Le manoir de Grim

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Après une après-midi de chevauchée dans les landes Écossaise, sous unsoleil de plomb, j'arrive à la lisière du bois de Grim. Je me rends au manoir defeu mon père, le Baron de Grim, mort il y à de cela quelques années. Le seulhéritier directe, je me vois offert son manoir et ses terres. Je pénètre doncdans la forêt. Le manoir se situe au beau milieu de celles-ci, perdu dans lespins. L'obscurité me surprend, le bois épars ne laisse filtrer que quelquesprécieux rayons de soleil. Mes yeux s'acclimatent peu à peu à la pénombreambiante. Ce bois, bien que somptueux, m'a depuis tout petit, inspiré peurs etcraintes.Me voici devant la bâtisse. Je suis choqué de son état : quand je l'aiquitté il y a quelques années, la demeure était entretenue, les haies étaienttaillées au millimètre près, le manoir grouillait de vie. Aujourd'hui, ce n'est plusqu'un tas de pierre et de bois vieillissant, le lierre et autres plantes prennentpossession des lieux. Voici l'œuvre du temps sur les bâtisses d'autrefois. Lessquelettes d'arbres, tendent leurs bras meurtris vers le ciel comme pour unedernière prière. La pénombre rend chaque ombre suspecte, chaque statuesemble se mouvoir dans ce silence de plomb, l'atmosphère est oppressante. Jemène mon cheval aux écuries. Bizarrement, j'hésite sur le seuil de la demeure,puis, j'entre doucement. Je me dirige vers le bureau. Je cherche les papiers dela maison. Connaissant mon père, ils doivent être dans un tiroir, bien rangés.J'ouvre donc un à un les tiroirs du secrétaire, je trouve vite ce pour quoi je suisvenu. Un frisson parcourt ma peau... le froid sûrement. Plus tard, je m'apprêteà lire les documents devant un bon feu, j'ai mangé il y a quelques heures. Jefume ma pipe en lisant avec attention l'acte de propriété de la maison et letestament de mon père. C'est écrit noir sur blanc : « Moi, baron de Grim, lèguemes terres ainsi que ma demeure à mon fils, John Grim. Qu'il en disposecomme bon lui semble. » Il doit être minuit, alors que je suis tout à mespapiers, j'entends une porte claquer. Je me dirige donc vers l'aile Ouest de lademeure, d'où le bruit est venu. Je suis armé d'une lampe à gaz et dutisonnier. La porte du petit salon est ouverte, je prends quelques secondes aremarquer les trois grandes et larges entailles qui, n'étaient pas sur la porte ily a quelques heures. Les meubles sont sans dessus-dessous, les rideauxarrachées. Je suis, pendant un bref instant, figé par la stupeur. Soudain,comme par magie, mes jambes se mettent à bouger toutes seules, ellesm'éloignent du salon, une angoisse viscérale me broie les tripes. Jem'engouffre dans le grand salon et, barricade la porte avec un guéridon. Mesjambes flagellent, puis me lâchent, je tombe lourdement sur le canapé. Qu'estce qui se passe ici ? Que s'est-il passé ? Qui a fait ça ? Un loup ? Un ours ?Quelqu'un doit me jouer un tour, voilà tout. Oui, c'est cela, c'est une farce. Jem'endors, bercé par mes incertitudes, le sommeil, fourbe, m'a guetté pendantdes heures, pour finir par m'envahir, m'empêchant de réfléchir.Le soleil est haut dans le ciel quand ma conscience me ramène à moi.Après avoir déjeuné, je prends mon courage à deux mains, et pars vérifier quemon vandale n'est pas récidivé. Ce vaux-rien n'a pas fait d'autres dégâts. Jepars me promener dans la forêt pour me ressourcer, me calmer. Je m'allongeet me demande comment je pourrais coincer ce malfrat. Tout à coup un bruitde chaîne résonne dans la forêt, suivi d'un bruit de course dans les fougères.Mon sang se fige, mes yeux se dilatent, ma peau pâlit. Mon premier réflexe estde fuir puis, poussé par une sorte de curiosité morbide, je me dirige vers lesmurs d'enceinte d'où le bruit été venu. Le spectacle me laisse sans voix,devant moi gisent les vestiges d'une chaîne brisée. Elle est brisée à l'extrémité,comme si on l'eût tiré jusqu'à ce qu'elle lâche. La chose qui l'a brisé, s'estenfuit dans le bois, en direction de la maison. Sur le chemin du retour, unsentiment de détresse me hante. Je scrute les pins, en quête du chemin deretour. Soudain une sueur froide me saisit, un sentiment d'épouvantel'accompagne. Un martèlement semblable à des bruits de pas de plus en plusaudible me suit. Je n'ose pas me retourner. J'accélère légèrement, la choseaussi. Je vais de plus en plus vite et, je finis par courir, la chose me poursuit, jeserre à droite, me préparant à me retrouver dans la clairière où se trouve lemanoir. Soudain le bruit s'évanouit. Osant enfin me retourner, je ne vois queles pins et les herbes, aucune trace de cette chose. Un sentiment de lourdeurm'envahit, je me laisse tomber dans l'herbe, frissonnant. Que se passe-t-ilici ? La chose qui a brisé sa chaîne serait-elle... Non ! Préférant ne pasrépondre à cette question, je me dirige vers le manoir. J'ouvre la porte avecentrain, ce bruit sonne comme un explosion dans la maison silencieuse,lugubre. En entrant dans la bibliothèque, la peur m'envahit. C'est revenue, lachose est revenue. La bibliothèque ne ressemble plus à rien. Des livresjonchent le sol, les meubles sont renversés. Quelque chose de rouge attiremon attention sur un mur, une envie de fuir cet endroit maudit m'envahit. Surle mur, est écrit en toutes lettres : « KEEP OUT ». Le message est clair, je sorsde la pièce, ferme la porte et, retourne dans le grand salon. Je pars. Non, passans les papiers, je partirais demain et je vendrais cette maison de malheur. Enrentrant dans le salon, je m'élance vers le téléphone, j'appelle le gardeforestier, pour lui demander de surveiller la maison en mon absence. L'hommeme demande pourquoi et je lui propose de venir pour qu'il me dise ce qu'il enpense. J'attends, je suis assis, je serre le bord du canapé au point que mesjointures pâlissent. Quand on toque à la porte, mes genoux tressaillent. Jesaute du canapé et ouvre la porte avec violence. Le garde forestier me regardeavec un air ahurie, je ne dois pas être beau à voir. Je remarque l'état de mesvêtements et m'en excuse. Je le mène dans la bibliothèque. Je le laisse entreret attends son jugement. Il ressort au bout de quelques minutes et me dit :« Iln'y a rien ici. Que veux-tu me montrer ? ». Mes yeux sortent de leurs orbites,je m'engouffre dans la pièce avec fureur. La surprise est telle que j'en tombe, ila raison : il n'y a rien, tout est en ordre. Je me relève et cours, l'homme surmes talons.Le petit salon est éclairé d'une douce lumière, les meubles sont àleurs places. Même les entailles ont disparu. Je tourne la tête vers la fenêtrepour exprimer mon effroi, ma frustration dans un râle inhumain. Je me jettesur l'homme en lui hurlant qu'il y a quelque chose dans le bois, quelque chosequi m'a suivi. L'homme m'enferme dans sa voiture. En sortant de la forêt, jevois une forme bestiale qui m'observe dans le bois, ses dents blanchesreflètent un sourire carnassier. Je hurle, je hurle à m'en décoller les poumons.Je suis fou, voilà ce que m'a hurlé l'homme en se défendant contre masubite démence. Depuis, on m'a placé dans un hôpital psychiatrique, onm'assomme de médicaments en me rabâchant sans cesse que je suis fou.Voilà ce que je suis : un fou

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