When the children laughed
I was always afraid
Of the smile of the clown
So I close my eyes
Till I can't see the light
And I hide from the sound.The Alan Parsons Project
‿︵‿︵
Matthew n'avait pas envie. Pas eux. Eux et leur whisky, elles et leur parfum. Tout cela est bien trop alcoolisé. Il voulait voir la mer, et laisser tomber tout ça, la soirée, les copains, les copines et les tapis tachés. Dan lui demande :
— Alors, ça évolue avec cette fille, celle que t'as rencontrée la dernière fois ?
— Non. Pourquoi le monde a évolué lui ?
Un verre vide dans les mains ; il est mal habillé, juste un tee-shirt vert imprimé et un pantalon râpé. Débraillé et désinvolte : symbole d'invulnérabilité. On est le soir, une espèce de soir magique dans une petite villa en Californie, et Michelle donne une soirée. Branchée et inoubliable. Les filles ne sont pas si jolies à cette fête pourtant. C'est bruyant et enfumé. Mais tout ça, c'est dans l'air du temps. Hein, Matthew ? Tu détestes cet abandon qui ne te saisit pas, cette folie passagère à laquelle tu ne cèdes jamais. Mais sans cette mascarade, on reste à bavarder avec les binoclards, et socialement, c'est rude. C'est cliché, hein ? Mais Matthew le percevait comme ça, lui aussi, avec une certaine désolation.
Et puis il n'aimait pas beaucoup le binoclard de sa classe. Y'en a toujours un, de binoclard postillonnant.
Matthew c'était le mec cool et discret. Pas de quoi en faire une montagne, pas de quoi l'évincer non plus. Il était là, et c'était déjà beaucoup.
Il pensait à ce film sur le câble, un film israélien un peu choc. Genre deux hommes pendant la guerre de Palestine. Ça l'avait comme qui dirait interpellé. Les filles, Emy et Sandra, bavassaient, Dan se servait du punch, et Matthew pensait aux amours contrariées de Noam et Ashraf. Il repensait aux nuances de la mer qui s'écrase sur la plage et forme l'écume. Il se trouvait un peu con, debout et immobile sur la moquette crème de Michelle, à ressasser. Dan lui apporte un verre, il y trempe les lèvres, ne regarde pas Dan. L'amertume du goût ajoute à l'interdit du breuvage : le plaisir insouciant serait bien trop facile.
Finalement il n'est pas si mal là, seul et tranquille parmi tout ce bazar. Ça déambule, ça grouille, ça boit, ça baise, ça chante même : c'est la vie, quoi. Mais Matthew est plus seul que jamais. Il pense à des détails, c'est tout. Léa s'approche en maillot de bain, ivre, lui susurre des trucs incohérents à l'oreille et commence à se frotter à lui. Mitch débarque, attrape le bras de sa petite amie et lance un regard furieux à Matthew, toujours perdu ailleurs. Dans un bateau ailé.
Il esquisse un sourire.
C'est la fête, après tout.
Son père était un surfeur de renom, adulé de tous, sa mère une simple admiratrice qu'il avait mis en cloque. Papa avait pris une grosse vague, la plus impressionnante de toute sa carrière, et quand il était arrivé sur le sable sain et sauf, il avait croisé le regard ému de Paula. Dès lors, il avait su. Matthew lui était arrivé comme un cheveu sur la soupe, brisant le cadre idyllique.
Ce matin il était resté sous les pins, à l'ombre, pendant que Mitch et la bande se doraient la pilule au soleil de plomb. Matthew lui était blanc comme le sable fin des îles, ses yeux étaient d'une couleur presque irréelle : bleu translucide. C'était un beau garçon qui ne supportait pas la lumière crue et impitoyable du soleil. Il ne voulait pas aller chez Michelle. Il la trouvait stupide et agaçante, Michelle. Mitch, lui, disait que c'était une fille bien, qu'elle avait un don pour les relations humaines et que de nos jours ça se perdait. La maison de Michelle n'était pas très loin de la plage, c'était la plus exposée aux éventuelles tempêtes. Dans le salon, il y avait des canapés, un grand buffet, une moquette douce. L'endroit était en somme plutôt chaleureux.

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Dans mes bras (recueil de nouvelles)
Storie breviLa solitude de Matthew est redoutable, mais la mer murmure... ~~ Recueil de nouvelles de mes dix-sept ans... livré brut, sans corrections rétroactives. ⚠️ Attention, mon cerveau était très sombre à l'époque et certaines nouvelles peuvent choquer les...