Chapitre 5

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Lorsque j'avais vu cette jeune femme jouer du violon sur la place du marché, j'avais seize ans. Elle en avait dix huit. J'avais été charmé par sa crinière rousse, qui retombait en une longue cascade sur son dos ; ses yeux bleus pouvaient noyer n'importe qui voulant les croiser.

Moi, je les croisais volontiers.

Alors je retournais la voir tous les jours.

Tous les jours, après les cours, je l'écoutais coulisser son archet sur les cordes du violon. Elle jouait de la musique classique. Je n'aimais pas la musique classique, mais si c'était d'elle, j'aimais.

Malgré le froid d'hiver, malgré la neige, elle jouait du violon tous les après-midis. Et je venais y assister.

Puis un jour, à la fin de sa représentation, sous un froid glacial, elle m'avait tendu une pièce.

Je l'avais regardé d'un œil surpris. Puis m'étais mis à rigoler très fort, me rendant compte qu'elle me pensait sans abris.

- Mais tu avais vraiment l'allure d'un SDF, à venir me voir tous les jours et loucher sur mes petites pièces ! s'était-elle justifiée avec un sourire adorable.

Depuis, je retournais la voir, et discutais avec elle de tout et rien, emmitouflés dans de grosses doudounes à trembler comme des imbéciles.

- Tu es née le vingt-cinq décembre ?! m'étranglai-je, abasourdi.

- Qu'y a-t-il de mal ? s'étonna-t-elle, le souffle formant une buée s'évaporant dans ce froid à glacer les sangs.

- Je suis né le même jour, me mis-je à rigoler.

Alors nous nous lançâmes un regard complice, et nous mîmes à glousser, de longs sourires étirés sur nos visages.

Nous étions heureux.

***

Un an passa, durant lequel nous avions appris à nous connaître, et avions développé une relation solide, qui avait commencé par de longues discussions à la fin de ses spectacles musicaux publiques.

- Tu fais du patinage artistique ?! m'exclamai-je, assis dans la chambre d'Annie, sur son lit, à ses côtés.

- Oui, oui ! J'adore ça. J'ai une compétition la semaine prochaine, tu seras là ?

Je hochai la tête, un sourire béat sur mes lèvres, la tête d'Annie reposant sur mon épaule.

Aujourd'hui, j'étais chez elle, dans son appartement à côté de la place du marché. Nous regardions un film d'amour à l'eau de rose qui me rappelait ceux que ma mère regardait souvent.

- Bon, t'es sûr de vouloir finir le film ? sourit Annie, lisant dans mes pensées.

- Pas trop, non, rigolai-je.

Elle éclata de rire à son tour et me donna un léger coup à l'épaule.

***

- Bonjour Annie, entendis-je dans l'entrée.

Ma mère accueillit en premier la jeune femme que j'attendais. C'était la première fois que je l'invitais chez moi.

Je dévalai les escaliers et arrivai dans l'entrée. Annie observait les photographies arborant le mur.

- Il était mignon n'est-ce pas ? roucoula ma génitrice.

- Il l'est toujours, sourit Annie, l'air mature.

Je leur fis un signe timide de la main, ne sachant que dire, les joues rouges.

Un long silence gênant s'étala et l'arrivée de mon père le brisa.

Winter souls (Version originale)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant