des voix

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22:40, 2012. point de vue ken.

elle est là, de nouveau, face à moi.

j'aimerai lui glisser que ma curiosité la veut sur le même quai pour pouvoir mieux apprécier les traits de son visage. il est un peu particulier, joli à regarder. un peu fort, presque masculin, mais elle a des yeux étonnements clairs qui lui donnent un air de douceur. elle est pas très grande mais elle aurait pu l'être. je veux dire, elle a l'assurance qui va avec. je dis ça, mais je ne me fais qu'une idée de ce à quoi elle ressemble à distance avant que le train ne la fasse disparaître.

une phrase finit par m'échapper alors que l'on se fixe depuis qu'elle a fait son apparition sur le quai d'en face. j'avais besoin de me faire une idée de sa voix :

- tu vas bien ?

rien ne coule sur ses joues. ça pourrait supposer qu'elle va bien, même si je suis la preuve vivante que ça ne veut rien dire.

- très bien et toi ? elle me répond en rigolant. le mec assit derrière moi relève la tête de son téléphone, il se demande surement ce qu'il se passe devant ses yeux.

- super.

elle est plus grave que ce que j'aurais pu m'imaginer. sa voix est confiante, beaucoup moins déliée. elle a l'air solaire.

- ça va mieux avec ta copine ? elle poursuit la discussion, toujours aussi enjouée.

- c'est pas ma copine mais ouais, ça va, je me sens forcer de lui justifier, comme si mon intérêt pour elle expliquait ma démarche.

si ça va avec céleste ? ça ira toujours avec céleste. de l'extérieur, on a pas forcément l'air de vivre quelque chose de sain, mais notre haine mutuelle paraît si légère à côté de ce qui nous traverse vraiment.

- tant mieux alors. profites-en tant qu'ça dure.

elle regarde le nombre de minutes qu'il lui reste à attendre son wagon alors que je reste bloqué par ce qu'elle vient de me dire, sans trop comprendre le fond de sa réponse.

- tu vas où ? elle reprend sans que je puisse lui demander de précisions.

- voir un pote qui a une peine de cœur.

et qui va d'ailleurs me tuer si j'arrive pas d'une minute à l'autre.

- et toi ?

elle regarde à nouveau le temps d'attente, me fixe, puis hausse les épaules comme la dernière fois en voyant son train arriver pour la faire disparaître.

elle rentre dans le wagon qui me fait face en s'avançant vers la vitre pour me saluer, toujours dans l'optique qu'elle reste dans ma mémoire.

et elle a bien raison, puisque mon cœur s'emballe. j'agite ma tête pour oublier ce qu'il vient de se passer. quelques mots échangés, et cette fille m'a déjà fait de l'effet. c'est sûrement ça mon problème, quand une fille en dit pas trop, je ressens toujours le besoin de m'y accrocher. ça m'intrigue, elle le sait, ça lui plaît d'être ce qu'elle est.

je vois bien qu'elle veut jouer. elle me faisait déjà jongler sur les scènes de son quotidien depuis des mois. je me dis que quelque part, peut-être que j'ai aussi mon rôle dans ses trajets. peut-être que je les rendais un peu moins monotone.

c'est étrange cette pensée. j'ai rarement eu l'impression d'avoir pu faire du bien à tout ceux que j'ai pu croiser.

mon wagon arrive à son tour. pendant tout le long du chemin qui me mène jusqu'à l'appartement de mohamed, je ressens l'envie pressante de la recroiser. c'est la première fois que je repose mes yeux sur quelqu'un de nouveau depuis ma précédente relation, que quelqu'un m'intéresse un temps soit peu autrement que pour du sexe. que j'ai envie d'en savoir plus, de discuter.

aquarius (nekfeu)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant