LUCAS

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Je vois tout de suite à sa manière d'être que sa grand mère a l'air de lui manquer.

Je sais même pas comment je peux en être si sur, mais c'est comme si je le lisait en elle. Comme beaucoup d'autres choses d'ailleurs, parce que c'est souvent que j'arrive à savoir comment elle se sent ou presque ce qu'elle pense. C'est con mais c'est comme ça.

Mais je dois arrêter ça tout de suite. Parce que là tout de suite, ses yeux verts dans les miens ne présagent rien de bon.

Je tourne la tête assez vite pour rompre ce contact. Je sais qu'elle me regarde toujours, mais je regarde au loin.

- Elle me manque vraiment parfois.

Tiens, qu'est ce que je disais ?

- Seulement parfois ? Lui dis-je pour plaisanter.
- Aha non... dit-elle avec un rire triste. Tout le temps. Mais j'essaye de ne pas penser à elle trop souvent. Ça sert a rien de se faire du mal hein ?

Voyant que je ne répond rien, elle continue.

- Tu vois pas ce que je veux dire ?

Je vois exactement ce que tu veux dire la nouvelle.

- Si si, je vois t'inquiètes.

Je sens qu'elle me regarde encore. J'aurais juste à tourner la tête, plonger mes yeux dans les siens et elle détournerait le regard parce qu'elle serait gênée. Je le sais. Mais je reste comme ça.

Allez savoir pourquoi je m'apprête à lui poser cette question, je n'en sait rien moi-même.

Mais je sais pas, j'ai envie qu'elle me parle, comme elle l'a déjà fait plusieurs fois. Qu'elle me raconte des trucs sur elle, ou n'importe quoi en fait. Parce que j'aime bien l'écouter je crois. Enfin non.

Si.

Et c'est ça le problème. Mais c'est trop tard maintenant. Je crois que c'est trop tard depuis un petit bout de temps même.

- Elle est comment ?
- Ma grand mère ? Me demande-t-elle surprise.
- Mmh.

Je sais qu'elle souri, je l'entend à sa voix. Je sais que ça lui fait plaisir que je lui pose cette question, et même si on dirait qu'elle hésite avant de se mettre à la décrire, elle se lance. Et elle me parle de sa grand mère, sans s'arrêter, sans gêne.

Et je l'écoute tellement attentivement. Même trop. Parce que je crois que j'aime vraiment bien l'écouter en fait.

- Alors... déjà elle est très drôle tu sais ? Elle fait toujours des blagues, même si des fois c'est pas très drôle, son attitude fait toujours rire. En tout cas, moi elle me fait rire. Elle est brune, comme moi, mais elle a des cheveux gris maintenant. Mais faut surtout pas lui parler de ses cheveux gris sinon elle s'énerve. Aussi elle est petite, exactement comme moi d'ailleurs, on fait la même taille...

Elle était fière de me raconter tout ça. Tellement fière de me décrire sa grand mère.

Et j'ai tout écouté, parce que tout ce qu'elle raconte, même les petits détails, m'intéresse. En fait c'est comme si, le temps qu'elle parlait, on est ailleurs. On est bien. Et ça, ça faisait longtemps que j'avais pas ressentis ça je crois.

Mais c'est mal. Il faut pas que je continue.

Mais j'ai tout écouté, et on a parlé un bon moment, parce que je lui ai posé des questions.

Je sais maintenant pas mal de trucs sur elle et sa grand mère. Je sais qu'elles adoraient danser et chanter toute les deux, parce que sa grand mère chante très bien. Je sais que sa grand mère est un vrai clown apparement, qu'elle s'habillait toujours avec des pantalons tailleur de toutes les couleurs, mais que son préféré c'était le vert. Comme la couleur des yeux de sa petite fille. Qu'elle l'a élevé, avec sa mère, comme sa propre fille. Que le jour où la mère de la nouvelle est parti, elle n'a jamais craqué devant elle parce que c'est la femme la plus forte qu'elle n'a jamais connu. Et que malgré ses problèmes de respirations, elle a toujours su se montrer forte en allant toujours mieux.

On a fini la discussion de ce soir quand elle me disait qu'elle était persuadée que là sa grand mère devait aller mieux depuis qu'elle est ici.

Et que même si elle n'a pas pu avoir les médicaments que sa petite fille a volé pour elle, elle sait que maintenant elle va mieux. Parce que c'est toujours comme ça.

Et j'ai juste fini par la charrier en lui disant qu'elle aurait pu mieux voler la prochaine fois. Ce à quoi elle a rigolé en me faisant une grimace pour que je me taise.

Nous voilà maintenant à rebrousser chemin vers nos chambres.

Et quand on descend les escaliers, quand elle se tourne vers moi, toujours en descendant, elle se cogne contre la rambarde. Et tout de suite après ce coup, elle s'arrête net, et se tient les cote en grimaçant.

- Putain de merde !

Comme un conard je ne réfléchis pas à ce que je fais quand je suis à coté d'elle encore une fois, et je vais vite vers elle.

Je lui prend le bras doucement et la tire légèrement pour qu'elle lève la tête.

- Qu'est-ce que t'as ?

Alors ses yeux verts rencontre de nouveau les miens. Et elle tente de sourire malgré la douleur, avec son nez plissé.

- Elle fait mal cette rambarde. Me dit-elle en essayant de rire.

Et je me souviens qu'elle s'est fait frapper il y a seulement quelques jours de ça. Parce qu'elle a toujours les marques sur son visage. Ils l'ont frappé, et elle a encore mal aujourd'hui.

- T'as toujours des marques ?
- Non. Enfin, ça commence à partir maintenant.

Faut que je la lâche maintenant.

Et on continue le chemin comme si de rien était, même si je crois qu'elle m'a entendu marmonner le « putain de fils de pute » en la lâchant.

Me voilà à sourire comme un con en repensant à tout ce qu'elle m'a raconté ce soir.

Mais non. Je dois arrêter ça putain ! C'est hors de question que je tombe. Que je retombe. Parce que j'ai refusé à tout ça il y a longtemps. À tout ce que ça me procure quand je suis avec elle. C'est sensé être fini pout moi tout ça.

Alors je dois arrêter ça, avant que mes yeux ne puissent plus s'ôter cette tête brune aux yeux verts de ma tête.

Mais c'est trop tard Lucas, et tu le sais... 

BLANCHE ET NOIR - entre les murs ( TOME 1 )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant