Nouveau départ.

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Nous sommes dimanche, dimanche 1er mars. Mon âme vacille au fil des chansons, des paysages qui défilent sous mes yeux rougis par le cannabis. Je suis actuellement dans le train en direction de Paris, en direction du domicile de mon frère et ses colocataires, les membres de son groupe les « Sheperds ». J'appréhende. J'ai peur. Deux ans et demi que je ne l'ai pas vu. Deux ans et demi que j'essaie de l'oublier mais rien n'y fait. Mes parents m'envoient chez lui pour que je « change de vie » car « ici tu passes ton temps à te droguer, à partir à droite, à gauche et ne parlons pas de ta scolarité calamiteuse » comme ils me répètent. Je n'arrive pas à définir mes sentiments, suis-je contente ou triste ou angoissée, je ne peux le dire. A partir de ce soir je vais donc vivre avec cinq garçons mais ce n'est pas cela qui me tracasse le plus. En réalité c'est de revoir Louis, bien sur, mais aussi Victorien et Lucas. Je m'entendais très bien avec eux, j'ai tellement ris, tellement appris. Quelque fois je parlais à Victo par Facebook mais je ne lui ai jamais rien dit sur ma dérive. Je pense que ma mère a tout raconté à Louis pour qu'il accepte de m'héberger, je redoute quelque peu la réaction de mes trois compères d'autrefois. Pour faire passer le temps j'ai cherché de nouveaux sons à écouter quand je me suis rappelé que Louis et  les Sheperds étaient un groupe de musique, un groupe plutôt connu, un groupe qui avait sorti un album. J'ai alors pris mon courage et ai tapé dans la barre de recherche de Youtube « Louis Delort and the Sheperds », j'ai alors découvert une multitude de vidéos mais ce qui retint mon attention c'est le changement physique de mon frère. Je n'avais plus de nouvelle de lui depuis qu'il était parti, enfin, quelques coups de fils au début puis deux mois après plus rien. Le vide. L'abandon. Enragée je n'ai jamais osé taper son nom dans Google ou même regardé une émission sur le groupe. Je voulais l'effacer de ma vie, de ma mémoire. Jusqu'à ce que une semaine plus tôt mes parents m'apprennent que je partais. Je décide alors de cliquer sur la vidéo qui comporte tout les sons du groupe. Aux premières notes un frisson me parcoure, je ferme les yeux et en entendant Louis chanter, deux perles salées glissèrent sur mes joues. C'était la première fois que je l'entendais chanter en tant que professionnel, deux ans et demi que je n'avais pas entendu sa voix.


J'y suis. Je suis arrivée. Nouvelle vie. J'étais postée sur le quai, je regardais autour de moi, je n'entendais rien sauf la musique sortant de mes écouteurs. Je scrutais les moindres détails, plantée là, au milieu, ma valise à la main, désemparée. Je sortis de mes songes, mis ma main dans ma poche et en ressorti une clope roulée auparavant et un briquet. Je l'allumai et tira une première fois en fermant les yeux, douce nicotine. Marchant lentement au milieu de gens pressés, ne sachant pas réellement où me diriger et n'ayant pas la force de l'appeler, je m'assis sur un banc à l'extérieur. Je distingue un, deux, trois silhouettes familières au loin. J'inspire alors un grand coup, me lève, me dirige vers eux en tirant une dernière fois sur ma clope, la jette à quelques mètres de moi. Je suis à leur hauteur, mon cœur bat vite, je ravale mes larmes pour ne laisser passer aucune émotion. Louis a l'air ému mais je n'y prête aucune attention. Quelques secondes sans un mot, secondes interminables à mon goût.

-         Tu as fait bon voyage ? S'exclama une voix que je ne connaissais que trop bien, celle de Lucas.

-         Oue, oue.

Réponse courte. Qui voulait tout dire. Je regrettais déjà d'être parti. Je voudrais remonter le temps, fuguer loin, partir et ne jamais mettre les pieds ici.

Dans la voiture, aucun mot, ambiance tendue. Nous arrivons enfin dans leur maison. Victo ouvrit la porte, il ne m'avait toujours pas regardé, toujours pas considéré alors que je n'attendais que cela, qu'il me fasse un signe, un sourire qui me prouve qu'il ne m'en veut pas de lui avoir rien dit.

La porte s'ouvrit, je découvrais Jean Etienne et Valentin, ils firent un grand sourire, me souhaitèrent la bienvenue et m'embrassèrent. Je ne répondis que par un faible sourire. Les garçons me firent découvrir leur maison, elle était plutôt grande et spacieuse. Arrivée vers ma chambre, je saisi la poignet de la porte, la baissa lentement pour enfin découvrir mon petit coin d'intimité. Je n'en croyais pas mes yeux.

Journal d'un ange égaré... (Louis Delort & the Sheperds)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant