< Est-ce-que tu penses à moi, le soir, avant de t'endormir?
> Est-ce-que je peux exister sans penser à toi, Isaac? Je vie pour les moments que je passe avec toi. Je vie pour cette grandiloquente envie qui me maintient en vie
< T'es poétique
> C'est pas de la poésie. C'est avoir besoin de toi plus que tout le reste
< Je sais pas si j'aime le fait que tu aies besoin de moi. Et si je ne suis pas ce qu'il faut? Et si je t'apporte la mauvaise chose?
> Isaac
> Est ce que tu connais le mythe des âmes soeurs de Platon?
< Je crois pas
< Pourquoi, c'est quoi?
> Elizabeth Gilbert l'a très bien expliqué.
> Dans le Banquet, Platon décrit un dîner au cours duquel le dramaturge Aristophane expose le mythe qui explique pourquoi nous autres, humains, sommes rongés par le désir de nous unir, et pourquoi ces unions peuvent parfois être profondément insatisfaisantes, et même destructrices.
Jadis, rapporte Aristophane, il y avait les dieux dans le ciel et les humains sur terre. Mais nous, les hommes n'avions pas du tout, en ce temps-là, l'apparence physique qui est aujourd'hui la nôtre. Nous avions alors une tête, mais à deux visages, quatre jambes et quatre bras – l'union parfaite, en d'autres termes, de deux êtres ne formant qu'un, sans couture apparente. Il existait trois variations de genre ou de sexe possibles : l'union homme/femme, l'union homme/homme et l'union femme/femme, selon ce qui convenait le mieux à chaque créature. Chacun ayant le partenaire idéal cousu à lui-même, nous étions heureux. Créatures à deux visages et à huit membres, parfaitement comblées, nous nous déplacions sur la terre de la même façon que les planètes voyagent à travers les cieux – d'un air rêveur, en bon ordre et sans heurts. Nous ignorions le manque ; nous n'éprouvions aucun désir qui ne soit satisfait : nous ne désirions personne. Il n'y avait ni conflits ni chaos. Nous étions un tout.
Mais dans notre complétude, nous devînmes exagérément insolents. Notre orgueil nous poussa à négliger d'honorer les dieux. Et le tout-puissant Zeus nous punit de cette négligence : il coupa par la moitié tous les êtres à deux visages et à huit membres, parfaitement comblés. Il créa ainsi un monde de misérables créatures cruellement divisées qui n'avaient plus qu'un seul visage, deux bras et deux jambes. Par cette amputation de masse, Zeus infligea à l'humanité la plus douloureuse des conditions : éprouver en permanence une pénible sensation d'incomplétude. Nous, humains, naîtrions désormais avec le manque de notre moitié perdue, que nous aimions presque plus que nous-mêmes, et qui se trouvait quelque part, tourbillonnant dans l'univers sous la forme d'une autre personne. Nous naîtrions également persuadés que, en nous donnant la peine de la chercher inlassablement, nous pourrions peut-être un jour retrouver cette moitié perdue, cette âme sœur. En nous unissant à elle, nous retrouverions alors notre forme originelle, et ne souffririons jamais plus de la solitude. C'est là le fantasme singulier de l'intimité humaine : imaginer que 1 + 1 puisse un jour égaler 1.
< C'est super beau
> T'as vu ça?
> Certaines personnes sont faites pour l'autre, Isaac. Et je pense que tu es cette personne pour moi. Je n'ai jamais été si heureux d'embrasser quelqu'un d'autre. Et je pense que je ne le serai jamais plus. Fais moi confiance, d'accord? La confiance c'est tout ce que je peux t'offrir, tout ce que je peux te demander, ça et mon âme et conscience.
< Tu es poétique rien qu'en existant, tu sais ça?
> Tu dis ça parce que tu ne sais pas ce que c'est la poésie
< C'est quoi, la poésie?
> C'est regarder dans tes yeux après t'avoir embrassé et y voir la Voie Lactée
< T'es con, n'importe quoi
> Tu me fais pas confiance?
< Tu peux pas voir des étoiles dans mes yeux, je suis pas l'univers
> Pourtant chaque humain provient d'un reste d'étoile
< Tu insinues que je suis une étoile?
> A toi de trouver un sens à ce que je te dis, Isaac. Je te donne la clé, à toi de déverrouiller la porte
< T'es tellement mystique comme mec
< T'es là?
< Je t'ai vexé?
< ...
< Bonne nuit
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ISAAC
RomanceL'amour est une malediction langoureuse Dédié à celui qui ne me lis plus depuis longtemps. Les mots ne suffisent plus