La Carillonneuse

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" La vie des morts consiste à survivre

dans l'esprit des vivants."

Cicéron


" Aragon.

- Asha ?

- Où sont mes parents ?

- Je ne sais pas."


La petite fille fixa son compagnon, les yeux embués de larmes. Ses cheveux noirs lui fouettaient le visage, ce qui ne l'empêchait pas de voir l'Ombre. Un bruit clair résonna plusieurs fois dans la nuit et le hibou se percha sur le bâton de la petite. Il était son Ombre attitré, c'était à lui de la guider. Pour le meilleur, comme pour le pire. Sauf qu'au lieu de se résigner, comme à son habitude, Asha se détourna pour contempler la vallée en contrebas.


" Aragon, chuchota-t-elle. Est-ce que si je saute, je les retrouverai ?

- Oui Asha, mais ce n'est pas encore l'heure pour cela. D'autres t'attendent et il te faut d'abord finir ta formation."


Et sans plus de protestations, elle se détourna et prit le chemin pour descendre du pic rocheux.


*


Une jeune femme courrait, sa longue tresse se balançait dans son dos et son souffle était court. Jamais elle n'arriverait devant la salle d'examen à temps, à part si un miracle avait lieu, elle se condamnait d'avance aux rattrapages. Serrant les dents, elle refusa d'abandonner et augmenta son allure. Elle dérapa sur le sol glissant, faillit rentrer dans un de ses camarades et se rattrapa de justesse au bras de celui-ci. Tout aussi vite, elle se redressa et retira ses mains, les joues rouges de gêne.


" Excuse-moi Thibault, je ne suis pas en retard ?

- Non, tu as de la chance, le professeur était coincé dans les bouchons. Il vient seulement de commencer l'appel.

- Asha Jean.

- Merci. "


Elle se retourna pour se diriger vers son professeur de droit constitutionnel. Un vieil homme acariâtre qui avait tenu à surveiller sa propre épreuve. Probablement pour que ses collègues ne prennent pas en pitié les étudiants face au devoir cauchemardesque que celui-ci leur avait concocté.


" Bonjour monsieur, le salua-t-elle d'une voix calme.

- Troisième rang au fond, laissait votre sac en bas, pas de trousse."


Son énumération sèche ne la déstabilisa pas. Elle avait l'habitude. Prenant son courage à deux mains, elle se dirigea vers la place qu'on lui avait assignée.


*


Thibault se tenait silencieusement face à elle, lui bloquant le passage. Elle fronça les sourcils, ne comprenant pas ce qu'il pouvait bien lui vouloir. Elle n'avait sympathisé avec personne de toute la fac de droit, ce ne serait pas maintenant qu'elle ferait un effort. Elle sentit Aragon se poser sur son épaule, fidèle compagnon, il restait invisible pour les autres. Pour quelles raisons ? Elle l'ignorait et cela se rajouta à sa liste de toutes ses questions sans réponse.

La Carillonneuse - Recueil de nouvellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant