LES ÉTOILES VAGABONDES

36. LETTRE A UN HOMME

Après cette dispute avec les filles, Ellie s'était éloignée. Nous ne parlions plus, nous ne nous isolions plus et nous nous baladions toujours en groupe. Avec Noah et Loan.

Soline et Ellie avaient discuté avec Tara et finalement, le problème était réglé. Mais pas pour moi. Tout le monde semblait trouver cela normal que Tara ait insinué ne plus vouloir de moi et j'en venais à me demander si je n'en avais pas trop fait. Peut-être que ce n'était pas si grave et que je dramatisais.

Je ne pouvais pas faire autrement que de le prendre personnellement. Et d'ailleurs, ça m'avait tout l'air de quelque chose de très personnel puisqu'elle avait visé spécifiquement Ellie et moi. Pourquoi nous précisément ? Elle ne pouvait pas avoir sorti ça sans arrière-pensées, elle l'envisageait forcément.

Les jours suivants, je ne m'étais jamais autant sentie à l'écart dans mon propre groupe. Pendant une période, je pouvais parler à Soline. Jusqu'à ce qu'elle aille parler à l'assistante sociale. Et même si je ne lui en voulais pas, j'avais à présent un blocage et je n'arrivais plus à lui parler. J'avais comme l'impression que des dizaines de personnes lisaient nos conversations et ça me bloquait.

Lorsque je m'étais rapprochée d'Ellie, j'avais pu lui parler. Elle me demandait parfois si ça allait et je me confiais. Je lui disais aussi lorsque j'avais besoin de m'isoler aux toilettes et le soir par message, on en discutait parfois. J'aimais lui parler et elle m'écoutait vraiment, c'était agréable.

Mais je crois que les reproches de Soline et Tara l'avaient vraiment affectée et elle l'avait pris très au sérieux. Elle ne me demandait plus comme j'allais et elle n'essayait plus de discuter de ce qui me tracassait. Je ne pouvais lui en vouloir, je savais qu'elle faisait tout pour préserver notre groupe et j'aurais sûrement fait pareil à sa place. Mais moi, je me retrouvais seule.

Ce vendredi, j'allais voir ma psy. Une nouvelle psy, qui était bien plus compréhensive que la précédente et qui m'aidait bien mieux. Ma mère avait fini par comprendre que je ne dirais plus rien à la précédente alors elle avait changé. Et heureusement parce que je n'y serais pas retournée.

- Bonjour Meera, comment ça va aujourd'hui ?

- Ça va.

C'était la question de chaque début de séance. Evidemment, je répondais toujours "ça va". Parce que c'était un automatisme et que je ne pouvais m'en empêcher. Mais pour cette fois, ça n'allait pas trop mal.

- Ce n'est que notre deuxième séance ensemble alors je voudrais juste aujourd'hui qu'on essaye de comprendre ce qui fait que ça ne va pas pour toi en ce moment.

Je hochai la tête. Bizarrement, avec cette psy là, j'avais vraiment envie de trouver ce qui clochait chez moi contrairement à la précédente que je voyais simplement pour rassurer mes parents.

- Alors depuis quand à peu près, penses-tu à ce genre d'idées noires.

Je n'aimais pas ce terme. "Idées noires". Pourquoi idées noires ? Ce n'était pas des "idées" que j'avais, ce n'était pas une révélation mais une envie persistante. Mais les gens avaient souvent besoin de minimiser les choses pour se rassurer. Alors je ne disais rien.

- En fait...j'ai toujours eu plus ou moins cette envie. Depuis longtemps, dès qu'il y avait une dispute, une remarque ou quoi que ce soit, je le prenais très personnellement et je me remettais en question. Ca c'est fait progressivement et j'ai eu une période où je me disputais beaucoup avec mes amies. Ce n'est pas si grave en soit mais on me reprochait beaucoup de choses et ça me blessait énormément. Et c'est à partir de là que le "je veux disparaître" s'est transformé en "je veux mourir".