Chapitre 5 - Joue le jeu

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La jambe d'LK trépidait sous la table, faisant vibrer et s'entrechoquer les verres de cocktail vides. Il s'ennuyait comme un rat mort, LN avait filé en douce et Zeph comptait fleurette à une petite mignonne qu'il avait invitée à le rejoindre sur le sofa.

Tenir la chandelle, très peu pour lui. Il se redressa en percevant un léger craquement dans son dos, il avait passé tellement de temps sur ce sofa qu'il aurait bien pu y finir encastré pour toujours. Zeph avait le nez plongé dans le cou et la chevelure de sa dernière conquête, inutile de chercher à lui parler, il n'aurait pas remarqué une invasion de sauterelles tant il était absorbé par son activité. LK s'éloigna donc vers la piste de danse sans un mot et traversa la salle en décourageant d'un regard noir les séductrices appâtées. Il n'était pas d'humeur à être dérangé, il n'était pas d'humeur à grand-chose ces temps-ci.

LN n'avait pas l'air d'être dans le couloir non plus, il n'y avait que quelques fêtards titubants qui se dirigeaient vers la sortie tout en enfilant leur veste. Et il y avait cette fille rousse pressée qui bousculait tout le monde sur son passage. Deux hommes à la mine patibulaire semblaient la poursuivre. LK croisa le regard déterminé de la fille qui bifurqua tout à coup vers lui comme si elle avait décelé une forme d'invitation tacite dans ce contact fortuit. En l'espace de quelques instants rocambolesques, elle l'avait saisi fermement par le col pour l'attirer à elle et plaquer un baiser impétueux sur ses lèvres.

Laëlle comprit qu'il jouait le jeu quand elle sentit la main de cet inconnu providentiel glisser indécemment au creux de ses reins pour la retenir. Le profiteur ne cherchait d'ailleurs pas du tout à abréger leur baiser qu'il accompagnait avec une fièvre et une malice éhontées.

Quand elle l'avait vu apparaître dans le couloir avec son look de dandy négligé et son petit air arrogant, elle s'était dit qu'il correspondait exactement à ce dont elle avait besoin pour se tirer de ce mauvais pas. Et quand elle avait fugitivement croisé son regard, elle avait eu la conviction qu'elle pourrait compter sur l'aide de cet étranger. Depuis longtemps elle se plaisait à croire qu'elle était un excellent juge de caractère et qu'elle pouvait cerner les gens en une fraction de seconde, non que l'expérience n'ait jamais proprement soutenu cette conviction.

Lentement, Laëlle libéra les lèvres de son complice impromptu. Elle lui adressa un regard appuyé qu'elle pensait vecteur d'un message explicite, mais il se demandait seulement si cette rouquine peu farouche avait bien toute sa tête.

— Léo, tu es enfin arrivé mon chéri ! s'exclama-t-elle en surjouant un tantinet.

Les deux hommes qui poursuivaient Laëlle s'étaient arrêtés devant le couple et examinaient d'un œil soupçonneux le pseudo-fiancé. Ils n'avaient jamais rencontré Léo Valefort en personne mais ses vêtements un peu trop chics pour les lieux et surtout le regard à la fois condescendant et méprisant qu'il jetait sur eux les convainquit qu'ils n'étaient pas en face d'une personne qu'il faisait bon contrarier.

— Monsieur Valefort, la demoiselle est bien votre fiancée ? s'enquit le petit homme au cou tatoué, soucieux d'avoir l'air suffisamment respectueux en s'adressant au jeune esthète.

Voilà une situation qui s'avérait distrayante. LK observa le sourire crispé de la femme à ses côtés, elle le fixait avec les yeux implorants d'un petit chiot plein d'espoir. Il réprima un léger rictus amusé pour maintenir son masque d'indifférence glaciale à l'égard des deux hommes. LK ne savait pas comment interpréter le rôle de ce Valefort dont il ignorait l'identité, mais il avait bien remarqué que ces importuns puaient le danger et que la rouquine comptait sur lui pour l'en débarrasser. Soit, faire peur, c'était dans ses cordes.

Déchu [Sous contrat]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant