Évangéline20 ans plus tard, Paris 13ème
Une brise rafraîchissante caresse mon visage. Des rires résonnent, des voix familières s'additionnent, des silhouettes floues me font signe au loin. Je me sens bien et me perds dans ce champ d'herbes folles. Devant moi, une infinité bleu vert ondoie sous le vent, un paysage vertigineux de montagnes et de plaines.
La liberté. L'amour. La sécurité.
Et j'avance...
Heureuse, sereine, souriante, savourant chaque relief du sol moelleux sous mes pieds, inspirant l'odeur enivrante des pins mêlée à celle plus timide des fleurs sauvages. Plus loin, j'entends le ressac de vagues contre les falaises, le souffle de l'océan. Le soleil réchauffe ma peau, attise mon bonheur, fait naître de délicats frissons en mon ventre.
Et j'avance...
Une mélodie s'élève. J'en reconnais chaque note, chaque nuance, chaque trémolo. Semblable à une comptine, elle m'enveloppe, remplace peu à peu le chant du vent. Les rires s'évaporent, je m'y accroche tout autant qu'aux arômes de cette nature rassurante.
Et j'avance...
Le soleil m'abandonne à son tour. Je ne distingue plus les voix apaisantes, même les bourrasques se font plus menaçantes alors que les nuages s'invitent dans le ciel terni. Mes longs cheveux s'affolent, s'agitent, s'emmêlent, mon cœur s'emballe. Et la peur s'immisce, insidieuse et pourtant si attendue. Ma liberté devient chaînes, mon paradis, un enfer. Mes yeux se relèvent sur la fureur céleste à présent aussi sombre que la nuit. L'orage gronde, la tempête menace.Mais la comptine poursuit son éloge, imperturbable.
Sinistre.
Et j'avance... toujours, plus vite, plus loin...
Mes pas tranquilles accélèrent dans cette étendue désormais inhospitalière. Une silhouette apparaît pour mieux disparaître, toutefois, elle n'a plus rien de rassurant. Plus rien de familier. La brume s'installe, me noie dans ses bras impitoyables.
Et je cours...
Des iris d'or me poursuivent, semblables à ceux d'un rapace. Immenses, immuables, sublimes, mais dangereux. C'est le monstre.
Lui.
Devant moi, un miroir, et je réalise que je ne suis encore qu'une enfant.
Je m'arrête, le cœur affolé, puis tends ma main vers la surface lisse. Un froid mordant me parcourt alors que je m'enfonce dans cette substance molle, que mes doigts se nouent à ceux de mon reflet.
C'est insensé, mais étrangement familier.
Apaisant.
Soudain, mon double saisit mon poignet puis me tire au travers du miroir. Effrayée, je me blottis tout contre elle, emportée dans un tourbillon d'obscurité. La mélodie nous accompagne, les iris dorés s'éloignent, mais se tiennent toujours tapis dans l'ombre. J'étouffe dans l'étreinte de mon reflet tandis que nous chutons dans un gouffre sans fond, flottant dans une infinité sinistre. La peur me dévore à présent et quand enfin je retrouve la terre ferme, le paysage n'est plus que désolation.
Stérile.
Sordide.
Mon double s'écarte d'un pas et je découvre alors que son visage se désagrège en une poussière à l'odeur de soufre. Cette vision d'horreur m'arrache des geignements de terreur, j'essaye de reculer, mais comme aimantée, je ne réussis pas à bouger.
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Dis Pater
RomanceToi. Moi. Nous, à jamais noyés dans l'obscurité... Elle est mon obsession, mon interdit, une chimère perdue dans une société fade, gangrenée. Depuis son plus jeune âge, elle m'appartient, corps, cœur et âme, mais elle ne le sait pas encore. Dans un...