C'est la lumière vive du soleil et le froid glacial qui me tirèrent de mon sommeil profond et réparateur. Les rayons reflétaient sur la neige blanche, brulant mes yeux endormis. Ma gorge me faisait souffrir, le chauffage avait, sans doute, cessé de fonctionner quelques heures auparavant. Mes dents claquaient de manière incontrôlable tandis que je tentais, du mieux que je pouvais, de faire monter la température de mon corps. Je ne pensais qu'au gel et à la lumière éblouissante, oubliant presque où je me trouvais. Mais le cri d'un corbeau éveillait déjà mon esprit, Raincliff, les fantômes, l'homme masqué, tout me revenait. J'étais, alors, sous l'emprise du doute. Je pourrais aisément partir dès maintenant et, après 3 jours de route, je serai chez moi. Mais les étudiants resteront disparus, mes questions sur les Brown irrésolues. Même si la ville entière me criait de partir, je mourrai de culpabilité si je quittai ces lieux les mains vides et l'esprit encore plus en questionnement qu'auparavant. Mais j'étais démunie, ma motivation avait déjà fuis. Je ne savais que faire, je ne savais où chercher. Je pourrai retourner au manoir des Brown, mais qui pouvait m'assurer que l'homme froid de la veille ne m'y attendait pas ? Le premier dialogue entre nous avait piteusement échoué, pourtant mon instinct me poussait à croire qu'il était bon de réessayer. De plus, sa voix me semblait maintenant familière. Trop familière. Mais l'inconnu ne pouvait être Mortimer, c'était impossible. Sa réaction aurait été différente, enfin, je crois.
C'est avec un léger contre-coeur que je quittais ma voiture. Le vent froid vint ébouriffer mes cheveux et m'arrachait un long frisson dans tout le corps. Mes chaussures s'enfonçaient dans la neige épaisse tandis que je formulais, avec quelques difficultés, le programme de ma journée. Je comptais me diriger, tout d'abord, dans la tour de guet. C'était le point de rassemblement des Brown quand nous étions jeunes. Puis, je visiterai la vieille chapelle et, enfin, je finirai par passer par la prison de Raincliff. Tous ces lieux me ramenaient aux Brown, et je ne savais si c'était de mon fait ou, au contraire, si cela était purement involontaire. La famille possédait presque toute la ville à époque, chaque petit recoin pouvait nous ramener aux Brown. C'est la prison qui me serrait le plus le coeur dans ce programme. Cet endroit était source de traumatismes enfouis depuis 13 longues années. Le feu, les hurlement, le sang. Sans que je m'en aperçoive, mes yeux s'étaient remplis de larmes et le froid n'était plus la principale cause de mes tremblement. Non. Il ne fallait pas que je laisse mes vieux démons me posséder à nouveau. Il ne fallait pas que je m'affaiblisse. J'avais la vie des étudiants sur les épaules, en supposant qu'ils étaient encore vivants. En vie ou pas, je devais les retrouver. Je voulais les sauver, ou, au moins, apporter leurs corps à leurs familles. Je devais le faire, cette fois, je ne comptais pas abandonner des innocents en danger.
Avec un élan soudain de motivation, je m'élançais déjà entre ces rues lugubres en direction de la tour de guet. Les anciennes larmes gelaient sur mes joues, recouvrant ma peau d'un léger givre. Mon souffle formait une large fumée, masquant presque ma vue tandis que je valsais entre les immeubles aux pierres fissurées. Bientôt, je me retrouvais devant le grand portail signant la propriété des Brown. Ma destination finale était alors très proche. L'allée de pins s'étendait devant mes yeux, je savais qu'il me fallait tourner à droite pour atteindre la tour de guet. Quelques mètres plus loin, je voyais déjà s'étendre l'immense créature de métal qui avait bercé tant d'aventures quand j'étais encore enfant. Mes doigts froids tirèrent doucement la porte de ferraille qui hurla avec force dans le silence pesant qui m'entourait. Le grincement me paraissait si long qu'il provoqua un frisson dans mon échine. Devant moi se présentait alors le vieil ascenseur à l'allure beaucoup moins rassurante qu'autrefois, je ne savais pas vraiment si il fallait lui faire confiance. Le vent murmurait entre les ouvertures du bâtiment, donnant un aspect sinistre à cet endroit froid et abandonné. Masquant mon nez dans un foulard, je m'élançais sans confiance dans la bouche béante de l'ascenseur. Il ne restait que deux boutons, heureusement utiles pour moi. Enfonçant mon doigt dans celui promettant le dernier étage, je priais déjà pour que le câble de l'ascenseur ne cède pas. Les entrailles de la machine grondèrent tandis que la cage se soulevait pour m'emmener tout en haut de la tour. Un soupir de soulagement m'échappait tandis que les portes s'ouvraient pour laisser place à une pièce en désordre et encore plus ventilée qu'au rez-de-chaussée. Le foulard devenu obsolète grâce au vent, je libérais mon visage et pris une longue bouffée d'air frais. Mes yeux scrutaient la salle si familière mais si différente. La chaleur et les rires s'étaient enfuis, eux aussi, 13 ans auparavant. Mais un détail m'interpelait, des roses noires partout. Je remerciais le vent bruyant et fort qui empêchait alors le poison de stagner dans l'air. On aurait dit que quelqu'un cherchait à cultiver cette plante encore aujourd'hui et ici même. Il était, certes, trop tôt pour se fondre en hypothèses mais, une petite voix me murmurait que ces roses avaient, peut être, un rapport avec les étudiants disparus.
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Raincliff
Mystery / ThrillerRues froides, abandonnées. La neige termine son voyage depuis les cieux sur les dalles gelées de l'allée. La ville, privée d'âmes, possède l'odeur de la peur, du désespoir. Quelconque voyageur changerait de chemin face à ces façades obscures et ce s...