Luv
À la fin de la soirée, je suis complètement lessivée. Il est plus de minuit, et je me dépêche de me changer dans les vestiaires afin de rentrer chez moi le plus vite possible. Je sais bien qu'Ivy ne se formalisera pas de mon retard, surtout que j'ai pris soin de la prévenir par texto, mais je n'aime pas ça. J'ai l'impression de profiter de sa gentillesse, même si elle m'assure que ce n'est pas le cas. En vérité, elle adore la compagnie d'Isaac. Elle qui n'a jamais eu d'enfants et a passé sa vie à s'en occuper en tant qu'éducatrice, elle ne cesse de me dire qu'elle ne pourrait imaginer meilleure façon de passer sa retraite. Surtout qu'Isaac n'est pas turbulent, il est même très facile. Peut-être un peu trop. C'est aussi pour ça que je m'inquiète de le voir entrer à l'école, ce lundi. Il ne se plaint jamais d'être seul, il est souvent perdu dans son petit monde et j'ai peur qu'il ne parvienne pas à se faire des amis. Je n'ai pas envie qu'il s'isole, comme sa mère. J'ai envie qu'il ait des gens sur qui compter, plus tard.
Après avoir dansé trois numéros, mes pieds sont en compote et mes jambes me font souffrir. Je serai heureuse de profiter d'un bon bain chaud et de retrouver mon lit. Je referme mon casier, salue Line qui s'apprête à monter sur scène pour le numéro final, et traverse le couloir qui mène à la porte de derrière. Je ralentis quand je remarque que la porte du bureau de Rowan est entrouverte. S'en échappe une douce lumière, ainsi que quelques jurons étouffés. Je m'arrête, et jette un œil par l'embrasure avant d'oser l'ouvrir complètement d'une main.
Malachaï est en train de fouiller dans des papiers, probablement à la recherche de l'une ou l'autre facture. À cette heure-ci, il a pris l'habitude de laisser le bar à Quinn, la barmaid qu'il a engagé à mi-temps il y a un an, quand Rowan lui a laissé la majeure partie du club. La gestion administrative fait désormais partie de ses nouvelles tâches et même si je sais qu'il aime cet endroit de tout son cœur, je sais aussi que Mal n'est pas le plus doué en ce qui concerne l'organisation. Ni même les chiffres. Je sais que notre ancien patron avait engagé un comptable, mais celui-ci ne fait visiblement pas un travail suffisamment satisfaisant aux yeux de son meilleur ami.
— Tu... tu as besoin d'aide ? me risqué-je.
Ses épaules se tendent, mais il ne s'arrête pas pour autant. Pas une seule fois il ne lève les yeux vers moi, et une étrange pensée traverse mon esprit à la vitesse de l'éclair : ses yeux me manquent. Son regard autrefois teinté de cette affection qu'il ne réservait qu'à moi, me manque.
— Non, assène-t-il. Tu devrais rentrer chez toi, il est tard.
J'enfonce les mains dans les poches de ma veste et pince les lèvres face à son ton acerbe. Son comportement commence à m'agacer. Ce malaise entre nous, son agressivité, tout ça doit cesser. J'ai essayé de lui laisser de l'espace, j'ai essayé les excuses... Rien ne fonctionne. Nous travaillons ensemble, après tout. J'aimerais ne pas avoir sans arrêt ce coup au cœur à chaque fois qu'il s'adresse à moi, comme si je n'étais qu'une moins que rien qui ne mérite même pas la moindre once d'attention de sa part.
Nous étions proches, autrefois. Je ne peux pas croire que ça n'a pas compté pour lui.
— Je pense que je vais commencer à chercher un poste ailleurs, lancé-je de but en blanc.
Ma déclaration a le mérite de le forcer à s'arrêter net. Il cesse tout mouvement, je crois même qu'il suspend sa respiration. Lentement, il lève le menton, et ses prunelles entrent en contact avec les miennes. Je m'efforce de rester stoïque face à son regard.
— Quoi ?
— Je ne me sens plus chez moi ici, révèle-je. Et je sens bien que tu ne veux plus de moi, alors je préfère encore te donner ma démission avant que tu ne trouves une raison de me virer.
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RED For Us
RomanceIl y a un an encore, j'aurais pu dire que Malachaï Rivers était mon meilleur ami. Il était gentil, attentionné, protecteur. Il a suffit d'un mauvais choix de ma part pour que tout parte en vrille. Aujourd'hui, il ne me sourit plus. Et je ne sais pas...