Les Aventures de l'Escadron n°5 - Les Armes du Destin

Chapitre 5

Le retour fut relativement rapide, car ils étaient pressés par le temps. Sitôt posés, les gardes vêtus de orange et de jaune prirent possession du vaisseau pour en sortir Waztov, qui ronflait bruyamment. L'Escadron, quant à lui, fut convié en salle du trône.

Le Roi les remercia chaleureusement (enfin, pour un Solarien), fit porter un caisson rempli d'or jusqu'à leur vaisseau et leur donna même l'autorisation de rester pour la nuit. Les garçons auraient accès à des appartements communs, et Eve, à ses propres appartements.

- Comme à ton habitude, très chère nièce. conclut le Roi tandis que les autres membres de l'Escadron regardaient leur leader avec des yeux ronds. Tu connais le chemin je suppose, et j'ose espérer que tu nous fera l'honneur de te joindre à notre table au souper.

Eve fit une révérence respectueuse, serrant les poings. Elle détestait être affiliée à Solaris. Bien sûr, elle adorait sa tante et sa cousine; mais elle avait en horreur toutes les manières de ce peuple et haïssait son souverain, qu'elle trouvait trop cruel.

Aussitôt sortis, la leader laissa son Escadron aux mains des gardes. Elle ne voulait pas de leurs questions. La jeune femme se dirigea tout d'abord vers un des jardins intérieurs, celui qui était le plus proche de ses appartements et de ceux de Solal, pour y attendre cette dernière en se reposant sur un des bancs.

La fontaine clapotait doucement sur les mosaïques colorées. L'eau était une ressource relativement rare à Solaris, mais la famille royale avait su l'exploiter pour créer le plus beau palais des Dix Mondes. Dans un des arbres fruitiers de la petite cour, quelques djinns dormaient, enveloppés dans leurs ailes bleues.

Lorsque l'Heure de la Sieste fut dépassée et celle du Soleil bien entamée, Eve commença à perdre patience. Peut-être sa très chère cousine était-elle occupée ou retenue par son père ? Solal était sa confidente, et elle avait tant de choses à lui raconter... Que pouvait-elle avoir de plus important à faire ?

La jeune fille était vidée. Néanmoins, elle se décida à bouger. De mémoire, la bibliothèque était au bout de ce couloir... Ou était-ce au bout de celui-ci ?

Après avoir tourné et retourné dans tout le rez-de-chaussée et tenté d'ouvrir une bonne cinquantaine de portes, Eve se rappela de l'existence des escaliers. La bibliothèque était un étage au-dessus des appartements, c'et à dire au dernier étage du château. La jeune femme adorait l'endroit. La porte pour y accéder était en bois sombre, décoré de fleurs d'or. En la poussant, on découvrait une salle dont les murs étaient ornés de mosaïques narrant les exploits des Princes de Solaris de jadis. En dessous, des banquettes avaient été installées et couvertes de coussins et de tentures, invitant à la lecture, dans le cas où les immenses étagères qui quadrillaient la pièce, emplies de livres venus des quatre coins des mondes, ne vous auraient pas encore convaincu. En face de la porte, une immense fenêtre aux vitraux colorés projetait sur le sol ses couleurs chatoyantes.

Ce jour-là, un des grands carreaux était ouvert, pour laisser passer l'air frais. Eve ne parvenait pas, à contre-jour, à distinguer correctement les deux silhouettes qui discutaient calmement devant cette œuvre, même si elles paraissaient familières.

Elle avait beau se rapprocher, les deux personnages lui semblaient flous et noirs, et pourtant elle les connaissait, elle en était persuadée. Ils continuaient de discuter, et elle était près, maintenant, mais ils ne semblaient lui prêter aucune attention... Elle ne comprenait pas non plus ce qu'ils disaient...

- Qu'est-ce que c'est que cette sorcellerie ? maugréa-t-elle doucement.

- Oh, Eva ! s'exclama soudain la Reine Wittorm. Cela fait longtemps que tu es ici ?

Dès qu'elle s'était adressé à sa nièce, son visage s'était illuminé, et Eve pouvait maintenant le voir distinctement. Mais qui était son compagnon... Elle avait pourtant l'impression de le connaître, mais...

- Oscar ? C'est toi ?

De surprise, son jumeau relâcha totalement le sortilège de dissimulation dont il s'était enveloppé. Il connaissait la faiblesse des pouvoirs de sa sœur : comment avait-elle fait pour outrepasser les siens ?

- Oscar... Ça fait si longtemps ! reprit Eve, les larmes pointant dans ses yeux verts pomme. Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu n'es pas devenu un Tueur d'Ors finalement ?

Le garçon, complètement abasourdit, jeta un regard paniqué à sa tante. La Reine le regarda avec une bienveillance qui l'apaisa immédiatement. Quand elle hocha la tête, il sut ce qu'il devait faire. Avec vivacité, et sous les yeux ébahis d'Eve, Oscar saisit délicatement entre ses mains les joues de la Reine de Solaris, et déposa un baiser langoureux sur ses lèvres.

- Mais qu'est-ce que tu fais ?! cria sa jumelle dans leur langue maternelle.

Mais Oscar avait déjà sauté par la fenêtre. Il était devenu un magicien hors pair, et Eve savait qu'elle ne pourrait pas le suivre. Deux étages la séparaient du sol et, sans ces pouvoirs pour amortir sa chute, elle n'aurait plus de jambes pour le poursuivre. Il l'avait abandonnée, à nouveau.

Tout espoir s'était évanoui de son cœur : il était un Tueurs d'Ors, pour de vrai. Mais elle ne prit réellement conscience de ce que tout cela signifiait que lorsqu'elle entendit le bruit du corps de Wittorm s'affaissant sur le sol.