Chapitre 6 | Etrange réveil

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Maxine s'éveilla à cause d'un rayon de soleil gênant. En grognant, elle cacha son visage dans l'oreiller. Elle avait l'impression d'avoir mangé de la pâte à modeler. La sensation n'était pas agréable, d'autant plus qu'un goût métallique persistait sur sa langue. Ses membres lui faisaient mal comme si elle avait couru un marathon, alors qu'elle avait horreur de la course à pied. Et surtout une migraine lui embrumait l'esprit.

En plissant les yeux, elle se rendit compte à la luminosité dans sa chambre que le soleil était levé depuis longtemps, bien qu'il ne soit pas encore midi. Elle était allongée en travers de son lit, sous les couvertures, et en sous-vêtements. Deux choses qu'elle ne faisait jamais. Elle dormait toujours avec ses vêtements, afin de pouvoir réagir rapidement en cas d'urgence. Pour les mêmes raisons, elle s'enfonçait rarement dans ses couvertures, préférant les plaids.

Dans le brouillard du sommeil, il lui fallut une seconde pour reconstituer les évènements de la soirée. Elle s'était endormie dans sa voiture, alors qu'Abel conduisait. Une fois chez elle, elle s'était déshabillée, ses vêtements frottant douloureusement contre sa peau à vif. Puis elle avait proposé à Abel de venir avec elle dans sa chambre, et suggéré des choses plus qu'indécentes.

Mortifiée, elle se passa la main sur le visage, pour s'éclaircir les idées et écarter ses longs cheveux de son visage. Elle avait dragué l'alpha... alors qu'elle était à peine consciente. Dans la mesure où elle se trouvait seule dans son lit, elle s'était ridiculisée. Fantastique ! Rien de tel qu'un camouflet* pour bien commencer la journée, et créer un malaise lors de leur prochaine entrevue. Des années qu'elle se taisait sur ce qu'elle ressentait qu'elle faisait comme si de rien n'était afin de ne pas s'attirer la pitié, et voilà qu'elle venait de tout lui dire.

La jeune femme se maudit intérieurement, et décida de se lever quand son ventre gargouilla, lui rappelant qu'elle avait vomi son dernier repas. Encore un peu embrumée, elle attrapa son kimono en soie, et le passa sans fermer la ceinture et se dirigea vers la cuisine pour se faire à manger.

Bien que célibataire et n'ayant jamais connu d'homme, Maxine possédait des dizaines de kimonos, nuisettes, corset, porte-jarretelles... tous plus beaux les uns que les autres. Elle aimait la belle lingerie, surtout depuis qu'elle avait compris que les matières douces et soyeuses permettaient d'apaiser son corps meurtri par son don. Et puis elle éprouvait une certaine satisfaction à porter des dessous sensuels.

La veille, elle avait choisi de mettre une culotte taille haute en dentelle, sans soutien-gorge. Elle détestait ses objets de torture qu'elle trouvait contraignants. De plus, bien que lourde, sa poitrine était assez ferme pour qu'elle puisse s'en passer facilement.

Ce fut donc en culotte et en kimono, ouvert sur ses seins nus, qu'elle pénétra dans le salon-cuisine, et se retrouva face à un Abel torse nu. Torse nu, beau comme un dieu et préparant des crêpes. Une vision des plus invraisemblables. Abel. L'alpha local. Presque nu. À faire des crêpes.

Son cerveau eut du mal à comprendre ce qu'elle voyait, mais quand elle comprit la situation, elle hurla, attirant ainsi pleinement l'attention de l'alpha sur elle. Abel passa le regard sur son corps, avant qu'elle n'ait eu le temps de serrer la ceinture. Les yeux de l'alpha s'animèrent brièvement, sans qu'elle ne puisse savoir ce qu'il en pensait. De mieux en mieux, elle venait de se présentait presque nue, devant l'homme qu'elle avait allumé la veille. Cette journée commençait sous les plus mauvais auspices.

Comme si de rien n'était, Abel lui sourit et déposa une assiette à son attention sur l'ilot central.

— J'espère que tu aimes les crêpes. J'ai fait avec ce que tu avais dans ton frigo.

Au-delà de sa nature peu bavarde, et de la douleur provoquée par son don, Maxine resta tout de même sans voix sous cette vision surréaliste. Elle avait l'impression d'être encore en train de rêver. L'homme sur lequel elle bavait littéralement depuis six ans, et tenait l'affiche de ses fantasmes et de ses rêves érotiques, était dans sa cuisine, à faire des crêpes sans le moindre signe de haut. Ce constat aurait coupé le souffle à n'importe quelle femme normalement constituée.

Puisqu'elle n'avait rien à dire, elle s'assit en se rappelant qu'elle était chez elle, et n'avait pas à rougir de son corps, qui était plutôt tonique, bien qu'un peu en formes. Elle se concentra sur les gourmandises nappées de chocolat. Sans le vouloir ou pouvoir se retenir, une vision de ce qu'elle pourrait faire avec ce chocolat fondu, et de l'endroit où elle pourrait le déguster. Battant rapidement des paupières, elle pensant à un problème de mathématiques afin que l'odeur de son désir ne parvienne pas au nez du loup-garou. Se pensant seule, elle n'avait pas pris la peine de se vaporiser son parfum aux clous de girofle et à la cannelle, qui présentait le merveilleux avantage d'embrouiller l'odorat des surnaturels.

Se ridiculisant un peu plus, elle poussa un gémissement sonore en embouchant son petit déjeuner. Du coin de l'œil, elle vit Abel rater un mouvement, mais quand elle le regarda, il s'était repris, si bien qu'elle ne sut comment interpréter cela. Même si elle trouvait cela reposant, le fait de ne pouvoir lire ses émotions la déstabilisait. Elle s'était habituée à tout connaître des individus qu'elle croisait, que ce ne soit pas le cas avec cet Appolon la faisait se sentir fragile.

— Sinon, c'est souvent que tu te promènes en sous-vêtement, lui demanda brutalement le loup avec une pointe d'amusement dans la voix.

Maxine avala de travers en rougissant jusqu'aux oreilles. C'était gênant. Elle avait cru pouvoir passer sous silence les évènements de la nuit, c'était sans compter sur l'ouverture d'esprit des lycanthropes. Le sexe n'était pas tabou pour ces êtres friands de contact en tout genre.

Elle tenta de garder sa dignité malgré sa quinte de toux et ses joues rouges, en plissant les yeux pour lui signifier que ce n'était pas ses affaires. Sa vie privée ne le regardait pas et elle ne voulait pas que la débâcle de sa vie sentimentale soit connue de tous.

— Ton petit numéro de femme distante fonctionne avec les autres, mais tu ne peux pas m'embobiner avec tes petits trucs, enchaina l'alpha. On s'inquiète pour toi. Tu es des nôtres, c'est notre rôle de prendre soin de toi.

Maxine plissa le nez, blessée par cette remarque. Elle ne faisait pas partie des leurs. Elle n'avait jamais été intégrée officiellement à la meute. En tant que transhumaine, elle était trop faible, et serrait une cible facile pour les ennemis d'Abel, ce qu'il ne pouvait permettre.

L'alpha se déplaça derrière elle, et embrassa le sommet de son crâne. Le contact de sa barbe naissante avec ses cheveux et son cuir chevelu lui provoqua des frissons le long de la colonne vertébrale.

— Tu es des nôtres Maxine. Tu es notre joyau et notre cœur. N'en doute jamais.

N'ayant rien à ajouter, elle haussa les épaules. Ce sujet était douloureux et être physiquement proche de lui mettait ses nerfs à rude épreuve. L'alpha gloussa, s'assit à côté d'elle et la fixa de ses yeux dorés de loup. Il semblait bien amusé par la situation. Saisit d'admiration, la jeune femme ne put détacher son regard du sein. Abel était beau, mais les yeux du loup lui donnaient l'air encore plus solaire et sublime.

— Tu étais plus bavarde hier soir, la charia-t-il.

Et voilà qu'il recommençait à la faire rougir. Poussant un grognement, elle détourna le regard en fronçant les sourcils. Elle l'avait seulement invité dans sa chambre, pas de quoi faire un roman. Plein de personnes faisaient pire au quotidien.

— Tu ne te souviens pas, déclara-t-il, ses yeux toujours jaunes et amusés. Tu m'as dit que tu voulais un massage et que tu pouvais être très persuasive. Tu as juré d'être une gentille fille et de m'obéir si je te faisais l'amour. Puis tu t'es déshabillée.

L'amusement d'Abel laissa place à son sérieux, et ses yeux redevinrent deux puits sans fond.

— Tu avais l'air soûle. Je suis resté, de peur qu'il ne t'arrive malheur.

L'empathe n'avait jamais eu aussi honte de toute sa vie. Elle baissa la tête et mâchouilla sa lèvre inférieure.

— Ça va Max, ce n'est rien. J'ai seulement trouvé cela étonnant venant de toi. Cela faisait longtemps que je ne t'avais pas vu aligner autant de mots.

Cette humiliation avait suffisamment durée. La jeune femme tourna les talons et se dirigea vers la salle de bain, espérant qu'Abel comprendrait qu'elle lui signifiait son congé.


*Camouflet : humiliation vexante

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 27, 2023 ⏰

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Maxine Lazane | Empathe malgré toutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant