Le soleil était haut dans le ciel, tiré par l'inépuisable char de Tav. Cependant, la brise fraîche de la mort, attisée par les battements d'ailes de Mirî, empêchait les rayons de l'astre de réchauffer les corps. Non loin d'un cours d'eau, deux hommes se déplaçaient avec souplesse en effectuant des gestes amples. Ils donnaient l'impression d'exécuter une danse, mais une danse macabre, où des cris déchirants répondaient à chaque mouvement. Les Nemrods fauchaient tout sur leur passage, sans réellement prêter attention à leurs victimes. Ces dernières étaient les descendantes de la progéniture de Taui, qui, à l'aube de sa vie, avait transformé des humains en démons. Ils s'étaient ensuite propagés tout en attaquant et pillant des villages. Ils avaient gardé une apparence humaine même s'ils s'étaient vus doter de déformations physiques et d'appendices de toutes sortes, les rendant facilement reconnaissables.
Cela faisait plusieurs jours que les Nemrods traquaient le groupe de démons qui s'était dangereusement rapproché d'Erindor, la capitale de Colimar, en décimant tout sur leur passage. Il devenait impératif de protéger la population. Fort heureusement, la traque avait fini par épuiser les démons. Les trainards avaient alors rapidement été tués par les chasseurs dont les lames se montraient sans pitié. C'était pour eux une routine sanglante. Acculés, certains démons avaient essayé de s'enfuir en traversant la rivière, sans succès. L'eau cristalline s'était alors teintée du rouge de leur sang et se trouvait maintenant souillée de leurs cadavres. Les Nemrods avaient tout prévu, ils connaissaient le terrain mieux que leurs ennemis, qui s'étaient fait prendre au piège.
Au fur et à mesure qu'ils se faisaient décimer, la panique s'emparait du cœur des démons : ils n'avaient aucun moyen de s'échapper. Avec la rage du désespoir, ils se jetèrent alors comme un seul homme sur les Nemrods, réussissant à blesser grièvement l'un d'eux à l'épaule. Mais cela ne fit que reculer de quelques instants leur dernier souffle. Bientôt, il ne resta plus qu'une masse inerte de corps gisant sur le sol.
Le Nemrod blessé s'assit lourdement sur une souche couverte de sang et épongea son front luisant de sueur. Dans son regard triste se reflétaient des flammes dansantes. Il regardait en silence son compagnon embraser les corps des démons. Il n'aimait pas avoir à traquer et à tuer ces êtres qui restaient beaucoup trop humains à ses yeux. C'était notamment pour cette raison qu'Andreï, le Nemrod de Colimar, tardait à choisir son apprenti. Il ne savait plus si ce qu'il faisait était complètement juste, comme dans cette situation. L'autre Nemrod, sa besogne terminée, s'approcha et, voyant le trouble de son ami, lui demanda :
"Qu'est-ce qui perturbe ton esprit, Andreï ?
- Ce n'est que cette blessure à l'épaule...
- Je te connais depuis assez longtemps pour savoir que ce n'est pas ça. Surtout que cette blessure guérira bien avec les onguents d'Yzulrik. Il y a autre chose qui te taraude.
- Tu as raison Elros, comme toujours n'est-ce pas ?
- Tu sais également que tu ne cours aucun risque à te confier à moi, répondit le deuxième Nemrod en écartant les bras.
Elros disait vrai puisqu'il était le Treizième ou encore le Vagabond, le Nemrod qui descendait de la graine noire plantée par Ryuk. Il n'était attaché à aucun royaume, ne devait rendre des comptes qu'aux Dieux et ne se préoccupait pas des jeux de pouvoir. Il était alors le mieux placé pour écouter, et parfois conseiller, ses camarades Nemrods. Bien que ces derniers ne puissent intervenir dans la vie politique de leur pays ou combattre pour celle-ci, ils en subissaient directement les conséquences. Mais ce qui s'était insinué dans l'esprit d'Andreï était plus profond, il remettait en doute sa propre nature, celle qui lui a été imposée depuis sa naissance.
- Je suis perdu, Elros, complètement perdu.
Le Vagabond s'assit et laissa son ami s'exprimer sans interruption.
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Unistama
FantasíaUnistama, un monde façonné par des Divinités Ancestrales, est au bord du chaos. Dans le royaume d'Azaria, l'Oracle, un humain béni des Dieux, fait une prophétie. La première depuis cinquante ans. La première qui annonce une terrible menace, à la foi...