Les (folles) Histoires de Mina

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Les (folles) histoires de Mina

Après un dernier baiser, un dernier câlin et un dernier adieu, Mathilde quitta la chambre de sa petite fille. Haute comme trois pommes et affreusement têtue, l'enfant avait tenté - en vain - de la convaincre de rester avec elle, juste une minute de plus. Sous son regard humide, sa mère avait failli céder, mais elle était finalement parvenue à s'extirper tant bien que mal des petits bras potelés de Mina.

Une fois la porte fermée et la lumière éteinte, la petite blondinette oublia bien vite ses caprices et glissa sa petite tête sous les couvertures. Les minutes passèrent, le cœur battant Mina écouta avec attention le bruit des pas de sa maman s'éloigner. Juste au cas où celle-ci déciderait de faire demi-tour. Elle ne se sentit pleinement rassurée que lorsqu'elle entendit la porte de la cuisine se refermer.

Aussitôt, Mina souleva la couverture et la rabattit sur son ventre avec un sourire peint de la joie de ceux qui ne veulent pas respecter les règles placées par leurs parents, une joie mêlée de la peur des ombres qui s'agitaient dans sa chambre qui lui fit échapper un gloussement d'excitation.

L'enfant se releva en position assise. Elle balaya la pièce du regard avec un sourire espiègle. Voilà longtemps qu'elle n'aimait plus faire la sieste, qu'elle ne parvenait plus à s'endormir lorsque l'heure de celle-ci venait. Elle avait huit ans maintenant ! Elle savait lire, écrire, compter jusqu'à cent, faire ses lacets, et devenait ainsi aussi talentueuse et intelligente que le héros de son dessin animé préféré : Franklin.

Sa vue accablée par l'obscurité, l'obligation de n'émettre aucun bruit ou alors sa mère saurait qu'elle ne dormait pas et l'impossibilité de ne serait-ce que lire provoquait désormais dans son charmant esprit, un grand remue-ménage. Voilà pourquoi elle n'arrivait plus à dormir, les histoires de ses héros préférés, allant de Franklin à Harry Potter jusqu'aux frasques du Club des Cinq. Elle les revoyait, les retournait, les mélangeait et puis finalement une histoire se formait, puis une autre et encore une autre. Elle peignait ses histoires sur les murs sombres de sa chambre, donnant de la couleur à la pièce alors même qu'elle était plongée dans le noir.

Cependant, ce jour-là, elle ne peignit pas. Elle avait une autre idée en tête. Elle l'avait imaginé ce matin, alors même qu'elle jouait à se déguiser avec sa maman. Mina portait ses talons alors que sa mère revêtait un chapeau de sorcière, elle se rêvait en princesse et voyait sa maman en grande reine.

L'enfant se glissa précautionneusement hors de son lit, ne quittant pas des yeux le rayon de soleil qui filtrait dans les rainures des volets de bois. Elle veilla à n'émettre aucun bruit en ouvrant la grande malle à jouets posée près de la porte et y emprunta toutes les peluches que ses petits bras pouvaient tenir. Elle les jeta sur son lit, revint vers la malle, en reprit et ceci jusqu'à ce que la malle soit totalement dépourvue de la moindre peluche.

Durant l'opération, elle ne détourna quasiment jamais son regard de ce pauvre morceau de lumière. Le noir lui faisait peur et la seule certitude que le jour demeurait encore au-dehors lui donnait l'espoir que les monstres fait d'ombre et de chaire putréfiée ne viendraient pas la déranger. C'était l'envers du décor, si elle peignait des histoires colorées sur ses murs, c'était pour ne plus imaginer ce qui pouvait bien se cacher dans l'obscurité. Un affreux zombie se délitant sur le parquet ? Ou alors une immense araignée couvrant tout le plafond, prête à tomber sur elle ? L'imagination était le seul remède à ses peurs.

De retour dans son lit, elle rabattit la couverture sur ses jambes - c'était plus rassurant - et disposa ses peluches face à elle.

« C'est drôle, murmura-t-elle amusée, dans le noir, on ne voit que les ombres des doudous, pas les couleurs ni les détails. »

Les (folles) Histoires De Mina [Nouvelle]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant