla étaient introuvables. Le château fut fouillé de fond en combles, en vain. Paul Rembart fut interrogé et cette fois, sans ménagement. Son alibi tenait la route : il jouait au bridge avec d'autres invités.

Auguste retourna voir les prisonniers et changea de question. Il n'était plus question de nommer leur commanditaire ou leur chef, mais de leur indiquer leur repère. L'interrogatoire fut long et éprouvant pour les brigands mais l'un d'eux céda enfin. Auguste avait enfin le nom d'un village, Camin. Le repère s'y trouvait, entre la forêt et l'entrée de ce village.

Sans attendre, il prit la route avec son fils, William, Bertran et plusieurs chevaliers.

Kara les regarda partir, la boule au ventre. Elle avait tenté à plusieurs reprises de parler à William du code Jules mais ce dernier ne l'écoutait pas. Or, si Kara savait bien une chose, c'est que Lyla ferait tout ce qui est en son pouvoir pour appliquer le fameux code. Si William ne l'avait pas écouté, il n'écouterait pas Bertran qui les accompagnait. Elle devait agir et il lui fallait une complice car William, avant de partir, avait donné des consignes strictes : elle et Anne Michèle étaient interdites de sortir du château.

Elle retrouva donc sa belle mère.

— Comment vous sentez-vous ma fille ? Ne vous inquiétez pas, je suis sûre qu'ils vont les ramener saines et sauves.

— En fait, je vais plutôt bien. Si je suis venue vous voir, c'est pour vous demander de l'aide.

— Dites moi Kara, je vais voir ce que je peux faire.

— Il me faudrait un étalon et des vêtements masculins.

Devant l'air affolé de sa belle mère, Kara se justifia.

— Je pense savoir où se trouve Lyla et Valéria.

— Mais c'est formidable ! William doit être parti les chercher alors.

— Non, la coupa Kara. Il n'en sait rien, j'ai pourtant essayé de lui en parler mais même s'il m'avait écouté, il ne m'aurait pas cru. Je ne risque rien. J'ai rédigé une lettre à William. Je vous demanderai juste de la donner à un chevalier qui devra la remettre à William après l'avoir rejoint à Camin. Dans cette lettre, j'explique tout et William pourra venir me chercher. Anne Michèle, je vous en prie, faites moi confiance.

— Je ne comprends pas Kara mais je veux vous faire confiance.

Une heure plus tard, Kara s'éloigna du château. Vêtue d'une tenue masculine, elle enleva son chapeau et libéra la grosse natte qui retomba le long de son dos. Deux sacoches étaient accrochées de part et d'autres de la selle. La première et la plus petite, contenait des provisions alimentaires et une gourde d'eau. La seconde, poche, plus grosse, soutenait son carquois et ses flèches ainsi que son arc droit, bien calé. Elle portait en bandoulière, sur son dos, le baudrier de Lyla transportant son épée.

Pas besoin de rejoindre Camin qui n'était pas si loin de Gielmic. Elle chercha l'endroit le plus haut et accessible. Un seul attira son attention : deux collines dont l'une s'élevait plus que l'autre. Elle mit au galop l'étalon et pria pour avoir pris la bonne direction.

Le soleil commençait à réchauffer cette matinée où le ciel bleu était digne d'une journée de printemps. Après avoir galopé depuis deux heures, Kara s'engagea dans le sentier montant. Elle arriva enfin dans un vallon situé entre deux collines. Des moutons se nourrissaient d'herbes, la tonte de leur lainage semblait avoir commencé. Kara chercha une cabane espérant y trouver Lyla et Valéria et la vit enfin. Le cœur battant, elle s'y approcha et, la main sur la poignée, pria pour ne pas s'être trompée. Non seulement, elle s'inquiétait du sort de son amie et de Valéria mais elle redoutait aussi la colère de son mari quand il la sermonnera de son départ précipité et solitaire. William était un homme de pouvoir, tenant à être entendu et respecté par tous y compris par sa femme. Elle ouvrit la porte et trouva la pièce vide. Deux grosses cuves contenaient les laines tondues.

— Lyla, Valéria ? C'est moi, Kara...

Kara souffla de soulagement en voyant les deux femmes sortirent de leurs cachettes, derrière les cuves. Lyla se précipita vers son amie et l'enlaça.

— Tu es venue...tu es toute seule ?

— Oui pour l'instant. Un chevalier a du remettre ma lettre à William lui expliquant le plan, ils ne devraient plus tarder et comme Bertran est avec eux, il devrait les aider à trouver ce lieu.

Kara partit chercher le sac de provisions et l'eau et le tendit aux deux femmes qui paraissaient affamées suite à leur longue marche.

— Que s'est-il passé, qui vous a enlevé ? Rembart avait un bon alibi.

— C'est Rembart, répondit Lyla.

— Erika, précisa Valéria. Mais son frère en est le complice. Tout est de ma faute, si je n'étais pas aussi naïve, tout ceci ne serait pas arrivé.

Valéria ne pouvait pas s'empêcher de culpabiliser. Par sa faute, son fils, l'héritier du trône, avait failli prendre pour épouse une dangereuse folle capricieuse et égoïste. Par sa faute, la femme qu'il aimait courait un danger et cette même femme avait fait preuve de courage. Elle s'était démenée pour retrouver leur liberté. Leur fuite avait été vite repérée et la première chose que fit les brigands fut de fouiller le village de Camin. Elles en avaient alors profité pour accélérer la cadence. Sur le moment, Valéria n'avait pas compris le plan de Lyla malgré son explication mais elle lui faisait confiance. Quand elle vit Kara, elle resta sans voix devant ce plan ingénieux. Elles avaient beaucoup marché avant d'arriver dans cette cabane. La fatigue, la faim et la soif les poussaient à s'arrêter mais Lyla insistait, la poussait jusqu'à ses limites. « On y est presque », ne cessait t-elle de lui répéter.

Valéria était épuisée quand elles montèrent le sentier. Lyla lui avait alors pris la main et l'avait aidé à finir le parcours. La fraîcheur de l'air signalait la fin de journée. Arrivées à la cabane, elles s'écroulèrent par terre, savourant ce repos bien mérité.

— Vous savez Lyla, je suis heureuse que ce soit vous qui ayez conquis le cœur de Saul. Vous êtes une belle personne. Je comprends pourquoi il est si vite tombé amoureux de vous.

Ces confidences touchèrent la jeune femme. Valéria semblait d'humeur à parler. Elle lui narra ses souvenirs de sa mère, Isabella.

Les moutons se mirent à bêler, quelqu'un approchait. Les deux femmes se cachèrent derrière les cuves, priant que ce ne soient pas les brigands.

***

Quand elles finirent leurs collations, les trois femmes prirent l'air.

— Ils ne devraient plus tarder enfin, en espérant que le chevalier ait bien remis la lettre à William et que Bertran ait pu s'exprimer, s'inquiéta Kara.

Une escorte s'approcha vers eux, prenant le sentier du vallon.

— Les voilà enfin...

Mais Kara déchanta vite en ne reconnaissant pas l'escorte de Forgil.

— Ils m'ont plus l'air d'être des brigands, constata Lyla. Je crois qu'ils nous ont retrouvé.

— Ok...Lyla, j'ai pris ton épée et mon arc. A nous deux, on pourrait y arriver. Et comme ça, on pourra leur voler un ou deux cheval pour retourner au château.

Lyla sortit son épée de son baudrier tandis que Kara s'équipa de son arme favorite. Valéria, elle, tremblait de peur.

Elles se positionnèrent sur un gros rocher, surplombant le paysage, et les regardaient s'avancer droit dans leur direction. Les visages se dévoilaient peu à peu, ne laissant plus aucun doute sur leur identité. Ils étaient bels et bien les brigands payés par Erika.

— Valéria, restez près de Kara. Je m'avance.

Kara se tint prête. Elle attrapa son arc et commença à viser les cavaliers qui s'écroulèrent un par un. Le groupe se divisa en deux, un qui continuait d'avancer vers Kara et l'autre vers Lyla.

Valéria ne comprenait pas ce qui se passait devant ces yeux. Comment deux belles jeunes femmes, si gracieuses et bien éduquées, arrivaient à manipuler avec tant d'aisance ces armes ?

Saga la Nabriguie. La sincérité d'un vœu.Where stories live. Discover now