Ma seconde chance

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« Non Maëva, les druides ne se réunissaient pas sur un site naturiste mais naturel ! » Papa partit dans un long fou rire dont il a le secret. Comme à chaque fois qu'il me fait étudier et que j'ai le malheur de dire une bêtise qui, en général, ne fait rire que lui. Bien que ça m'énerve prodigieusement, je ne sais jamais rester vexée bien longtemps face à son rire communicatif (sorte de mélange d'une hyène et d'un dindon prêt à être sacrifié pour Noël). Le pire c'est que je dois être un peu maso vu que je reviens toujours vers lui avant une interro.

« Quelqu'un peut-il mettre la table, s'il vous plaît ? » demanda maman. C'est alors que mon petit frère Liam, bondissant des escaliers, me sauta dessus pour me proposer comme à son habitude un "Pierre, Papier, Ciseaux" afin de décider qui se chargerait de dresser la table ! Pas de bol, j'ai perdu contre une pierre ! Je me demande toujours pourquoi je lui ai appris ce jeu débile et surtout comment il fait, du haut de ses 10 ans, pour gagner à chaque fois ! Mon dieu que ça me saoule.

Voilà donc mon quotidien, moi, Maëva, jeune fille de 16 ans, habitant avec mes parents et mon petit frère dans une petite maison de banlieue de la région liégeoise. Papa travaille à l'usine comme chef d'atelier et maman comme institutrice à l'école communale du village voisin. Bref, une famille sans histoire, bien qu'à mes yeux, complètement barjot.

Cependant, cette année scolaire s'annonçait un peu différente car j'allais commencer mon option en langues étrangères. Il est vrai que depuis toute petite, cela m'a toujours fortement intéressée et j'ai l'ambitieux projet de pouvoir terminer mes études puis de travailler à l'étranger !

Septembre était déjà bien entamé, je trouvais ma classe assez sympathique, mes professeurs dans l'ensemble assez passionnés. Bref, ce début d'année se déroulait comme je l'avais espérée. Je me suis même liée d'amitié avec un groupe de trois filles de mon âge de l'option tourisme à côté de ma classe. Elles sont, certes, un peu bizarres mais elles m'amusent beaucoup. Moi qui suis d'habitude une solitaire, je me sens anormalement bien quand je suis avec elles. La chef de bande s'appelle Victoria et c'est sans aucun doute la plus délurée de toutes. Elle a tendance à parler sans filtres, on dirait que tout passe de son cerveau à la parole sans frontières.

Halloween pointait le bout de son nez, une méga fête était organisée en dehors de l'école par Victoria. Trop contente d'être invitée, j'étais une boule de nerfs en fusion les jours précédents, surtout que, voyant mes notes baisser, maman n'était pas vraiment d'accord pour que j'y aille. Heureusement, grâce à mon regard de chien battu, papa vola comme à son habitude à mon secours (ben oui, ça fait quand même 16 ans que j'en fais ce que je veux, de mon papounet d'amour), il arriva à convaincre maman que cette fête allait me changer les idées et me fit promettre de me remettre au travail après les vacances de Toussaint. Pour montrer ma bonne volonté, je me portai même volontaire pour faire la chasse aux bonbons avec mon monstre de frère ! (Même pas besoin de déguisement pour lui, trop cool.)

La soirée battait son plein. Victoria était encore plus excitée que d'habitude, elle m'apporta un verre de « je ne sais quoi » et me dit que je devais le boire d'un seul trait. L'odeur était répugnante, je refusai poliment mais elle insista en me traitant de « poule mouillée » et en me menaçant de me virer de la bande si je n'obéissais pas sur le champ ! Prenant mon courage à deux mains, je m'exécutai. J'en bu ainsi un deuxième et, comme on dit, jamais deux sans trois. Résultat : incapable de regagner ma maison. On fit venir mon père, qui me ramena à la maison et me mit dans mon lit. Bien qu'embrouillée, je n'oublierai jamais son regard rempli de déception.

Le lendemain matin, je descendis pour le petit déjeuner. Maman terminait les crêpes. Je vis à son regard qu'il valait mieux laisser couler. Alors qu'elle s'apprêtait à me passer un savon, Liam se mit à tousser si violemment qu'on aurait dit qu'il s'étouffait ! Il n'arrivait pas à reprendre son souffle. Fort heureusement, il reprit ses esprits mais, grâce à cette intervention, ma punition passa au second plan. Merci frérot !

Recueil de nouvellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant