Chapitre 13

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Hier, je me suis baladée dans une grande partie de la ville, que je connaissais déjà, mais j'ai adoré tout revoir. J'avais l'impression de redevenir une enfant. Et aujourd'hui le programme est assez différent. Un enterrement pour commencer la journée ? Eh bien c'est parti. Je n'avais pas prévu de tenue pour ce genre d'occasion mais j'ai quand même pris un jean noir et un haut de la même couleur. Il fait légèrement froid aujourd'hui, donc j'ai mis un bonnet et mon manteau pour sortir. Finalement, j'ai quand même réussi à avoir un style assez élégant.

Après dix bonnes minutes de marche, j'arrive au cimetière où je vois Eros. Il est assis sur un banc, seul. Je me décide alors à le rejoindre.

- Salut.

- Salut.

Je ne sais vraiment pas quoi dire. Mais il va bien falloir trouver parce que le silence est très gênant.

- Il fait froid, n'est-ce pas ?

C'est lui qui a engagé.

- Ouais. Après on est janvier, donc c'est plutôt normal.

- Ouais.

Quelle conversation intéressante.

- Quand est-ce que la cérémonie commence ?

- Dans 5 minutes environ. La voiture qui a amené le cercueil de mon père est déjà passée. Ils l'ont déposé là-bas.

Il me montre un emplacement dans le cimetière. Pour l'instant, ça ne ressemble qu'à un trou.

- Et où sont les autres invités ?

- Il n'y a que nous.

- Oh.

- Et lui aussi. Mais ne lui parle pas. Il n'est pas très commode avec les gens.

- Ton père n'était pas très apprécié ou...

- Si. Il l'était. Mais si trop de gens viennent, ça va se savoir. Et personne ne veut que d'autres mafias débarquent pour foutre la merde.

- C'est vrai.

Un homme habillé tout de blanc s'approche de la tombe du père d'Eros et relève la tête vers nous.

- T'es chrétienne ?

- Euh oui.

- Alors ça devrait aller.

Eros se lève et me tend sa main, que je prends, pour l'accompagner jusqu'aux deux autres hommes, maintenant devant la tombe de son père.

- Bonjour mes frères et ma sœur. Nous sommes aujourd'hui réunis pour faire nos adieux à une personne qui nous était chère.

Oui, bon, je ne le connaissais pas, mais c'est tout comme. Je n'ose pas lâcher la main d'Eros jusqu'au moment de prononcer un Notre Père. Sa main est gelée mais il ne tremble pas. Il ne pleure même pas. Mais je sens qu'il en a envi. A la fin de la cérémonie, le prêtre s'en va et nous laisse seuls devant la tombe qui a maintenant été refermée par des hommes travaillant au cimetière. L'autre homme s'avance vers nous et s'adresse à Eros, qui me fait signe de reculer et d'attendre plus loin.

- Maintenant que ton père n'est plus, c'est à toi de reprendre la famille. Tout le monde compte sur toi et tu le sais.

J'arrive quand même à attendre la conversation, mais je fais comme si j'étais intéressée par autre chose.

- Tu sais que je n'en ai aucune envie.

- Eros, il n'est pas question d'envie, il est question de devoir. Notre famille t'a tout enseigné, elle t'a toujours sauvé de tout.

- Et quand j'ai passé 3 ans en prison, qui était là pour moi ?

- Mais tout le monde fratello. On était tous derrière toi. Tu sais qu'on ne pouvait pas physiquement venir te voir. Mais à la maison, on priait tous pour toi. Rentre et accomplis ton devoir.

- Je ne sais pas.

- Ne me force pas à t'y obliger. Sois à la maison ce soir à 18h.

Et il s'en alla. J'ai énormément de questions mais je pense qu'il vaut mieux pour moi si je n'en pose aucune. Alors je me contente de retourner aux côtés d'Eros, qui est resté debout la tête baissée devant la tombe.

- Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

- Il m'a présenté ses condoléances.

Premier mensonge.

- Tu veux que je te laisse dire quelques mots à ton père ?

- Il est mort, je doute qu'il m'entende.

- On ne sait pas.

- ...

- S'il pouvait t'entendre, qu'est-ce que tu lui dirais ?

Eros marque un temps de pause avant de commencer. Il s'accroupit devant la tombe de son père et fixe le sol.

- Salut papa. Ça fait longtemps. Tu sais, quand j'étais en prison, je pensais sortir rapidement.

Il s'assoit complètement sur le sol.

- Je pensais que la première chose que je ferais, çaserait de dire aux avocats et tout le reste d'aller se faire foutre, et juste après je serais venu te voir. Mais t'étais déjà parti.

Une larme coule sur ma joue. Je ne sais pas d'où elle vient, mais elle est bien réelle.

- Et, tu vas rire, mais la première chose que j'ai fait, c'est inviter mon avocate à boire un verre.

Je distingue un léger sourire sur ses lèvres.

- D'ailleurs elle est avec moi aujourd'hui.

Il se tourne vers moi et je vois qu'il pleure.

- Sienna, tu peux venir ?

- Bien sûr.

Je viens m'agenouiller à côté de lui, mais je ne sais absolument pas quoi faire.

- Je te présente Sienna Colombo, papa. Elle m'a bien défendu au procès. Je croyais que tous les gens qui travaillaient avec la justice étaient des connards, mais en fait j'avais tort. Peut-être que certains sont encore humains.

Je ne sais vraiment pas où me mettre. Et j'ai l'impression que ça devient une habitude lorsque je suis avec lui.

- Tu veux dire quelque chose ?

Qu'est-ce que je pourrais bien dire ?

- Euh, bonjour monsieur. J'aurais bien aimé vous connaitre dans d'autres circonstances, mais bon, la vie en a décidé ainsi. Votre fils a l'air en bonne santé et il n'est plus derrière les barreaux. Je suppose que c'est le principal.

Je donne un petit coup à l'épaule d'Eros, parce que je suis vraiment gênée, et que je n'ai vraiment rien à dire.

- Sinon papa, je vais faire ce que tu voulais que jefasse. Ce soir je retourne à la maison et je reprends la famille. Comme tu levoulais. Je suivrais tes idées comme tu me les as enseignées et je te rendrais fier. C'est promis.

Deuxième mensonge. 

Le couloir de la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant