Chapitre 2

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J'étais persuadée que le moment le plus difficile à vivre serait l'oubli, la page qu'on tourne, le moment de l'histoire ou il n'est plus la personne à laquelle je pense au milieu de la nuit, quand je croise mon reflet dans le miroir ou quelqu'un qui lui ressemble. Que la première chose que je ressentirais en entendant le verdict c'est du soulagement. Peu importe qu'Alan perde ou gagne, l'important pour moi c'était que l'homme qui m'a privé de ma mère pour le restant de ma vie finisse la sienne en oubliant ce qu'est la liberté. Pourtant, j'ai beau savoir qu'il restera en prison pour dix année de plus au moins, j'ai l'impression d'avoir encore perdu quelque chose. Comme si la personne au fond de moi qui espérait encore un jour retrouver le père qu'elle a connu, venait à peine de se rendre compte que ça n'arrivera plus jamais.

Et même quand j'ai voulu tout recommencer une nouvelle fois, je me suis retrouvée coincée dans un chemin dont petit à petit j'ai perdu de vue l'arrivée. J'ai beau tenter de guérir, les cicatrices restent impossibles à ignorer. Les tremblements, les crises d'angoisses, les sursauts, les nuits d'insomnies, voilà ce que les hommes que j'ai connus ont dispersé dans mon corps. Ce avec quoi je dois coopérer, en pleine nuit ou en pleine journée dans la rue ou dans les couloirs du lycée. J'ai...

- Victoire ? Voulez-vous que je répète ma question ?

- Hum..., répondis-je au Dr Carter quand je repris conscience d'où je suis, de ce que je suis en train de faire et de cette boule qui a élu domicile dans ma poitrine depuis des mois.

Elle me sourit avec toute la patience du monde, pas le moins du monde vexée de savoir que je ne l'écoutais pas et s'apprête à répéter mais je l'arrête avant :

- Il était là.

Je sens à son regard qu'elle ne comprend pas tout de suite ou je veux en venir mais elle ne m'interrompt pas pour autant, consciente que ça fait des mois que je ne réponds que par oui ou par non aux questions qu'elle tente de me poser.

- Il était là. Pendant le procès. Des mois après avoir disparu, sans avoir donné signe de vie, il était là. Il s'est assis à côté de moi et m'a attrapé la main comme si on ne s'était jamais quitté.

Au moment où elle comprend à qui je fais allusion elle se met à griffonner dans son carnet en m'intiment en silence de continuer.

- Et vous savez ce que ça m'a fait ? Ce que j'ai fait ? dis-je en sachant très bien qu'elle finira par me poser la question.

Ses yeux me disent qu'elle sait à quel point cet aveux me coûte. Je n'ai pas reparlé de lui depuis le jour où il est parti.

- Je me suis accrochée à sa main comme si seul lui pouvait me sauver, comme si lui seul était capable de me maintenir debout. Est-ce que ça fait de moi quelqu'un de stupide ou de ridicule ? Est-ce que je suis encore cette pauvre fille en détresse qui attend que son prince charmant vienne la sauver ? La vérité Docteur c'est qu'après tout ce que j'ai traversé, je me hais d'être devenu aussi dépendante de lui, de n'arriver à respirer correctement que lorsque son souffle ce mélange au mien et qu'en fin de compte mon addiction ce soit devenu lui. Ne plus boire, ne plus prendre de drogue ça je connais, mais comment on fait pour arrêter d'aimer à vouloir en crever ? Dites-moi comment on fait pour oublier quelqu'un qui a bouleversé notre vie à ce point ?

- Est-ce vraiment ce que vous voulez, l'oublier ?

- Il est parti comme s'il en avait rien à faire, comme si je n'avais jamais compté. Il a oublié toutes ses promesses et ce pourquoi on se battait, comme si tout ça n'en valait finalement pas la peine. Je serais idiote de ne pas vouloir l'oublier.

- Je comprends très bien votre raisonnement Victoire. Vous venez de me citer toutes les raisons pour lesquelles vous pensez qu'il serait bon de l'oublier. Mais ce qui m'importe d'abord, c'est que vous me disiez si c'est un choix du cœur ou de raison.

Let me hate you! Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant