UNDERSHADE (sous contrat chez &H)

Chapitre 6

Harmony

Au loin, j'aperçois Aedan pénétrer dans le bureau de la directrice. Qu'est-ce qu'il peut bien faire là un dimanche ? Les espions n'ont pas droit à un jour de repos ? Et la directrice, n'a-t-elle pas une vie ? J'ai pourtant remarqué lors de notre première rencontre qu'elle portait une alliance. Quand voit-elle son mari ?

Le souvenir de ce matin me revient en tête. Comment ai-je pu m'endormir dans ce canapé sans me réveiller ? J'ai vraiment eu l'air d'une cruche. En plus, il a fallu que ce soit ce mufle qui assiste à la scène.

J'ai découvert la bibliothèque hier, après mon service. J'avais passé la journée à interroger les bandits qui avaient pénétré dans la planque lors de ma première mission pour l'agence. J'avais ensuite ressenti le besoin de me vider la tête. Après tout, j'ai été blessée ce jour-là et c'est cet incident qui m'a conduit ici aujourd'hui.

Et de toute évidence, j'étais épuisée, au point de m'assoupir en pleine lecture.

Je chasse toutes ces réflexions de mes pensées et m'apprête à reprendre ma route quand un objet attire mon attention. Non loin du battant qu'Aedan vient de refermer, un petit boîtier rectangulaire aussi fin qu'un smartphone brille au sol. Je m'approche et le ramasse. On dirait un enregistreur. Ça doit être à lui.

Je le fourre dans la poche de mon jogging et regagne ma chambre. Une fois dans celle-ci, j'attrape mon PC et me pose dans mon lit. Dans mon mouvement, le magnétophone – que j'avais déjà oublié – chute de mon pantalon. En heurtant le sol, son contenu s'enclenche.

— Je ne vais pas me répéter, alors ouvre bien tes oreilles. Comment as-tu localisé la planque où était détenu Holmadoff ? commence la voix d'Aedan.

Un ricanement lui répond.

— Bien, si tu veux jouer à ça, reprend-il.

— Tu vas me torturer, c'est ça ? Tu n'es pas censé être passé du côté des gentils ?

Le mufle rit.

— Il n'y a pas de gentils dans ce monde.

Plus la conversation avance, plus l'horreur s'empare de moi. Si je n'étais pas déjà assise, mes jambes se seraient probablement dérobées sous mon poids.

Les hurlements de l'homme dont la voix m'est familière me donnent envie de boucher mes oreilles. Toutefois, j'écoute l'enregistrement jusqu'au bout.

Lorsque le silence revient dans la pièce, je reste immobile plusieurs minutes, la main posée sur la bouche. Je finis par digérer ce que je viens d'entendre et me relève.

Aedan a torturé ce type. Je suppose qu'il s'agit du seul malfrat dont je n'ai rien tiré lors de mes interrogatoires d'hier. Alors voilà ce qui arrive quand j'échoue ?

Je ferme les yeux et respire.

Calme-toi, Harmony. Tu n'as rien à te reprocher. Tu n'es pas responsable de ça.

Je maîtrise mes émotions et tente de faire preuve de rationalité. Nous sommes dans une agence de services secrets. Et le mot « secret » cache souvent une zone d'ombre, des cachotteries inavouables.

Tandis que je m'efforce de prendre du recul sur la situation, la porte s'ouvre à la volée. Je sursaute légèrement et rouvre les paupières.

— La psy, tu n'aurais pas...

Aedan s'interrompt. Ses yeux viennent de se poser sur le magnétophone trônant sur mon pupitre.

— Alors c'est toi qui l'as.