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   J'avais une grande difficulté à comprendre le monde dans lequel on m'avait envoyé. Ces humains, ces attitudes et ces personnalités.
   En faire le tri était un obstacle.
Mon père avait été un homme hautain. L'homme typique s'imposant comme un défendeur des valeurs traditionnelles. L'homme sexiste. L'homme maladroit, ne connaissant point les sentiments. L'homme froid travaillant sans se plaindre tout en ayant cet horrible égocentrisme.

   La honte me traversait à chaque fois que je me rappelais qu'il était mon père, que son sang coulait dans mes veines, que son ADN persistait et était imprimé dans chacune de mes cellules.
   J'ignore comment il n'est pas devenu fou.

   Je le suis devenu pourtant.
   Au fil du temps, j'avais cédé face à la difficulté de ce chemin intellectuel que la vie nous poussait à suivre. Seuls ceux qui possédaient le désir du discernement et de la sagesse finissaient brisés. L'agonie était plus fatale lorsqu'on ouvrait les yeux. Personne ne semblait être miséricordieux. La gentillesse se faisait compter et on la donnait sous conditions. Chaque action était apparentée à une signification péjorative, à la méchanceté. Nous avons laissé le mal rentrer jusque dans les racines elles-mêmes de l'humanité et pourtant, on pouvait encore nous voir crier et se plaindre comme des bêtes à chaque crime, à chaque problème.

   Le nihilisme récupérait ceux ayant subis une brisure. Il leur donnait la voie de la vérité, mais surtout la voie de l'acceptation, de l'indifférence. Plusieurs m'avaient qualifié de lâche, mais la couardise n'a jamais été une aptitude qui m'a bien dérangée.

   J'avais commencé à me demander si Jisoo n'était pas une nihiliste elle aussi. Les suicidaires étaient pour la plupart des nihilistes qui ne le savaient pas eux-mêmes.

   Je dis cela, parce que je l'ai suivie aujourd'hui. Chacun de ses mouvements, jusqu'au plus typique, avait été retranscrits par moi, sur une feuille.
Rien ne m'en avait dit plus sur sa condition, sur une maladie mentale spécifique dont elle souffrait, sur ses problèmes.
   C'était bien ça ma contrariété. Elle ne semblait souffrir d'absolument rien. Elle était aussi souriante qu'une jeune enfant, aussi heureuse que quelqu'un nouvellement en amour. Elle faisait tourner la tête des gens lorsqu'elle marchait. Elle souriait. Les travailleurs retournant chez eux fixaient son sourire discret alors qu'elle marchait entre eux. Elle détenait un secret qu'elle cachait. Mais qu'était le secret d'une telle rédemption? Pourrais-je faire comme elle? Pourrais-je sortir de ce cycle de vie ennuyant et meurtrier afin de revêtir un sourire aussi innocent? Innocent? Me faisais-je tromper par elle? berner comme une merde?

Elle avait l'air tout simplement radieuse.
Il me vint donc à l'idée d'espionner sa vie, de découvrir son nom, sa famille, de quoi était constitué son vécu. Mais mes règles m'arrêtaient.
Je n'avais pas le droit de procéder à une investigation.
D'habitude, je le faisais, à l'insu de mon client, car j'avais toujours un but ultérieur par rapport à ce dernier, un but qu'il ignorait, qu'il redoutait aveuglément, mais le cas de Jisoo était spécial. Il ne nécessitait aucune méfiance de ma part.

Mais à chaque fois qu'elle souriait, je pouvais sentir mes sourcils se froncer instinctivement. J'adoptais un certain système de défense et une attitude de circonspection en sa présence. Elle ne m'inspirait aucune confiance, une réponse qui variait étrangement. Je recevais d'étranges bouffées de joie quand j'étais avec elle, de la même façon que je me dégoûtais rapidement de sa personne. Un sentiment injustifié, mais que je savais provenant de mon cerveau. Mon subconscient me disait quelque chose. Il essayait de me réveiller. Il réfutait cette proie inoffensive, réfutait son incapacité à me heurter. J'irais jusqu'à dire que mon cerveau me criait de ne pas la croire, de la détester, de la voir comme une ennemie. J'ignorais pourquoi.

𝐋𝐄 𝐒𝐏𝐀𝐃𝐀𝐒𝐒𝐈𝐍 | 𝘬.𝘵𝘩Où les histoires vivent. Découvrez maintenant