Chapitre 2-1

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Faal


Les gradins étaient noirs de monde. Dans des tenues bariolées aux allures les plus hétéroclites se mêlaient nobles et commerçants, badauds et mendiants. Tous venaient profiter du spectacle. Malgré la chaleur, ils s'entassaient sur les bancs, à même la pierre inconfortable ou entourés d'une marée de coussins et de serviteurs. On y mangeait, on y buvait, on y criait dans un imbroglio d'odeurs et de bruits qui pouvaient donner le tournis au visiteur non averti.
Aujourd'hui, plus particulièrement, il y avait foule. Hommes et femmes s'étaient pressés à l'annonce de la venue de l'empereur. Il se disait qu'un évènement exceptionnel se préparait, qu'un prince était de retour. Et leurs attentes n'étaient pas déçues. Là, droit et immobile dans la loge impériale, Ayra attendait aux côtés de son père.

Stoïque, le fils impérial écoutait la foule sans bouger. Il entendait son nom, chuchoté parmi les gradins. La stupeur et l'étonnement se propageaient dans le public.

Même si le prince le cachait avec aisance, l'angoisse l'étreignait. Cela faisait bien longtemps qu'il ne s'était retrouvé sur le devant de la scène, et la situation lui était hautement inconfortable. Il réprima un frisson, et se concentra pour garder l'air impassible, le regard perdu devant lui. À ses pieds s'étalait le sable de l'arène, d'un blanc immaculé en ce jour faste. Mais il ne pouvait empêcher ses oreilles d'entendre les remarques. Tous parlaient de lui, et les rumeurs les plus folles circulaient, enchevêtrant mensonge et vérité dans un dangereux mélange.

Prisonnier. Couard. Faible. Sauvé par l'empereur. L'Enfant perdu par sa faute. Les murmures s'amplifiaient dans les gradins. Des huées se firent entendre dans tout le Colysée, plus distinctes à chaque seconde. À droite de l'empereur, Einar cachait mal son contentement. La situation était un régal à ses yeux : Ayra était conspué par le peuple, et leur père n'en perdait pas une miette.

Soudain, Param se leva et s'avança jusqu'à l'extrémité de la loge. Ayra frissonna pour de bon. La balafre qu'il avait infligée à son père durant leur combat avait entièrement disparu de son visage, cependant il y avait fort à parier qu'il lui ferait payer de l'avoir blessé.
Un silence de plomb s'abattit sur l'arène. Tous attendaient, vibrant de curiosité. La chaleur suffocante faisait ondoyer l'air au-dessus des gradins. Retransmises sur les quatre écrans gigantesques qui surplombaient la scène, l'image de l'empereur dominait l'assemblée. Sa voix de stentor s'éleva, atteignant sans effort les plus éloignés des spectateurs.

— Aujourd'hui, mon fils Ayra est revenu.

Le Syyr noir s'avança vers le bord de la loge, impassible, et se plaça à deux pas derrière son père. Il fit discrètement jouer ses articulations, appréciant de les sentir rouler sans effort, totalement remis de son dernier combat. À côté de lui, Param continuait son discours.

— Pour s'être laissé prendre par l'ennemi, pour ne pas avoir su se libérer, pour nous avoir fait perdre l'Enfant, il est déchu de ses droits.

Derrière, Einar eut un rire dédaigneux. Ayra ne réagit pas. Ce n'était pas le moment de s'énerver contre son frère. Il aurait bientôt besoin de toutes ses forces.

— Le voici, devant vous, venu expier sa faute, venu prouver sa force.

Ayra écoutait les cris de la foule emplir le Colysée. Il s'agenouilla devant son père et baissa la tête, attendant son châtiment. Un soldat approcha, portant deux entraves, mais Einar les lui prit brusquement des mains. Il s'approcha d'Ayra et fixa sans aucune douceur les bracelets à ses poignets.

— Va crever, murmura-t-il.

Ayra s'amusa de la pique grossière.

— Quelle éloquence. Ça me manquait.

Il eut un sourire en coin, qui ne fit qu'agacer son frère. Einar ferma brusquement les entraves, un rictus mauvais se dessinant sur son visage alors qu'il vit Ayra fléchir. Trois pointes acérées vinrent mordre chacun de ses poignets, le coupant de son Don aussi sûrement que s'il avait été vidé.

Ayra trembla. Sa vision se fit moins nette et les bruits lui semblèrent soudain plus sourds. Son visage se crispa, repris en gros plan par les larges écrans qui surplombaient l'arène. Il se mit debout, tâchant de dissimuler la faiblesse qui l'avait envahie. Ses muscles ne répondaient plus aussi rapidement, et il dût faire un effort immense pour le cacher. Heureusement, son père reprit la parole, détournant l'espace d'un instant l'attention qu'on lui portait.

— Pour votre plus grand plaisir, il sera livré à l'arène.

Des cris jaillirent, et une cacophonie de vivats excités s'élevèrent des gradins. Ayra fixa un point droit devant, serrant silencieusement les dents. Son père se servait de lui pour asseoir sa popularité. Il avait transformé son châtiment en spectacle de foire. Son fils amuserait la galerie jusqu'à ce qu'il en décide autrement, ou jusqu'à ce qu'il meure.

L'empereur fit un geste. Une plateforme ronde, d'un gris étincelant, s'éleva jusqu'à la loge. Ayra y monta d'un bond, testant discrètement ce que son corps bridé lui permettait. Il s'habituait petit à petit à la privation, mais il ne lui restait pas beaucoup de temps pour cela. Dans un chuintement léger, la plateforme descendit lentement sous les acclamations excitées du public.



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Salut à toi mon lecteur adoré !

Nous voici repartis pour un nouveau chapitre. Cette fois, focus sur Arutha !

On dit qui aime bien châtie bien... Et j'aime Arutha !

Et puis, avoue, tu adores aussi le voir souffrir ainsi, pas vrai ? 😋


✨✨✨✨✨







[Sous contrat d'édition] Les Syyrs - Tome 3 - La révélation de l'OracleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant